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DU CUIVRE
CONTRE
LE CHOLÉRA
CHOLÉRA
DE ^IMMUNITÉ
ACQUISE PAR LRS OUVRIERS EN CUIVRE
PAR RAPPORT AU CHOLÉRA
KNQUÉTES FAITES A CE SUJET EN F R \ "M C E ET EN ITAME
PRÉSERVATION ET TRAITEMENT
PAR LES ARMATURES ET LES SELS DE CUIVRE
OBSERVATIONS KT E X P 12 lU E NC B S DEPUIS I 8 'l 9
PAR LE D' V. BURQ
AUTEUK DE 1. A M K T A 1, I. 0 T H Ê R A P 1 K
PARIS
G. BAILLifîRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
HUE ur i,'i';cot.K de médecine, 17
1 8 G7
CONCOURS DE 1867
OUVRAGE
l'RlîSENTÉ A l'académie DES SCIENCES
Pour les prix BRÉANT et IWONTYON
KT A l'académie TMPÉRIALK DE M K D R C I N K
Pour le prix BARBIER
• Cet ouvrage ne comprenait d'abord que les faits et
documents relatifs k nos travaux antérieurs à l'épidémie
de 1866, sur la question du cuivre envisagé comme
agent prophylactique et curatif du choléra. Il allait
l)araître lorsque, au mois de juillet derniei', survint une
nouvelle invasion, du lléau. Notre publication, obligée
de se compléter par une seconde partie consacrée h
(c qui se proiluisit alors, pendant les mois de juillet,
août, septembre et octobre, chez les individus soumis
a un titre quelconque à l'action du cuivre, obligée en
outre de tenir compte de toutes les observations et
discussions (jui suivirent, a tlù naturellemenl se Caire
attendre.
Une interruption, de près d'une année, entre la
première partie de ce travail et la seconde, expliquera
l'apparente confusion de dates qui semble parfois exister
dans- le texte, et excusera suffisamment aussi, nous
l'espérons, la mise en cause d'un éminent confrère
dont la mort est venue depuis affliger le corps médical
tout entier.
A MONSIEUR
LE PROFESSEUR TROUSSEAU
Illustre et très-cher Maître,
Il y a dix ans passés maintenant, se présentait, dans vos'salles
à l'Hôtel-Dieu, l'auteur de la Métallothérapie... Prendre place
dans le cercle nombreux des médecins de tout âge qui se pressaient
attentifs aux savantes leçons du Professeur, à la fois praticien,
orateur et vulgarisateur éminent, était son but... l'intéresser
peut-être un jour à sa découverte, son espérance.
Traitant bientôt le nouveau venu avec la plus grande bienveil-
lance, vous lui avez, trés-honoré Maître, fourni mainte occasion
de se produire dans votre important service de clinique, etparfois,
honneur insigne, il vous est arrivé même de faire de ses recherches
le sujet de vos leçons devant cette foule qui se pressait avide de
vous entendre dans l'Amphithéâtre de l'Hôtel-Dieu.
Vous avez fait plus encore, illustre Maître! En une discussion
solennelle à L'Académie, vous êtes venu attester les effets sur l'or-
1
yanisme des métaux, en application, devant une assemblée où la
mélalloihérapie n'avait rencontré jusque-là d'autre écho que celui
de l'honorable Secrétaire perpétuel, lisant à la savante compagnie
le titre de quelques-uns des nombreux travaux et mémoires que
j'ai eu l'honneur de lui adresser.
Comblé dans mes vœux les plus chers par l'intérêt d'un si
Imut patronage, hùnbré â'iine très-précîeusè estime et d'une atnitié
dont vous avez bien voulu me donner des preuves en plus d'une
circonstance, permettez-moi, très-cher Maître, en témoignage de
ma gratitude profonde, de vous dédier cette œuvre, qui compte
un bien petit nombre de pages, sans doute, pour prétendre à ce
titre, mais qui le justifiera peut-être a vos yeux par le temps et
les soins qu'elle a demandés à son auteur pour en rassembler et
coordonner les divers éléments.
Veuillez agréer.
Illustre et très-cher Maître,
L'expression des sentiments dit dévouement inaltérable.
De votre très-obligé et très-respectueusement affectionné.
ly V. BURQ.
PRÉFACE.
L'an passé, presque à pareille époque, nous avions
l'honneur d'adresser successivement aux Académies des
sciences et de médecine de Paris, de Florence, et de Con-
stantinople le mémoire qui a paru depuis sous ce titre :
Préservation et traitement du choléra par le cuivre..
Après avoir fait eu détail l'historique de la découverte
des propriétés curatives de certains métaux, en applica-
tion sur la peau, et en particulier des propriétés anti-
cholériques du cuivre, employé intus et extra; après avoir
dit, dans notre travail, par suite de quelles circonstances
la nuit était venue se faire sur cette importante question
de la préservation des ouvriers en cuivre dans le choléra, . . .
nuit si profonde qu'il n'en avait jamais plus été parlé
depuis 1853,... nous écrivions : « En face de l'épidémie
nouvelle, aujourd'hui seulement, après douze longues
années de silence, je reprends la parole, bien décidé cette
fois à faire, dans l'intérêt public, tout ce qui sera néces-
saire pour que la vérité éclate, je pourrais dire aussi
pour que justice soit faite. »
C'était vers la fin d'août que nous tenions ce langage...
Quelques jours après cet engagement si formel de nous
- k -
vouer à la chose publique, nous n'hésitions point à
écrire à un puissant confrère la lettre que l'on retrouvera
un peu plus loin, et ayant pris seulement le temps de pu-
blier lettre et mémoire, dès le 25 septembre, nous quit-
tions nos malades pour aller expérimenter, à nos seuls
frais et risques, les nouvelles armes contre le fléau, arrivé
alors, à Toulon, à l'apogée de sa fureur. Depuis cette
époque, que s'est-il passé? qu'a-t-il été observé de nou-
veau relativement à cette préservation remarquable des
ouvriers sur métaux, qui a d'abord servi de base à ce trai-
tement par les sels de cuivre sur lequel nous avions fondé
de si grandes espérances?
Quels ont été les eiïets de ce système métallothéra-
pique avec lequel déjà, en 18Zi9, nous commencions à ob-
tenir, dans les hôpitaux, les résultats qui, sur le rapport
du comité consultatif d'hygiène publique, nous valaient,
la même année, la médaille d'argent du choléra et dé-
terminaient le gouvernement à prendre à sa charge les
dépenses nécessitées par nos armatures?...
Sous tous les rapports, la moisson a été abondante, et
nous devrions être déjà venu dire tous les fruits que l'idée
nouvelle a portés; mais des renseignements complets et
bien circonstanciés touchant les faits qui se sont passés
à Paris, durant la dernière épidémie, chez les ouvriers en
métaux, renseignements que nous avons dû aller cher-
cher au domicile môme des décédés et jusque dans les
ateliers oii ils travaillaient, nous faisaient défaut pour un
travail d'ensemble. C'est seulement après une enquête
qui n'a pas duré moins de quatre mois, que nous nous
somme trouvé en mesure de répondre.
Pour en finir une bonne fois et ne point avoir à y reve-
nir, car d'autres questions non moins intéressantes de la
Métallothérapie, traitement des névroses, révélation des
idiosyncrasies par les applications métalliques, récla-
ment les dernières années d'activité que noUB pouvons
encore avoir au service de la science, nous avions entre-
pris de dresser une monographie complète du sujet. Mais
^1 arrive déjà que nous sommes arrêté dans notre travail
de rédaction, car voilà le fléau qui fait de nouvelles vic-
times, et si nous tardions davantage, les nouveaux ar-
guments que nous avons à fournir en faveur de notre
système de préservation et de traitement, risqueraient
d'arriver trop tard à leur adresse. Forcé de nous en tenir
encore au principal, nous nous bornerons donc à livrer à
l'impression les faits et les documents les plus impor-
tants dont s'est enrichie, dans ces derniers temps, la
question du cuivre dans le choléra. En lisant les obser-
vations nouvelles que nous recueillions à Toulon et à Mar-
seille, pendant que, de leur côté, MM. les docteurs de
Rogatis et Gallarini se faisaient, en Italie, les continua-
teurs aussi zélés que désintéressés de nos recherches;
en voyant les guérisons qu'on a commencé à obtenir
avec les sels de cuivre, à Marseille et à Paris, en suivant
tous les détails de notre nouvelle enquête touchant les
effets de l'épidémie sur tous les ouvriers des indutries sur
métaux et autres; en songeant enfm à tout ce que nous-
avons déjà fait pour mener à bien cette partie de la métallo-
thérapie, aujourd'hui l'œuvre de toute une grande partie
de notre vie, le lecteur jugera, d'une part, si la solution
tant cherchée se rapproche, et, d'autre part, si l'initiative
— 6 —
individuelle a, dans ce cas, atteint ses dernières limites.
Pour nous, resté fidèle à notre programme, nous garde-
rons longtemps le souvenir des marques nombreuses de
sympathie qui sont venues nous trouver jusqu'à Hyères,
au lendemain du jour où succombait cet autre volontaire
parisien, l'infortuné docteur Tourette, et où, avertis par
les journaux des événements de Toulon, singulièrement
exagérés en ce qui nous concernait personnellement, comme
il en sera justifié plus loin, d'aucuns invoquaient déjà'
notre fin supposée pour se donner raison de leur résistance
à l'idée nouvelle.
Avant d'entrer en matière, il nous importe de bien
faire constater ceci, à savoir : que tous les faits de pré-
servation spontanée par le cuivre, que nous avions certi-
fiés à nouveau dans notre dernière publication, « défiant
quiconque de venir s'inscrire en faux contre ces faits, »
tous, sans exception, sont restés debout par le silence
approbatif de tous les hommes honorables, chefs d'indus-
trie ou médecins, que nous avions pris, une deuxième fois,
publiquement à témoin de cette préservation.
Il ne pouvait du reste en être autrement; car, ainsi que
nous l'avons dit, nous avions en nos mains les témoi-
gnages écrits de ces mêmes hommes. Comment alors des
affirmations en sens contraire ont-elles pu se produire,
il y a treize années, dans le sein du comité consultatif
.d'bygiène publique, et s'y produire de façon à ruiner tout
d'abord en haut lieu cette enquête de 1852 et 1853, qui
nous avait déjà coûté tant de soins et tant de peine, et
dont les résultats s'étaient montrés si consolants pour
l'avenir?... Sur quels faits, sur quels documents étaient
— 7 —
basées ces assertions?... En quoi seulement consistaient-
elles?... Nous l'ignorons, hélas! et, quoi que nous ayons
pu dire ou faire à cette heure, il nous a été impossible d'en
rien savoir. Notre puissant contradicteur nous ayant dit un
jour : (( Je vous ai suivi, je suis allé partout où vous êtes
allé vous-même, » nous devions espérer tout au moins
retrouver quelques traces d'une contre-enquête sérieuse
comme le sujet lui-même, mais les principaux industriels
que nous avions cités, les Sax, les Gautrot, les Gail, les
Paillard, les Christoûe, etc.,, ^,tc., interrogés par nous cà
nouveau, nous ont répondu qu'ils n'avaient jamais eu à
$'expli(juer officiellement avec quiconpe sur la préserva-
tion de leui-s ouvriers, et qu'ils étçiient tout prêts à attes-
ter que l'enquête faite par nous était la seule dont ils
eussent connaissance ! ! !
D'un autre cô,té, monsieur le docteur Mêlier, invité à
.s'expliquer dans une lettre pressante, qui compte aujour-
d'hui plus .de dix mois de ,date, jusqu'ici s'est abstenu de
répondre...
Nous ne saurions cependant rester plus longtemps sur
cette fin de nQn-recevoir.
Plusieurs voies nous sont ouvertes pour obliger morale-
Daent notre éminent confrère à sortir d'un silence qui,, pour
beaucoup, doit équivçiloir déjà à un aveu d'impuissance.,,.
Nous préférons, pour le moment, nous borner à remet-
tre sous les yeux du lecteur la lettre que no,us av.o^s ,eu
l'honneur de lui adresser ,en septembre dei'nier, et c'est
par là que nous terminerons cette préface...-
8 —
A MONSIEUR LE DOCTEUR MÈLIER,
Membre du Comité consultatif d'hygiène publique, inspecteur général des services sanitaires,
membre de l'Académie impériale de médecine, etc.
Monsieur et très-honoré confrère,
Le 7 août dernier, reprenant devant l'Académie la ques-
tion de l'influence des métaux dans le choléra, qui en
18/i9 avait fait sa première apparition dans la science , je
disais : « Aujourd'hui seulement, après douze longues
années de silence, je reprends la parole, bien décidé cette
fois à faire, dans l'intérêt public, tout ce qui sera néces-
saire pour que la vérité éclate. »
Malgré cette sorte d'engagement formel de faire quand
même le nécessaire, en vue des graves intérêts que je crois
défendre, pas un mot n'était prononcé touchant les cir-
constances particulières qui, en 1853, avaient fait échouer
mon enquête sur le choléra. Hier encore j'étais résolu à
toujours dévorer en silence les souvenirs amers du passé,
mais aujourd'hui ma décision est autre. J'ai réfléchi que
la question soulevée par moi à cette époque, étant mainte-
nant à tout le monde, je n'avais plus le droit d'en rien •
distraire, et qu'à tous ceux qui se sont, faits les complices ^
de mes affirmations ou qui se sont associés à mes espé-
rances, je devais la vérité tout entière.
En conséquence, Monsieur et très-honoré confrère, je
me suis décidé à faire précéder l'impression du nouveau
mémoire que je viens d'adresser à l'Institut de cette lettre
— 9 —
à votre adresse. Je sais tout le respect que- votre expérience
et votre haute situation m'imposent, j'ai pris garde de n'y
point manquer.
En 1853, à la suite de mes recherches et publications
sur l'influence des métaux en général et sur celle du cui-
vre en particulier, dans le choléra, publications qui avaient
eu le privilège de jeter de l'émotion jusqu'en haut lieu,
S. Ex. M. le Ministre de l'agriculture et du commerce, qui
a, dans son département, la haute direction de la santé pu-
. blique, vous délégua afm de vérifier les faits sur lesquels
je venais de fonder mon système de préservation et de
traitement par le cuivre.
Procéder à une contre-enquête, refaire un travail que
moi, plein de foi et maître de mon temps, j'avais mis plu-
sieurs mois à conduire à bonne fin, était bien une mission
quelque peu difficile- pour un homme aussi occupé que
vous; mais, en tout cas, elle ne fut point jugée au-dessus
du zèle dont vous aviez donné et avez donné depuis tant
de preuves pour la chose publique.
Vous vous rendîtes avec empressement, il faut le croire,
aux ordres du Gouvernement. Remplissant votre tâche
comme elle méritait de l'être, on vous vit, sans doute,
Monsieur et très-honoré confrère, visitant les trois ou
quatre cents usines ou établissements de toute sorte où
j'avais été chercher les preuves de mon système, montant
les mêmes étages, interrogeant les mêmes ouvriers jus-
que dans leurs auberges et leurs garnis,... etc., etc.; car,
veuillez vous en souvenir, vous m'avez dit à moi-même
certain jour : « Je vous ai suivi, je suis allé partout où
vous êtes allé vous-même... » et ce n'est qu'après, et
— 'lO —
alors aussi, sa.ns doute, que vous aviez pris le soin de vous
renseigner auprès des mêmes industriels et chefs d'usine
de diverses parties de l'Europe où les métaux sont extraits
du sem de la terre, ou sont mis en œuvre, que vous fîtes
votre rapport à Son Excellence. Quel était le contenu de
ce rapport? je l'ignore, vu qu'il est toujours resté pour
moi lettre close ; mais ce que je sais malheureusement,
c'est que votre mission mit fin aux espérances qu'on avait
pu concevoir, et qu'aucune tentative ne fut faite dans le
^ens où je l'avais indiqué.
Encore une année, et la France comptait quelque cent
mille victimes de plus; et un peu plus tard, en 1855, dans
cette mémorable campagne de Grimée, à Varna, à Galli-
poli, etc., nos malheureux soldats, frappés du choléra,
n'étaient point même appelés à jouir du bénéfice de ces
applications de métaux que votre savant collègue du con-
seil d'hygiène, M. le professeur Michel Lévy, aurait pu
cependant, après M. le professeur Rostan et tant d'autres,
vous dire si souverainement efficaces contre les crampes
et les autres phénomènes nerveux si cruels dans cette re-
.(ïoutable maladie.
Ce que je sais aussi, ou mieux ce que je n'ai point ou-
blié et vous prie de vouloir bien vous rappeler à votre
:tour, c'est que, sur l'invitation que vous m'en aviez faite
vous-même, sur vos avis charitables, et devant la menace
d'un de ces rapports en forme d'exécution sommaire à
l'usage de l'Académie, lorsqu'elle est saisie administrati-
vement d'une question, je retirai le mémoire que j'avais
eu l'honneur d'adresser à. cette savante compagnie.
Vos paroles avaient eu d'ailleurs le triste .privilège de
— 11 — '
me faire douter des autres et de moi : avant tout une vé-
rification des faits était devenue nécessaire.
Une fois rentré en possession de moi-même, je me remis
en route.
Je visitai à nouveau nombre des hommes honorables,
des industriels érainents que j'avais fait figurer au pre-
mier rang de mon enquête, partout je retrouvai les mêmes
affirmations. Au moment où j'écris ces lignes, j'ai là, sous
mes yeux, des bulletins signés : Gail, Thiébaut, Sax, Gau-
trot, Ghristofle, Savart, Barriquand, etc., etc., où sont
écrites ces affirm^itions.
Entre vous. Monsieur et très-honoré confrère, qui avez
très-probablement nié dans votre rapport, et moi qui ai
affirmé et viens affirmer aujourd'hui plus énergiquement
que jamais, il y a assurément quelque chose que vous
seul pouvez expliquer.
Voici à nouveau mes preuves : nos pairs, le public mé-
dical auquel je les ai déjà adressées dans la Gazette, nu-
méro du 22 août, apprécieront.
Veuillez agréer,
Monsieur et très-honoré confrère.
L'assurance de mes sentiments les plus distingués
et empressés.
D'- V. BURQ.
MÉTALLOTHÉRAPIE
I.
HISTORIQUE
DE SES APPLICATIONS AU CHOLÉRA.
Depuis bien longtemps déjà l'usage externe des métaux
occupe une certaine place en médecine, mais comme il n'est
que trop souvent dans les destinées de l'humanité de mar-
cher, durant une longue suite d'années, à côté d'une vérité
avant que de soupçonner même' sa présence, ces agents sont
presque toujours passés inaperçus sous des déguisements, ou
sous de fausses appellations dérivées de prétendues forces qui,
alors même qu'elles étaient vraies en principe, n'avaient, dans
le cas particulier, absolument rien à faire.
Anneaux constellés de Paracelse. — C'est d'abord le fameux
Théophraste Paracelse qui commence par appliquer une lame
de fer aimanté à la guérison des névralgies dentaires, puis af-
fuble les métaux de nous ne savons quels pouvoirs cabalistiques,
sous le nom d'anneaux constellés. A cet adepte, qui est né sous
l'inlluence du soleil, le maître fait porter un anneau du plus
précieux métal; et à celui-là, atin que la lune le protège, un
anneau d^argenf, un autre, pour se rendre la planète Vénus
propice, devra faire usage d'une simple bague en cmvre, et un
dernier sollicitera l'appui de Mars, de Jupiter ou de Mercure,
avec un anneau de rer,A'élain ou de plomb. Toutes ces pratiques
sont bien dignes d'un siècle où l'astrologie tenait encore une
si grande place dans les choses de la médecine; mais si Para-
— l/l —
celse eût possédé à un moindre degré les superstitions de son
époque, il est fort à présumer qu'il ne nous aurait point laissé
à découvrir les différentes aptitudes ou idiosyncrasies métalli-
ques, qm furent toutes si bien sous sa main dans ses anneaux
OUI lo IGLICS •
Bains prolongés. - Un peu moins de deux siècles après la
mort de ce génie aventureux, Pomme devient i-apidement
célèbre, dans le traitement des affections nerveuses, en plon-
geant ses malades dans des bains de huit et douze heures de
durée. Ce médecin croyait guérir le prétendu racornissement
des nerfs de ses vaporeux avec l'eau du bain seulement et bien
que, de son temps, un abbé fort avisé, dont il a parlé lui-même
dans une note perdue au bas de l'une de ses pages, eût déjà
remarqué que les bains prolongés agissaient mieux dans une bai-
gnoire de cuivre que dans toute autre, ni Pomme, ni aucun de
ses imitateurs ne songent une seule fois au métal de la bai-
gnoire et encore moins à en tirer parti. Cependant y eut-il
jamais meilleur moyen que ce récipient lui-même pour appli-
quer une armature de cuivre, par exemple; et beaucoup de
médecins étonnés de ne pas avoir les mêmessuccès que Pomme
a obtenus incontestablement, sans qu'il ait jamais su pour-
quoi ne le doivent-ils pas quelquefois à ce que, dans plusieurs
établissements de bains, le zinc a remplacé aujoui-d'hui le
cuivre dans la fabrication des baignoires?...
Armures D'AIMANT. - Mais nous voilà 'déjà arrivés en plein
xviii« siècle. Au milieu de ce grand mouvement qui transforme
la scieiîce et les esprits, où nous voyons l'électricité sortir d'une
bouteille et les cuisses d'une grenouille révéler ie galvanisme
survient l'abbé Lenoble qui fonde l'usurpation médicale des
tluides impondérables sur les métaux avec ses aimants artificiels
Plusieurs années se passent pendant lesquelles battei'ies et
machines électi'iques, piles galvaniques et surtout armures
daiman (plaques et anneaux de divei'ses foi-mes en acier
aimante) forit grand bi-uit dans le monde des curieux aussi bien
que dans celui des malades; mais bientôt une réaction se pi-o-
duit, et il n est plus question, pour un temps parmi lesméde^
c.ns. m de galvanisme, ni d'électi-icité, ni de magnétisme
un instant, au commencement de ce siècle, l'Américain
Perkins fait bien de nouveau quelque bruit avec ses aiguilles à
perkinisme (deux aiguilles d'un métal différent qu'on promenait
à la surface des parties malades) ; mais bientôt cette formé
d'application du galvanisme, qui n'était pas plus vraie que celle
du magnétisme dans les aimants, meurt avec son auteur qui
en est la victime, pour avoir voulu s'en servir exclusivement
dans le traitement d'une grave maladie.
Ce n*èst que quinze ou vingt années plus tard, lorsqu'on ëixt
perfectionné les instruments destinés à les produire, que les
fluides impondérables commencèrent à reprendre faveur en
médecine. Avec les appareils de Clark et de Dujardin c'était
fort bien, ftiais avec eux réapparaissent les armures d'aimant,
remises en faveur par Laênnec. Puis voici venir successivement
d'abord les plaques et sondes galvaniques d'un chimiste célèbre, ^
qui faillirent devenir presque aussi populaires que ses ciga-
rettes ; un peu plus tard les chaînes encore bien moins galva-
niques d'un certain industriel allemand, suivies de près par
certains buses dits magnétiques ; et, à une époque plus rappro-
chée de nous, les cataplasmes électriques du célèbre professeur
Récamier; les tissus électro-magnétiques de M. Paul Gage, etc.
Pratiques populaires. — Au milieu de ce luxe d'appareils de
toute sorte dont les auteurs, toujours sous le prétexte de ma-
gnétisme, d'électricité ou de galvanisme, semblent rivaliser de
bonne foi à qui mieux mieux frustrera de la vertu qui leur est
propre les métaux cuivre, zinc et acier, dont plaques, chaînes,
cataplasmes, etc., se composent invariablement, nous voyons
le peuple, mieux servi cette fois par ses propres instincts que
par la science, trouver en lui-même le secret de véritables ap-
plications métalliques.
Qu'est-ce en effet que celte pratique si répandue au Japon
sous le nom d'acupuncture, et dont un de nos plus savants
maîtres, M. le D-- Cloquet, s'est fait l'introducteur parmi nous,
si ce n'est une sincère application de l'or sous la forme de lon-
gues aiguilles que certains guérisseurs de cet empire, fort habiles
à les manier, ne craignent pas d'enfoncer quelquefois jusqu'au
plus profond des viscères jsour en extraire le principe ou fluide
morbifique?
Que sont ces anneaux contre In migraine qu'un simple méca-
nicien-seiTurier de la rue Castiglione, M. Georget, emprunta
probablement, il y a quarante années environ, aux anciennes
armures du père Hell, et qui, d'abord en fer ou en acier et
plus tard en cuivre, eurent tant de vogue qu'il leur en reste
aujourd'hui même quelque chose, si ce n'est une des plus heu-
reuses pratiques de la métallothérapie, et nous dirions volon-
tiers une des plus intelligentes, par le choix des surfaces
d'application, si l'inventeur, qui n'étaitrien moins que médecin,
avait pu seulement se douter de la valeur de sa trouvaille?
Le retentissant succès obtenu, il y a deux ans, par la métal-
lothérapie, sous forme de casserole dans le traitement de la
migraine, a remis en mémoire nombre de ces pratiques popu-
laires.
Citons les serre-malices, sorte de diadème en cuivre jaune
'dont les femmes de l'Arctense feraient encore usage, autant par
la certitude acquise de l'efficacité de ce cercle de cuivre contre
les maux de tête, très-fréquents dans ce pays froid et humide,
que par attachement aux traditions antiques.
Citons aussi ces pratiques vulgaires qui consistent à mettre
des objets en fer dans la chaussure, ou même dans le lit de.
ceux qui sont sujets aux crampes dans les jambes, mais citons
surtout certaines plaques ou médailles de cuivre dont il aurait
été fait usage antérieurement à nos recherches et travaux
métallothérapiques. (( On a observé en Hongrie que de porter
sur soi une lame de cuivre qui touche la peau préserve du cho-
léra. » (Hahnemann, biblioth. Homœop. de Genève.)
Action du cuivre contre le choléra.
Crampes des cholériques; Armatures. — En 18Zi8, étant encore
sur les bancs de l'École, nous avions commencé à nous occu-
per de l'action des métaux en applications extérieures dans
certains cas de névrose, et en 18Zi9 nous poursuivions particu-
lièrement nos recherches du côté du cuivre, lorsqu'au mois de
février une invasion nouvelle du choléra vint nous fournir l'oc-
casion de doter une première fois ce métal de propriétés anli- .
cholériques fort inattendues, et de créer, nous allons dire dans
quelles circonsl.'mccs, l'une des applications de cette thérapie
— 17 —
nouvelle qui a nom aujourd'hui dans la science de métallo-
thérapie.
Le premiei' cholérique qui nous fut apporté à l'hôpital Co-
chin, était un homme fort et vigoureux, qui, le matin même,
était aussi bien portant que d'habitude. Entré dans les salles
de M. Nonat, vers trois heures, il offrait déjà au plus haut
degré tous les symptômes de la maladie asiatique,... cyanose,
refroidissement des extrémités, évacuations caractéristiques
fort abondantes, et crampes très-in(enses dans les membres
inférieurs. Le soir, à sept heures, deux bains d'air chaud et
des frictions de diverse nature n'ayant encore produit aucun
soulagement, nous faisons l'application d'un large anneau de
laiton sur chaque jambe, au niveau des muscles afiéctés; aus-
sitôt les crampes cessent. Au bout d'une demi-heure du calme
le plus satisfaisant, nous essayons de retirer le métal, mais les
phénomènes nerveux sont si peu de temps à reparaître que,
bientôt après, le malade redemande les anneaux avec instance.
A peine son désir satisfait, nous ne l'entendons plus exhaler
la moindre plainte.
Un peu plus tard, la nuit, les bras sont pris à leur tour de
contractions musculaires très-violentes. Alors le malade, bien
avisé, saisit à pleine main un des anneaux des jambes : ne pou-
vant pas se l'appliquer à cause de la forme, il l'emploié pen-
dant plusieurs heures à poursuivre les crampes partout où elles
se manifestent. Cette fois encore le cuivre ne manque jamais
son effet, et, ce qui est bien digne de remarque, le bras droit,
dont la main accomplit pres(^ue seule cette manœuvre, n'est
sérieusement affecté que lorsque la fatigue oblige le malade
à se servir de sa main gauche.
Le matin, à la visite, le malade était redevenu tout à fait
calme; se sentant déjà mieux que la veille, il se plaisait à van-
ter tout haut la vertu bienfaisante de nos applications de métal.
Le même jour, nous donnions des ordres jiour fabriquer
un grand nombre d'anneaux de laiion, et non content de les
appliquer sur les cholériques de l'hôpital Cochin, pendant
tout le temps que dura l'épidémie, nous allâmes de nuit et de
jour montrer à en faire usage dans les hôpitaux du Val-de-
Grâce et de l'Hôtel-Dieu.
9
— 18 --
Partout, 'partout, nous le répétons, nos armatures bkn em-
ployées, nous voulons dire à l'étal humide (par l'interposition
de linges mouillés avec de l'eau salée entre le métal et la peau),
lorsque tout d'abord sèches elles ne sutilsaient point, eurent
un tel succès, que tous, aussi bien MM. les professeurs Rostan,
Michel Lévy et notre excellent maître M. Nonat, qui se reposa
toujours sur nous en 18/)9 du soin de décramper les choléri-
ques de ses salles, que MM. A. Richard, Bouchut, Durand, Defau-
conberge, etc., qui avaient employé eux-mêmes ces armatures
ou des appareils à leur imitation, ou qui, comme MM, Masselot
et Krug, au Val-de-Grâce, avaient été témoins de leur appli-
cation, tous, sans exception, se sont plu à proclamer ces suc-
cès dans la presse, au sein des Académies et jusque dans les
délibérations du Conseil d'hygiène,^ auprès du Gouvernement,
Pour que les résultats obtenus à celte époque restent bien dé-
finitivement acquis, et que personne de ceux à qui incombe le
soin des malades, dans nos services publics surtout, ne puisse
plus venir arguer encore de l'insuiRsance de la démonstration
pour se donner raison d'avoir tout employé, tout osé contre
les crampes : frictions, embro cation s, sinapisations, électrisa-
tions, etc., etc., tout, excepté les applications di^, cuivre, nous
reproduirons ici une page d'un long mémoire publié par nous
dans la Gazette médicale du 22 février, année 1850, sous ce
titre : MÉMOIRE sur quelques accidents nerveux consécutifs au
CHOLÉRA ET SUR LEUR TRAITEMENT PAR LES ARMATURES MÉTALLIQUES.
' « La tâche que nous nous étions imposée, en écrivant le titre
de ce mémoire, se trouve remplie maintenant. Mais il nous
reste encore à établir d'une manière définitive l'efficacité des
armatures métalliques contre les accidents nerveux propres au
choléra, afin que ces anneaux, dont l'emploi est toujours si
innocent et siïacile, rendent dans un grand nombre de mains
les services qu'un petit nombre en ont seulement obtenus,
« Si nous pouvions rapporter toutes les observations authen-
tiques, au nombre de plus de cent, où ces appareils ont presque
constamment réussi, nous n'aurions pas de peine à convaincre
le lecteur de leur quasi spécificité contre les crampes, les suffo-
cations, les contractures, etc., et généralement contre tous les
spasmes qu'on observe dans le choléra et dans d'autres affec-
— lo-
tions; niais, outre que le défaut d'espace nous rendrait cette
nouvelle lâche impossible, nous ne saurions le faire sans nous
exposer à perdre le fruit de nos communications aux Acadé-
mies appelées à se prononcer sur la valeur de ce moyen.
« Nous nous bornerons à puiser au dehors de nous-méme,
dans les documents qui appartiennent aujourd'hui à la science,
et la démonstration, nous l'espérons, sera jugée suffisante. »
OBSERVATIONS RECUEILLIES PAR LES CHIRURGIENS DU VAL-DE-GRACE,
DANS LE SERVICE DE M. MICHEL l'ÉVY.
(Extr."de l'Echo du Val-de-Grâce.)
Obs. 1. — Laisné, sapeur, de forle constitution, a été pris subite-
ment, le 1" mai, de diarrhée, de vomissements, etc. Le lendemain il
est apporté à l'hôpital dans l'état suivant : Cyanose, étatalgide, sueur
visqueuse, etc.; anxiélé exlrê?ne, seniiment de suffocaliotij constiic-
lion à la base du IhoraXj crampes Irès-douloureuses dans tous les
membres, notamment dans les membres inférieurs, agitation con-
tinuelle.
Prescription : Potion stimulante; bain d'air chaud; frictions avec la
térébenthine et le laudanum; infusion de tilleul chaude.
Ces moyens n'apportant aucun soulagement, on a recours aux arma-
tures sèches. Presque'immédiatement après leur application, les cram-
pes ont diminué d'intensité d'abord, puis ont disparu entièrement;
la conslriction, si douloureuse à la base du thorax", a rapidement
cessé de se faire sentir; la respiration est devenue facile;. le malade
accuse une grande amélioration et n'est plus agité. Nous avons e7ilevé
les armatures de l'un des membres inférieurs, et bientôt les crampes
ont reparu dans ce membre; les armatures réappliquées, les crampes
ont cessé de nouveau.
« Dans trois autres cas nous avons vu la conslriciion de la base
du thorax , ainsi que des crampes très-douloureuses dans les
membres, être immédiatement calmées ou même disparaître
complètement par l'application des armatures sèches. Dans l'un
de ces cas, nous avons vu les crampes reparaître au bout de vingt
minutes, bien que les armatures fussent encore dupliquées,
mais les douleurs n'avaient plus leur intensité primitive. »
Signé : Massrlot.
— 2U —
Obs. If. — Castex, fusillier, esl apporté à l'hôpital le 16 mai, à neuf
lieures et demie du matin. Face fraîche, excavation orbitaire, elc.
Vomissements incessants, crampes dans les membres pelviens,
atroces dans les pieds.
Prescription : Potion stimulante; frictions avec un mélange de
baume Fioraventi et de chloroforme.
A quatre heures du soir, les crampes augmentent d'intensité : les
armatures métalliques sèches sont placées aux membres et autour
du tronc; alors les douleurs et la ■co)islriclion épigaslrirjue cessent.
On enlève les armatures d'un côté, peu de temps après les conlrac-
tions spasmodiques reviennent de ce côté seulement et disparaissent
do nouveau sous l'influence des anneaux.
Ciistex a conservé les armatures métalliques toute la nuit; les phé-
nomènes nerveux n'ont plus reparu; il est maintenant convalescent.
23 mai. Signé : Knuc.
Ocs. III. — Clerc, maréchal des logis chef, est pris le matin du
choléra. Il entre le IG mai, à six heures du soir. Crampes dans les
viembres inférieurs et dans les doigts. Les anneaux sont appliqués
à sec sur le membre inférieur droit, les crampes cessent de ce côté;
au contraire, elles deviennent Irçs-vives au bout de deux heures dans
le membre gauche. Les armatures sont alors mises des deux côtés et .
immédiatement, au bout de onze minutes, les crampes cessent à
gauche comme à droite; pendant le reste de la nuit le malade repo;e
bien.
Le lendemain, lorsqu'on voulut enlever les armatures. Clerc s'v
opposa, tant elles lui avaient produit de soulagement.
Clerc est guéri.
« Ces deux observations, recueillies pendant la garde du doc-
iGur Bezeau, ont été consignées dans son rapport du 16 mai.
Elles seront suivies de plusieurs autres qui, comme celles-ci,
ne mettent pas en doule le sxxcchs presque constant du procédé.
« Nous avons aussi remarqué que, lorsque la peau de certains
malades était shche, aride et rugueuse, il était bon de tremper
(les compresses dans une solution de sel marin et de les placer
entre les armatures et la peau. »
25 mai 18/|9. Signé : Knijo.
(( Un de nos amis et collègues de l'hôpital Cocliin, M. Detau-
— 21 —
conberge, et M. Durand, notre camarade d'étude, qui plusieurs
fois avaient été témoins des heureux effets des conducteurs
mélalliriues appliqués au traitement du choléra, sont envoyés
en juillet dans le village de Biesles (Haute-Marne) que la suette
et le choléra venaient d'envahir.
a En peu de jours les phénomènes nerveux sont devenus si
intenses et si rebelles, que ces médecins improvisent d'urgence
des anneaux avec des bandes en cuivre mince de 10 à 15 cen-
timètres de large, qu'ils fixent'de leur mieux autour des mem-
bres et du tronc, ayant bien soin, toutes les fois que cela devient
nécessaire, de les séparer de la peau par des linges imbibés
d'eau salée.
« Malgré leur imperfection, ces armatures rendent encore as-
sez de services pour que bientôt elles deviennent, dans les loca-
lités voisines, d'un usage général et populaire, à ce point que'
les habitants, presque tous ouvriers couteliers, les fabriquaient
eux-mêmes et s'en servaient à la moindre apparence de
crampes, avant l'arrivée du médecin. (Académie de médecine,
séance du mois d'octobre.)
« En juillet, M. le docteur A. Richard (alors prosecleur à la
Faculté) a eu deux fois l'occasion d'employer, avec le plus grand
succès, une armature improvisée avec des ustensiles dé ménage
en cuivre.
« M. le professeur Rostan, et c'est par là que nous termine-
rons, à qui nous devons de si grandes actions de grâce pour la
bonté avec laquelle il nous a ouvert les portes de son service,
s'exprime de la manière suivante, dans sa dernière leçon cli-
nique sur le choléra : « Mais ce sont surtout les phénomènes
« cérébraux qui ont attiré l'attention des médecins. C'est contre
« ces phénomènes qu'on a déployé le plus grand nombre de
u moyens : l'opium et ses nombreuses préparations en dedans
« et au dehors, la belladone et la plupart des narcotiques,
« l'éther sulfurique, le chloroforme, le camphre, le musc, le
« casloréum, etc. Mais un moyen spécial que nous ne devons
« pas passer sous silence, est un moyen emprunté à la phy-
« sique et employé par M. Burq, étudiant en médecine, contre
« les crampes, les douleurs précordiales, les suffocations, les
'( anxiétés. Ce moyen consiste en plaques métalliques, dont il
(( entoure les membres et le tronc des malades. Vous avez vu
« ce moyen employé dans nos salles presque toujours avec suc-
« ces. » {Gazette des hôpitaux, jeudi 8 novembre 18/|9.)
Le choléra disparu, nous reprîmes nos expériences relatives
au traitement des maladies nerveuses par les applications de
métaux, et sur ce terrain si ingrat de la pathologie nerveuse, la
métallothérapie ne fut point longtemps sans y étendre considé-
rablement son nouveau domaine. Pour ne parler que de ses seuls
succès dans les hôpitaux, il y eut à la Salpêtrière, service des
hystériques incurables, h malades sur 6 traitées qui purent ren-
trer dans leur famille après deux ou trois mois de traitement
par une simple armature de laiton. Il v eut à l'Hôtel-Dieu ser-
vices de M. Rostan et de M.Tardieu-, à l'hôpital Necker, se'rvice
de M. Horteloup, et à la Maison impériale de santé, services de
M. Monod et de M. Duméril, encore des hystériques, puis des
hypocondriaques, des névralgiques de diverse sorte, 3 para-
lytiques, 2 amaurotiques, etc.; qui furent guéris de même, qui
sous l'influence d'applications de cuivre, qui par des anneaux
de tôle d'acier, celle-ci avec une armature d'argent, une autre
avec une armature faite de métal des cloches, etc., etc.
Nous passons rapidement sur ces foits, ayant hâte de revenir
à la question du choléra. Nous nous bornerons à dire qu'à l'ex-
ception desguérisons obtenues à la Salpêtrière, dont nous avons
dû nous-même nous faire l'historien dans notre Traité sur la
vùtallothérapie, presque toutes les observations y relatives ont
été consignées dans la science par les élèves 'internes eux-
mêmes des divers services où nous avions foit nos expériences :
■ par MM. Pierre et Coffin dans notre thèse inaugurale, fé-
vrier 1851; par M. Salneuve et Liendon dans la Gazette médi-
cale de Paris (année 1852), où chacun pourra les lire et en tirer
profit : la moitié de ces faits étaient à peine connus, que l'Aca-
démie royale de Belgique inscrivait la métallothérapie sur le
programme de ses prix.
pRÉsfinvATIo^ DES OUVRIERS f.N CUIVRE. — Un jour du mois
d'avril 1852, où nos affaires nous avaient appelé dans une im-
portante fonderie de cuivre de la rue des Gravilliers, n" 22, les
hasards de la conversation nous apprirent que tous les ouvriers
et locataires de l'établissement, aa nombre de deux ccnls envi-
ron, avaient été respectés par le choléra, aussi bien en 1832
qu'en 18/i9. Ce fait d'une immunité aussi complète, bien qu'à
la rigueur il pût n'être que la conséquence d'une heureuse
exception, nous causa tout d'abord une grande surprise, et
nous eûmes déjà à nous demander si les métaux n'auraient
point d'autres propriétés contre le choléra que celles dont nous
les avions particulièrement dotés lors de la dernière épidémie.
Cependant nous avions commencé à l'oublier, lorsque la même
observation vint s'offrir à nous avec une sorte de ténacité, et
notamment dans trois autres fonderies de cuivre de la même
rue (n°' 20, kà et 35), où 4 à 500 ouvriers et locataires avaient
tous été aussi parfaitement épargnés que ceux du n» 22.
Cette nouvelle et très-surprenante immunité étant très-loin
d'être justifiée par la salubrité du quartier, par l'état des mai-
sons elles-mêmes, qui toutes les quatre étaient aussi pauvres
d'extérieur que celles où se réfugie* d'ordinaire la fonderie,
par l'hygiène des habitants et lamortalilé des numéros voisins,
il nous fut bien impossible de ne voir là qu'une simple coïnci-
dence, et à partir de ce moment, point de trêve ni repos que
nous ne fussions enfin arrivé à constater sûrement les pro-
priétés remarquables du cuivre, que nous n'avions fait d'abord
que soupçonner. Pour obtenir cet important résultat, écri-
vions-nous dès 1853, nous nous sommes livré à une vaste en-
quête dont voici les principaux détails. ^
ÎNous avons visité, en personne, à Paris seulement, près de
m maisons, usines, établissements de toutes les industries
qui s'exercent sur les métaux, depuis lo plus modeste atelier
où il n'y a que 4,- 5, à 10 ouvriers, jusqu'aux grands établis-
sements où, comme chez MM. Cail et Cavé, ils se comptent
par centaines; depuis les fonderies de fer des faubourgs Saint-
Marceau et Saint-Jacfiucs, et les fonderies de caractères de la
rue de Vaugirard, jusqu'aux usines de MM. Lagoulte, Calla,
Gouin et Farcot, à la Villetto, à la Chapelle et à Saint-Oucn ;
depuis les vastes fabriques et fonderies de MM. Cail et C^ à
Chaillot et à Grenelle, jusqu'aux fabricants de roulotles en cui-
- 24 -
vre du faubourg Sainl-Antoine, en passant par toute fabrique
des bronzes du Marais. ^
Nous nous sommes mis en rapport avec MM. les nrési
dents trésoriers ou secrélaires des différentes associations
ouvrières, avec les mères des compagnons serruriers, maré-
chaux, chaudronniers, elc, et nous avons été souvent jusqu'à
mte^ger les ouvriers eux-mêmes, dans leurs auberges et leurs
En même temps, nous écrivions dans les départements à
MM. les propriétaires, directeurs ou médecins de nos princi-
pales usines, forges, lamineries, tréfileries, etc • à MM les
maires et magistrats des villes où, comme h l'Aigle et :\ Ville-
dieu, la population est presque entièrement adonnée à des
travaux sur les métaux, demandant à chacun de vouloir bien
nous éclairer sur la marche de l'épidémie dans sa localité
Non content d'avoir réuni de la sorte des renseignements
précis pour une très-nombreuse population, nous nous som-
mes adressé -à MM. les ambassadeurs d'Angleterre, de Suède
et de Russie, à M. le proYesseur Huss, de Slockholm à M de
Montferrand, architecte de Sa Majesté Impériale, à' Saint-Pé-
tersbourg, et directeur des mines de Sibérie de S. A. le prince
pem.doff, qui à lui seul nous a fourni des renseignements sur
46,500 mineurs des deux sexes; nous nous sommes adressé
encore aux plus grands établissements métallurgiques de l'Eu-
rope à la coutellerie de Shefîield, aux atiîneries de suivre du
conité de Galles, à la chaudronnerie de Birmingham, aux mines
de Phalen, de Linkeping, en Suède, aux mines du Stolber^j, do
la Silésie, etc., etc., et ce n'est qu'après cinq mois de corres-
pondances et de recherches de toute sorte, qui avaient fini par
embrasser une population de plus" de 200,000 individus que
nous crûmes avoir le droit d'adresser aux Académies des
sciences et de médecine un mémoire qui concluait à peu près
en ces termes :
l°Dans le choléra, préservation constante de l'immense ma-
jorilé des ouvriers que leur profession met on contact habituel
avec des poussières de cuivre ;
2" Le cuivre ou ses alliages, le laiton et le bronze, appliqués
à la peau largement et d'une manière permanente, sont, dans
— -25 —
•
l'épidémie de choléra, des moyens précieux de prèserva-
:io/i- qu'on ne doit point négliger, puisque d'ailleurs il ne
peut y avoir aucun inconvénient à en faire usage, et si la
préservation relative qui nous paraît devoir en résulter venait
à laisser à désirer, peut-être serait-il utile de l'aider par quel-
ques prises de poudre très-fine de ce même métal, et, comme
dernière précaution, par de larges feuilles de laiton qu'il
serait si focile aux gens aisés de dissimuler dans leurs appar-
tements.
3" Dans le traitement du choléra, le cuivre, administré en
temps opportun soit seul, soit associé aux agents qui, comme
l'opium, ont reçu la sanction de l'expérience, soit en limaille,
soit sous une autre forme dont la pratique -ne peut tarder à
faire connaître la véritable dose et les meilleures appropria-
tions, a les plus rjrandes chances de devenir, entre les mains des
médecins, un puissaiU moyen de guérison.
Ainsi se terminait ce mémoire.
11 était à peine livré à l'impression que déjà les abonnés du
journal In Presse pouvaient y lire à la place d'honneur (l«page
du numéro du l/i octobre 1853) :
« M. le D"" Burq, dont nous insérons la lettre, est parti à ses
risques et périls, quittant ses malades, pour aller faire de la
préservation cholérique en Angleterre où sévit le choléra. De-
vant un tel acte de conviction, de dévouement et de désinté-
ressement, nous n'avons pas dû nous arrêter à la question de
savoir si la lettre qu'on va lire n'était pas trop longue ot trop
spéciale pour être insérée dans un journal politique, — nous
la pul)lions. »
Suivaient, sous le lilre de Trailonent préservatif et curatif
du choléra par les métaux, les faits, observations et prescriptions
y relatifs qui n'occupaient pas moins de six grandes colonnes
du journal.
Presque en même temps d'autres organes importants de
cette grande presse, toujours à Paris si généreuse et si empres-
sée quand il s'agit d'une œuvre utile i\ répandre, et notam-
ment le Siècle, numéros des 5, 6 septembre et 3 décembre 1853,
publiaient encore sur le même sujet de longs articles où rien
n'était omis de ce qui pouvait donner à notre enquête toute
l'authencité désirable (1) et rassurer les populations de nouveau
menacéd^.
Une telle publicité venant s'ajouter à celle des journaux spé-
ciaux, et rencontrant en chemin les échos plus ou moins
bruyants du consensus unanime de tous les chefs d'usine ou
d'atelier auxquels nous nous étions adressé, et dont nos pu-
blications extra-scientifiques avaient eu surtout pour but d'en-
gager le témoignage (2), il y eut, nous l'avons dit, de l'émo-
tion jusqu'en haut lieu, et c'est alors que, le gouvernement
intervenant spontanément, notre savant confrère, M. Mêlier,
inspecteur général des épidémies, reçut la mission 'de procède^
à une contre-enquête.
Cette fois la vérité triomphait donc ou allait triompher, du
moins on pouvait le croire; mais il n'en fut rien, et il advint
telles circonstances, celles que le lecteur sait déjà, plus cer-
taines autres, dont une surtout, relative à un fait inouï de
haute piraterie médicale, accompli précisément sur la personne
d'un des malades traités par notre méthode avec le plus de
succès (il en sera question tout à l'heure), que bientôt, abreuvé
de dégoût et d'amertume, nous nous condamnâmes sur cette
question au plus absolu silence.
Depuis lors, douze longues années s'étaient écoulées, et
quoique nous eussions les meilleures raisons pour parler. Ijien
que notamment l'épidémie de 1853-5/( nous eût à nouveau et
(1) A la suite de ces publications, M. Tedesco, ancien onicier supérieur de
l'armée turque, nous informait qu'en 1850, le choléra étant à Constantino-
pie, le Khan de cette capitale (quartier de la ville où sont relégués tous les
chaudronniers, les ferblantiers, etc.) se trouva si bien respecté par le fléau,
que M. Tedesco, devinant la protection exercée par le cuivi-e, fit constniirè
des anneaux de ce métal pour se donner à lui et à !?es amis la même pré-
servation.
(2) Continuant notre enquête à ciel ouvert, nous avions invoqué en témoi-
gnage nominativement tous les principaux chefs d'usine ou d'ateliers qui
avaient été témoins de la précieuse immunité;... nous avions pris directement
à partie tous ceux, patrons et ouvriers, qui avaient pu en bénéficier, et pas
un nom n'était venu s'inscrire en fsiux contre les résultats rassurants de
notre euquôte... Une seule voix s'était élevée, celle de M. le Secrétau,
poui; réclamer, en faveur d'Hahnemann la priorité do l'observation. (L'on a'
vu dans l'historique (pic cette priorité se réduit à 2 ou 3 lignes insérées dans
la Bibliothèque hommpathique de Genève.^ "
— 27 —
d'une façon autrement significative, donné raison, nous n'avions
plus écrit une ligne touchant cette remarquable action du
cuivre contre le choléra, lorsque l'année dernière, en face
d'une nouvelle épidémie, nous nous décidâmes à reprenduB la
parole et à venir dire devant l'Académje des sciences :
Mémoire des 7 et 21 août 1865.
« Préservation spontanée. — J'affirme de nouveau et plus
énergiquement que jamais la préservation spontanée chez
l'immense majorité des ouvriers qui, dans les diverses épidé-
mies de choléra, aii, moment même où sèvissail la maladie, se
sont trouvés soumis par leur travail à une absorption perma-
nente de cuivre réduit à l'état de poussière très-ténue, et pour
la seconde fois je vous appelle directement en témoignage,
vous tous,- honorables chefs d'industrie, patrons dévoués à vos
ouvriers, qui vous êtes faits les complices de mes affirmations :
« Dans les grands ateliers de construction et autres, vous
MM. Cail, Gavé, Calla, Lagoutte, Janrey, Christotle, Barriquand,
Chevalier, Savart,.etc., etc.; dans la fabrique des instruments'
de musique, vous MM. Sax, Gautrot, Raoux, Besson, Halary,
Courtois, Michaux, Desruelle, Labbaye, etc., etc.; dans les
bronzes, vous MM. Victor Paillard, Denières, Thiébaut, Jour-
neux, Vauvray, Riglet, Marchand, Desorcy, Lacarrière, Bavozet,
Barré, Périllat, Graux-Marly, Fouquet, Nicolas, Gugenheim et
autres...
« Je vous prends à témoin, vous tous, ouvrier^ qui, dans
l'industrieuse cité, donnez au cuivre toutes les formes, fabri-
quez depuis l'humble roulette et le compas en cuivre jusqu'aux
bronzes les plus merveilleux, jusqu'à ces admirables instru-
ments de précision qui ont fondé la réputation des Gambey,
des Bréguet, des Froment, des Molteni, etc., etc.; vous surtout
ouvriers ciseleurs, tourneurs et monteurs en bronze, membres
de cette Société si prospère dite du Don accord dont les statuts
ont été imités par tant d'autres sociétés, qui, vivant de la vie
commune des hommes i\ la journée dans les quartiers où pré-
cisément les ravages du choléra ont été plus intenses, avez
traversé les épidémies de 1832, IS^iO et 1854 sans fournir au
— 28 —
fléau une seule victime, — une seule victime! — j'insiste pour
que personne ne s'y trompe, et qui, chose inouïe, inexplicable
SI la préservation que je dis n'avait point existé, si elle n'est
que» pure chimère, pour ne pas dire un mensonge, n'avez
jamais payé votre tribut à l'épidémie que par un chiffre relati-
vement insigniU'ant de journées de maladie, — en tout 1G6
pour les trois épidémies réunies. J'ai dit une seule victime, j'ai
lort, car un des membres de votre société, le sieur Dutertre,
qui avai:, quitté, l'imprudent! la partie des bronzes pour se
faire distillateur liquoriste, est mort en I8/49 du choléra. Fait
non moins significatif, je constatais encore, il y a peu de jours,
avec vos honorables président et secrétaire, MM. Victor Paillard
et Barré, qui sont prêts à le certifier, que dans ces 166 journées
de maladie, le plus grand nombre, 100 au moins, appartien-
nent à des sociétaires déserteurs de la profession ainsi que le
malheureux Dulertre, et que c'est sur ces derniers seulement
que l'influence épidémique s'est exercée d'une manière sé-
rieuse : témoin un de vos camarades, M. Roche fils, qui, ayant
passé de la ciselure sur bronze à la gravure sur argent, paya
lui aussi, en 18/|9, sa désertion d'une attaque de choléra assez
grave pour charger à lui seul la société de 47 journées de
maladie.
« Je vous prends à témoin, vous, les médecins dévoués de
ces ouvriers, MM. Vasscur et Noiret, qui, tandis que ces faits
de parfaite immunilé se passaient sous vos yeux, observiez au
contraire des cas assez fréquents de maladie parmi les femmes
et les enfants de ces mêmes préservés; vous, M. le docteur de
Pietra Santa qui, pour les deux épidémies de 18/|9 et 185(|,
avez constaté la même immunité chez les jeunes détenus de la
prison des Màdelonnettes dont on avait fait des serruriers en
cuivre, et qui, il n'est point du tout indifférent de l'ajouter ici,
en même temps que vous veniez certifier cette immunilé
devant l'Académie, fournissiez les meilleures raisons pour exo-
néi'er le cuivre de tous les méfaits que Corrigan avait mis à son
compte...
« Vous cnlin, MM. Pécholier et Saint-Pierre, professeurs
agrégés à la Faculté de médecine de Montpellier, qui, dans vos
intéressantes recherches sur difîérenles industries du midi de
— 29 —
la France, avez retrouvé cette même préservation chez toutes
les ouvrières qui y sont employées à la fabrication (les sels de
cuivre, connus sous le nom do verdet, et avez conclu à votre
tour avec raison de la parfaite santé dont jouissent ces ou-
vrières,' bien que toute la journée elles vivent dans une atmos-
phère chargée des poussières et émanations de ce trop fameux
poison, à la non-existenco de la colique do cuivre
„ 2° Prcservalion iirovoqme. — En me fondant sur les don-
nées que je viens d'exposer, «quand est survenue l'épidémie
(le 185/1, j'ai établi la préservation sur un certain nombre
d'individus, on leur faisant porter sur la peau des plaques de
cuivre disposées i cet effet, ou en leur administrant chaque
jour quelques goulles de sels do cuivre en solution, soit par en
haut, soit par en bas. Aucun de mes préservés n'a été atteint.
« En 185/1, M. le docteur Clever do Maldini, médecin-major,
préservait par les mômes moyens lui et nombre do soldats de
la garnison de Paris qui faisaient partie de son service.
« En 1855, M. le docteur Raymond, médecin détaché aux bat-
teries d'artillerie à Gallipoli et à Varna, a suivi le même système
avec un succès dont il est prêt à témoigner, à l'égard des ar-
tilleurs contiés à ses soins dans cette rude campagne de la
guerre do Crimée.
« Beaucoup de personnes ont, '^i coup sûr, été préservées de
même. Ainsi à la Nouvelle-Orléans, quand le choléra éclata
en 185/t, opticiens, chaudronniers et autres se mirent à fabri-
quer des armatures semblables, disaient les plus osés, à celles
(1) La colique de cuivre est chose si rare que, rayant reclierchée avec
soin sur les tableaux des maladies de la Somiè du Bon Accord, ne l'ai
trouvée presque pas indiquée pour une période de quarante années.
A partir de IS^-i., voici les seuls cas de colique signales :
De 1824 îi 1833, rien.
1833, M. Pilard, colique (sans autre désignation) o jours do maladie.
•1835, M. Desvignes, colique et vomissement . . . *> —
•1837, M. Kiol, colique ne^rveusc ^ ~
1837, M. Dupré, colique *et maux de tWe. . . 0 —
1838, M. Fiéfet, colique intestinale —
1851, M. Rochery, colique
Total des journées de maladie 70
— 30 —
que j'avais fait disposer moi-même. Mais je manque de ren-
seignements sur les résultats : en eussé-je d'ailleurs, et de très-
valables, que ce serait encore peu, j'en conviens, pour une
ft.nmt,on absolue, quand même je pourrais citer tous les au!
très cas qui se sont produits.à mon insu.
« Les principales raisons sur lesquelles je m'appuie surtout
pour proclamer la possibilité de la préservation provoquée sont "
analogues (et autrement puissantes à cause de leur grand
nombre à celles qui ont condurt Jenner à affirmer la préserva-
t.on de la petite vérole par la vaccine. En effet, mon système
n est pas fonde seulement sur un nombre relativement restreint
d observations, mais sur la préservation spontanée de milliers
dmdmdus préservation démontrée, prouvée, indéniable et
contre laquelle défie quiconque de s'inscrire en faux. Je ne
demande pas d'autre bénéfice d'exception que celui que Jenner
eut pu invoquer lui-même, comme, par exemple, les cas de
pet. e vérole que l'on voit survenir chez des individus cepen-
dant iDien et dûment vaccinés.
« 3» Application extérieure contre les crampes des cholériques
~- Une chose est ressortie, claire et évidente, de toutes les ex-
périences tentées pour la guérison du choléra : c'est l'effet im-
médiat de l'application du cuivre à l'extéi-ieur. Après avoir
rapporte les preuves ci-dessus, nous disions :
« Il m'est donc permis d'affirmer :
« Que l'application du cuivre, en anneaux, en plaques, en ar-
matures on sous la forme même la plus vulgaire par ex;mple,
un Simple ustensile de ménage, est souverainement effile
contre les ci'ampes et tous les autres désordres nerveux du cho-'
léi-a suffocations, anxiétés précordiales, etc., etc. C'est autant
de force donnée au patient pour lutter contre le mal
h" Action intérieure du cuivre. -V^ traité des choléi-iques
par une solution titrée de sulfate de cuivre à l/5e nue j'admi
nisti-ais moi-même aux malades, afin d'éviter l^^s perles de
toutes ''7 P^'' ''''' ' «
toutes les doux heui-es, toutes les heui-es et même p^us tôt
suivant lo cas d'u.-gence, dans de l'eau sucrée aromatisée à '
additionnée au besoin d'un peu d'opium, X à 2 gouttes de lau-
danum, pour établir la tolérance de 1' stomac ; e^dt
— 51 — ,
circonstances, les effets ont été si rapides qu'ils semblaient tenir
vraiment du prodige, surtout lorsqu'ils furent secondés par de
larges applications
« Mais ici surtout les réserves sont nécessaires.
« Ma conviction est que les sels de cuivre administrés en
temps opportun peuvent neutraliser les effels du poison cholé-
rique, ainsi que les sels de quinine administrés en temps utile
neutralisent les effluves les plus délétères du poison paludéen ;
mais cette conviction, mes espérances si l'on veut, reposent, je
me hâte de le reconnaître, bien plus sur tous les faits que j'ai
(l) En 1854, nous avons traitû eu tout 15 ou 16 cliolérines ou clioléras pai-
le sulfate de cuivre. A un certain M. G..., qui est attaclié à un grand res-
taurant du boulevard, il fut administré peut-être bien 1 gramme de sel en
vingt-quatre heures. Celte dose, relativement considérable, fut connue des
habitués de la maison, parmi lesquels nous pourrions citer un éminent
confrère, M. le docteur M..., et depuis ce temps, pour les-plaisants de
l'endroit, le père au cuivre ou M. G... sont restés synonymes.
Un succès, s'il se peut, plus remarquable encore est celui que nous avons
obtenu surlemalade auquel nous faisions allusion ci-dessus en parlant d'acte
de haute piraterie... Le sujet reconnaissant, même après 12 années, du ser-
vice que nous lui avions rendu, a bien voulu nous adresser de sa maladie
une relation et nous permettre de la publier. La voici textuellement. C'est
une pièce importante. Pour l'honneur delà profession nous imiterons le
silence du signataire quant aux tristes circonstances qui ont suivi immédia-
tement après sa (/uérison dii, choléra :
« Monsieur le docteur,
« Votre demande est trop légitime pour que j'hésite à y faire droit s je ne
ferai d'ailleurs que rendre hommage à la vérité, et si elle peut vous être
utile, je me féliciterai d'avoir contribué à l'établir.
i< Quoique les faits que j'ai à relater remontent assez loin, mon récit n'en
sera pas moins exact; ils se rapportent, en effet, à une des phases les plus
graves de ma vie, je ne pense pas que je puisse jamais rien en oublier. Les
voici.
J'ai eu, en 1854, une attaque très-violente et tros-prolongée de choléra!
c'est vous qui m'avez soigné et J'ai la conviction que c'est vous qui avez
réussi à m'en faire triompher.
« Depuis plusieurs jours je me trouvais atteint d'une forte diarrhée, j'es-
pérais la vaincre sans le secours d'un médecin ; je n'ai pu y parvenir. La nuit
du 23 au 20 octobre, surtout, avait été alarmante ; cependant, ignorant la
gravité de mon état, je me levais pour me rendre îi mon travail, lorsque,
chose que je n'aurais jamais crue possible auparavant, je ne reconnus pas
mes propres traits en me regardant dans la glace. J'avais le teint gris foncé.
— 32 —
dits de la préservation sj.onlaiiée, et aussi sur cette action si
constamment efficace du cuivre contre les crampes, que sur
les faits de ma pratique personnelle, encore aujourd'hui en
trop petit nombre pour me permettre sur ce point capital une
affirmation cafégorique.
« Jo me borne donc à appeler de tous mes vœux des expé-
riences de la part de mes confrères mieux placés que moi pour
les tenter et les suivre, et afin de les y aider, je terminerai par
une indication sommaire des pratiques et formules qui me pa-
raissent le mieux appropriées à h préservation et au traitement
du choléra par le cuivre.
les yeux enfonces dans leur orbite, les joues osseuses ; je commençais à m'in-
quiéter; puis, doué d'assez d. forces encore, je descendis demander des se-
cours a ma concierge.
Elle vous amena auprès de moi : vous me consignâtes dans mon lit, me
dites que mon état était grave, et sur mon insistance, jugeant sans doute
que jetais capable de supporter la vérité, me fites connaître que j'avais le
choléra, en m'engageant à faire les réflexions qu'en vue du danger je pouvais
trouver nécessaires. Voilà donc un premier fait : vous me considériez, dès
ce moment-L'i, comme atteint de choléra.
« Votre traitement consistait dans l'application du cuivre à l'intérieur et à
l'extérieur.
« Intérieurement le sulfate de cuivre; vous prépariez et m'administriez le
médicament; vous versiez des gouttes d'une petite bouteille bleue (que je vois
encore) dans un breuvage quelconque.
« Extérieurement, outre l'eau cliaudc autour du corps et aux extrémités
une simple casserole en cuivre me rendait de grands services contre les
crampes. Cet appareil, qui a fait beaucoup sourire aux nombreux récits de
ma maladie, suffisait pour arrêter les crampes à leur début; malheureuse-
ment je n'en avais qu'une à ma disposition, et lorsque la souffrance ou la
fatigue me l'avaient fait laisser séjourner près de l'endroit où elle avait
servi, je n'arrivais pas à temps pour conjurer d'autres crampes, celles-
ci s'emparant d'ailleurs de moi sans bruit et presque toujours à plusieurs
endroits du corps à la fois. Je dois dire, pour être complètement vrai, que
la casserole n'avait pas la puissance d'arrêter une crampe un peu avancée
déjà, c'est-à-dire en pleine marche.
« Mon corps était en outre entouré d'une chaîne, que j'ai encore et qui
porte votre nom ; vous l'aviez partagée en deux sections, l'une pour le haut
du corps, l'autre jiour les parties inférieures.
>( On me donnait de la glace lorsque les vomissements prenaient le des-
sus; du punch et du vin chaud pour me réchauffer lo)-sque le froid s'empa-
rait trop de moi.
« Cette lutte terrible aduré plusieurs Jours; vous la suiviez pasàpas, venant
— 33 —
PRÉSERVATION.
L'indication à remplir, c'est d'employer le métal, préserva-
teur, de façon à mettre, du mieux possible, toute personne dans
les mêmes conditions d'absorption cuprique que les ouvriers
qui ont été le plus complètement préservés.
Pour cela deux voies sont ouvertes; d'une part la voie de
l'estomac ou de l'intestin, et, d'autre part, celle de la peau.
L'on se servira de l'une et de l'autre.
1° Une fois par jour, deux même, si l'intensité de l'épidémie
de deux heures en deux heures, soit pour préparer les médicaments, soit
pour en surveiller les effets.
« Enfin le choléra était vaincu, mais des symptômes de fièvre typhoïde com-
mençaient à se montrer. Jusque-là je n'avais pas perdu une parcelle de pré-
sence d'esprit, tandis que je ne me souviens, de cette seconde phase de ma
maladie, que de la saignée que l'on m'a faite, saignée suivie d'une syncope
au sortir de laquelle je ne me i-appelle pas vous avoir revu à mon chevet.
« Ici se placent des faits qui vous ont péniblement affecté; je ne puis en
rendre compte que par ouï-dire, car ils se sont passés hors de ma présence et
sans intervention de ma volonté, devenue nulle à ce moment-là. Le récit en
est d'ailleurs étranger au but de cette lettre, et je ne crois pas devoir l'y
faire entrer. Bref, en revenant à moi, c'est M. X..., alors médecin en chef
de l'hôpital X..., que je voyais chargé de ma guérison définitive.
« J'ai appris de lui que j'avais été un des cinq derniers cas observés à Paris,
tant en ville que dans les hôpitaux; que l'attaque dont j'avais souffert avait
été si extfôme que je n'aurais plus désormais rien à 'craindre, « fussé-je
même au foyer de l'épidémie; » qu'en un mot, « j'avais remué la poussière
du tombeau. »
« En résumé^ il résulte, pour moi, des faits que je viens de relater plus
longuement qu'à votre gré peut-être, la conclusion que voici :
« 1° En octobre 1854 vous m'avez traité d'une attaque de choléra très-dan-
gereuse.
« 2" Vos moyens étaient l'application du cuivre à l'intérieur et à l'exté-
rieur.
« 3" Vous avez vaincu le choléra, en moi, à l'aide de ces moyens.
< Heureux de penser que mon témoignage peut aider à vous faire rendre
justice, je vous présente, Monsieur, mes salutations très-distinguées.
« ROTH,
« Caissier, che de comptabilité chez MM. Carlhian et Corbière,
« rue du Sentier, '20. »
3
- 3/i —
Je réclame, prendre dans un peu d'eau sucrée, légèrement
alcoolisée, 2, 3. 5 et 6 gouttes, suivant les âges, de la solution
suivante :
Acétate ou sulfate de cuivre cristallisé. 5 gram. )
Laudanum de Rousseau 1 _ ' ( j^^^jg^ç
Eau commune 20 I
Chaque goutte représente i centigr. de sel.
Si, malgré l'addition de l'opium, l'estomac se montre réfrac-
taire, prendre le préservatif en lavement dans la valeur d'un
verre d'eau, toujours après digestion complhie.
Cette dernière manière d'user du préservatif est de beaucoup
préférable, elle ne provoque ni répugnance ni nausées; elle
permet de doubler et de tripler au besoin la dose, et n'était la
répugnance instinctive qu'éprouvent quelques personnes à
faire un fréquent usage de l'irrigateur, je me serais abstenu
d indiquer la première. '
(C'est la méthode quaprès expérience faite sur nous-
même, nous recommandons aujourd'hui exclusivement; elle
n'a aucun inconvénient. Par la bouche nous ne conseillons
plus comme préservatif que l'oxyde en pilules de 2 à 5 centiçr.)
2° Application directe à la peau, sur une étendue d'environ
4 décimètre pour l'enfant, de 3 à 4 décimètres carrés pour
l'adulte, de feuilles minces de cuivre ou de laiton découpées
en plaquettes, sans bavures ni aspérités, fixées à distance les
unes des autres par un lien qui permette de les porter en cein-
ture, à diverses hauteurs du corps, un jour sur un point, le
lendemain sur un autre, afin d'éviter de fatiguer la peau. Celte
disposition est celle que présentent aujourd'hui mes armatures,
lesquelles consistent tout simplement en une série de larges
boutons formés de deux fians de métal entre lesquels coulisse
librement un lacet élastique. Les applications du cuivre seront
permanentes, et continuées jusqu'à ce qu'il y ait formation
notable de vert-de-gris. A ce moment, on pourra les suspendre
pour les reprendre quelques jours après. Pendant ce temps
respecter le sel formé, et pour cela se baigner aussi peu que
possible.
Si les applications de métal étaient mal supportées, donnaient
— 35 —
lieu, ainsi qu'il arrive quelquefois, à une éruption gênante, on
les remplacerait par des frictions, tous les soirs, sous les
aisselles et dans les aines avec la pommade qui suit :
Acétate de cuivre cristallisé ... k grammes.
Extrait de belladone h —
Axonge 30 —
M. S., A.
Enfin dans les cas où les petits ennuis, résultant de ce double
i mode de préservation, seraient un obstacle sérieux à le faire
accepter par quelques personnes, j'incline à penser qu'un bain
prolongé au sulfate de cuivre, pris au moins tous les deux
jours, pourrait les remplacer avantageusement l'un et
" l'autre.
En ce cas il faudrait ajouter au sel de cuivre du sel de soude,
pour aider à l'absorption par une sorte de désuintement de la
peau, et voici comment nous le formulerions :
Liqueur de Bareswill . . 500 à 1,000 grammes,
Sous-carbonate de soude. 250 grammes, ,
pour un grand bain de une à deux heures dans une baignoire
de cuivre et non étamèe, si faire se peut.
Traitement.
Aussitôt en présence d'un cholérique, lui donner par la
bouche de 2 à 10 gouttes de la solution susdite au sulfate ou à
l'acétatede cuivre (2 à 10 centigr.de sel) plus 10-20 et jusqu'à
50 gouttes de la même solution en lavement, suivant l'inten-
sité du mal, et, sans désemparer, mettre au contact du
corps le plus de cuivr.e possible. En l'absence d'appareil spécial
ou d'un quincaillier voisin, pour y faire prendre des bande5
minces de ce métal, recourir aux ustensiles de ménage qui se
prêtent le mieux à l'application, et, si l'action s'en fait atten-
. dre, interposer une compresse d"eau salée entre le niélal et la
peau(l); puis toutes les deux heures et même plus souvent,
(1) Il importe que cette compresse soit mouillée l'rL'qfuemment; sèche, elle
devient un isolant qui arrête, bien entendu, tout effet du métal.
ft — 30 — .
si le cas presse, renouveler la dose du sel de cuivre. Si le
malade vomit, renouveler immédiatement la dose en la faisant
accompagner d'un peu de glace; s'il évacue, renouveler le la-
vement.
Si les évacuations répétées par haut et par bas ne permettent
point l'introduction du remède par aucune voie, ou même si,
celui-ci ayant été gardé, les accidents marchent vite, onctions
sur tout le corps avec la pommade sus-indiquée, ou bien atta-
que du mal par le remède introduit, suivant la méthode hypo-
dermique, avec la seringue de Pravaz. Qu'importe, en pareil
cas, qu'il y ait ou non à la suite irritation locale par le sel intro-
duit sous la peau?
Je suis sans expérience quant au bain au sulfate de cuivre
dont j'ai parlé plus haut, pas plus que, je l'avoue, je n'ai mis
en pratique ce dernier moyen; mais, bien siàr de maîtriser les
crampes par mes applications et par conséquent de rendre pos-
sible au malade la position assise, je n'hésiterais point aujour-
d'hui à le tenir plongé dans un bain ayant reçu trois à quatre
litres de la liqueur de Bareswill ou de Fehling (ne pourrait-on
aussi essayer de faire pénétrer le spécifique par les voies res-
piratoires? M. le D"- Salles-Girons affirme que cela est possible).
Encore quelques mots sur ce que nous avons appelé la pré-
servation à distance, et sur les moyens de l'obtenir peut-être
artificiellement avec de larges feuilles de cuivre mince dissimu-
lées au voisinage des personnes qui ont une vie sédentaire, et
nous terminions par un appel chaleureux à nos confrères d'É-
gypte, d'Italie et du midi de la France, alors malheureusement
mieux placés que nous pour tenter des expériences sur le
nouveau traitement et les suivre.
Comment cet appel a-t-il été entendu? quels sont les faits
nouveaux qui se sont produits? c'est ce que nous dirons dans
les chapitres qui vont suivre.
•
II.
PRÉSERVATION SPONTANEE
DES INDIVIDUS SOUMIS PAR LEUR PROFESSION
^. L'ABSORPTION CUPRIQUE.
COMPARAISON DE LA MORTALITÉ CHOLÉRIQUE
CHEZ LES OUVRIERS EN CUIVRE ET CHEZ LES OUVRIERS d'iNDUSTRIES
SIMILAIRES, SUR FER, ZINC, PLOMR, MERCURE, ETC., ET AUTRES.
Depuis bientôt une année que nous avons eu l'honneur d'a-
dresser à l'Académie notre dernier mémoire sur l'influence
préservatrice et curative du cuivre dans le choléra, il s'est passé
des faits, il a été recueilli des documents d'un intérêt considé-
rable relativement à ce système métallothérapique à l'aide du-
quel, dès l'épidémie de 18^19, nous préludions si heureusement
contre le fléau, sur les cholériques de l'hôpital Gochin, du
Val-de-Grâce et de l'Hôtel-Dieu.
Déjà les médecins connaissent une partie de ces faits et do-
cuments, par les communications qui sont venues du midi de
la France et de l'Italie, sous la signature de MM. les D'' Lisle,
de Marseille, Gallarini, de Florence et de Rogatis, de Naples,
et de récentes publications ont pu apprendre à nos confrères
les nouveaux cas de guérison obtenus à Paris avec les sels de
cuivre d'abord, puis les exemples d'immunité remarquables
que nous avions rapportés nous-même des villes de Toulon,
de La Seyne et de Marseille.
— 38 —
Ainsi, par exemple, la Gazelle des Hôpilaux, du 19 mai, a
publié, entre autres, le fait suivant qui suffirait à lui seul, s'il
en était besoin, pour nous consoler de bien des choses et qui a
été pour nous un bien précieux encouragement.
« A Toulon, pendant que les maisons se fermaient dans la
« ville, pendant que la panique était partout et que l'émigra-
« tion devenait générale, les ouvriers en cuivre de l'arsenal,
« avertis de nos recherches, se sont consultés, et ayant trouvé
<( les résultats d'accord avec les souvenirs qui leur étaient
« restés des épidémies antérieures, tous se sont bientôt rassu-
« rés, pas un n'a fui, et, à la date du 5 octobre, pas un,
« excepté un ouvrier tourneur que la mort de son enfant
(( avait jeté dans une profonde perturbation et éloigné natu-
« rellement de l'atelier, n'avait été atteint même légère-
« ment. »
Nous avons visité ces ouvriers, au nombre de 250 à 300, au
lendemain des plus mauvais jours. Tous étaient à leur poste;
le voisinage du précieux métal semblait avoir doublé leur éner-
gie au travail, comme s'ils eussent voulu s'en imprégner da-
vantage. Témoin 'heureux de cette parfaite sécurité que nous
devions retrouver à Marseille et à Paris dans plus d'un atelier,
nous nous sommes bien promis de ne point faillir à notre
tâche, dussions-nous n'obtenir jamais que ce résultat de don-
ner conscience de leur préservation spontanée au plus petit
nombre de ces millions d'ouvriers qui, dans le vieux et le
nouveau monde, travaillent le cuivre sous une forme ou sous
une autre.
Restent maintenant à connaître les dernières observations
faites à Paris, concernant cette même immunité des ouvriers
en cuivre.
Autorisé par M. le préfet de la Seine à poursuivre nos re-
cherches sur les tableaux nosographiques de la ville, nous y
avons relevé avec le plus grand soin les noms de tous les cho-
lériques décédés qui pouvaient ressortir aux ditférentes profes-
sions signalées par nous comme ayant joui, par rapport au
choléra, d'une préservation plus ou moins complète. Les ta-
bleaux consultés étant malheureusement muets quatre fois sur
cinq sur la spécialité de la profession, et d'autre part les indi-
— 39 —
calions y relatives qu'on y rencontre n'étant rien moins que
sùrcs, une fois en possession de ces noms, nous sommes allé
taire à domicile une enquête sur chaciue cas particulier. Chemin
faisant nous avons visité encore une fois nombre de ces ateliers
de toute sorte où les métaux, et surtout le cuivre, sont mis
en œuvre pour les immenses besoins de l'industrie parisienne.
Morts et vivants, à très-peu d'exceptions près, ont répondu; et
aujourd'hui, après plusieurs mois d'allées et de venues en tous
sens aux quatre points cardinaux de la ville, de recherches
sans nombre aux sources officielles et privées (1), nous pou-
vons enfin dresser le bilan de la dernière épidémie dans les
professions désignées ci-dessus.
Eh bien, les faits qui se sont passés à Paris en 1865 sont-
ils venus à nouveau, comme à Toulon, comme à Marseille et
comme en Italie, justifier tout ce qui a été écrit au sujet de
l'immunité cholérique des industries et professions qui s'exer-
cent sur le cuivre?... Cette préservation spontanée, que nous
affirmions et contre laquelle nous avions défié quiconque de
venir s'inscrire en faux, s'est-elle démentie dans ces jours né-
fastes que la capitale de l'Empire ^ dû traverser une quatrième
fois, et faut-il faire notre deuil de ce que nous n'appelions
encore que des espérances, dans une de nos plus récentes publi-
cations?...
Pour répondre, comme il convient, dans une pareille ques-
(1) Des tableaux nosograpliiques dressés plus utilement pour tout le
monde, par exemple, suivant un projet de statistique mortuaire que nous
avons adressé en 1857 au gouvernement, après certaine expérience acquise
dans la matière, auraient singulièrement diminué la difficulté de ces recher-
ches. Tels qu'ils existent, ces tableaux sont insuffisants, aussi sommes-
nous le seul qui, dans l'espace de plus d'un quart de siècle, ayons été
les exhumer, par deux fois, et à dix ans d'intervalle, de la poussière de
leur tombeau aux archives de la ville.
Cependant, pour ne parler que des choses de la médecine, dans les pro-
fessions bien interrogées, l'on peut trouver, Jenner l'a bien prouvé, la solu-
tion de questions de premier ordre. Pourquoi dès lors ue pas les spécifier
avec soin dans tous les actes de décès? Pourquoi ne pas dire, par exemple,
ce que X..., ouvrier tourneur, mort de telle maladie, tournait, soit du fer, soit
du cuivre, soit du bois, etc., ce que Z..., ouvrier chaudronnier, chaudron-
nait, du fer ou du cuivre, au lieu d'écrire simplement X..., tourneur, Z...,
chaudronnier, etc. ?
- /|0 -
t.o nous ne saunons m.eux faire que d'exposer avec quelques
détails tous es pnncpaux résultats et documents qui s'y. ap!
portent. La Gazelle des Hôpitaux en a publié tout dernièi-emem
des fragments importants que nous reproduirons, chemin fai-
sant, dans leur texte original, afin de ne rien enlever au cachet
qu a su leur donner l'honorable rédacteur en chef de ce journal
de Parif ' '"""^ ^ ''"'"'^'"'^ ^"^^^'^
1° MorlalUé dans les professions qui s'exercent sur le cuivre seul
ou alite en très-forte proportion à un autre métal.
1 i^'i Inn^: population de Paris intra muras, s'élevait à
l,ob7,000 ames.
Décès cholériques, 6,176; moyenne, environ 3,7 sur 1 000
Le nombre d'ouvriers de toute sorte qui respirent une atmo-
sphère p us ou moins chargée de fmes poussières àe cuivre, soit
à 1 état d oxyde ou de sel (préservation du premier degré) soit
suiiplement à l'état métallique (préservation du deuxième de-
gré), mais de poussières de cuiA^re seul, sans mélange de pous-
sières de fer, condition sine qua non, cela va de soi, de la pré-
servation, ne saurait être évalué à moins de 30 000 (1) Si
nous ajoutons à ces ouvriers tous les musiciens de profession
c.vils et militaires, dans les instruments de cuivre, chez les-
quels le jeu de l'instrument, surtout lorsqu'il est pratiqué en
marchant, fait refluer vers la bouche les liquides retenus par
(1) Les documents officiels manquent pour un dénombrement exact des
IZ ^\ •'"^'ï"'^'^' ^''^ recensements de po
pulation n'ont abouti qu'à faire connaître le nombre d'individus par caté-
comme?""; 7"-™-^ -^"^ «'opère en ce m'ome^t^'
Par s, comme dans tout l'Empire, n'en dira pas davantage. Il serait cepen-
dant SI facile qu'il en fût autrement !...
n;r des on /r"r ^'^'"^'"^ 'I"' volumineux
fou "h ,1 rn-""""'' '•«"««'■g"«">«nts qui nous ont
ett fou.n.s rès-obhgeamment à la préfecture de police. Mais nous ne
pouvons cert.ner que ceci, c'est que nous avons fait de notre mieux po
nous rapprocher le plus possible de la vérité. ^
ses nombreuses courbures et parois, toujours plus ou moins
tapissées au dedans de vert-de-gris, si bien qu'il n'est pas très-
rare de rencontrer des coliques chez les exécutants, nous arri-
verons à un total de 32 à 33,000 individus pour les diverses
catégories de professions sur le cuivre, que nous avons dit
jouir de l'immunité cholérique, immunité, répétons-le encore,
toujours proportionnelle au degré d'absorption cuprique.
Sont morts du choléra, défalcation faite des non-valeurs por-
tées siir les tableaux nosographiques pour fausses indications,
interruption ou cessation de la profession, pour, insuffisance
ou nullité dans le mode de préservation, pour mélange des
deux métaux, cuivre et fer, dans les poussières de l'atelier,
10 individus en tout, dont 2 jeunes apprentis, l'un dans l'op-
tique, et l'autre dans la ciselure sur ornement. Sur les 8 qui
restent, 2 seulement, 1 ciseleur et 1 tourneur, étaient dans de
bonnes conditions; encore même ce dernier, du nom de Julien,
travaillait-il près d'une fenêtre toujours ouverte.
Un troisième ciseleur, qui cumulait sa profession avec celle
de figurant dans un théâtre, en prenait un peu trop à son aise
dans l'atelier où il travaillait pour faire exception bien sérieuse.
3 autres, 2 tourneurs et 1 ciseleur, étaient aussi, surtout les
deux premiers, dans de bonnes conditions de préservation
quant à la profession; mais ils en avaient singulièrement
compromis les bénéfices d'immunité, l'un par des excès,
habituels, l'autre par une mauvaise alimentation, couronnée
par un fait de haute imprudence équivalant presque à un em-
poisonnement, et le troisième par une médication intempestive
qui était venue compliquer de ses effets une mauvaise santé
habituelle.
Enfin 2 derniers, 1 fondeur fondant et 1 polisseur, surtout
au gras avec huile, poudre d'émeri et terre pourrie, placés
par leur travail tout en bas de l'échelle de préservation, et qui,
de plus, vivaient l'un et l'autre en lutte perpétuelle avec les
lois de l'hygiène.
Mais ne tenons aucun compte, si l'on veut, des circonstances
qui ont atténué tout au moins les effets du métal chez les six
derniers, et bornons-nous à retrancher les deux apprentis, dont
les droits à la préservation étaient, en tout cas, de date trop
— /,2 -
récente, le plus âgé ayant à peine dépassé (|uatorze ans, pour
pouvoir compter avec les autres.
Restent au compte des diflerentes professions sur le cuivre
ou ses alliages, le bronze et le laiton, y compris (ous les musi-
ciens en titre dans les instruments de cuivre :
8 décès!! Moyenne de la mortalité cholérique, environ 1 sur
4,000. (Voir plus loin pour les détails.)
2° MortaUté dans les professions sur métaux où le cuivre n'occupe
plus qu'une faible place [bijouterie et orfèvrerie fine), où ce
métal tend a disparaître {horlogerie), et où il disparaît com-
plètement (dorure) :
Environ 12,000 bijoutiers et orfèvres en fin ont eu 9 décès;
moyenne, 1 sur 1,340.
4,000 horlogers en ont eu 9; moyenne, 1 sur 680.
800 fondeurs en caractères en ont eu 2; moyenne, 1 sur 400,
3,500 doreurs et doreuses en ont eu 11; moyenne 1 sur
320.
On voit qu'au fur et à mesure que le cuivre tend à dispa-
raître de la profession, la mortalité augmente; du moment où
l'ouvrier n'absorbe plus de métal préservateur, elle redevient
normale.
3° Mortalité dans les professions similaires surfer, zinc, étain,
2)lomb, mercure, bois, verre et marbre.
Tandis que 20 à 21,000 ouvriers en cuivre, classés plus loin
sous la préservation du premier ou deuxième degré, cMudron-
niers, estampeurs, opticiens, monteurs, tourneurs, fabricants
d'instruments de musique, lampistes, balanciers, orfèvres et bi-
joutiers en faux, ne présentaient ensemble que trois décès (trois
tourneurs), dont deux survenus dans les circonstances de mau-
vaise hygiène et d'imprudence capitale que nous venons de
dire, et sur lesquelles on trouvera plus loin quelques rensei-
gnements ;
27 à 28,000 chaudronniers en fer, forgerons, serruriers, mé-
- ^,3 -
caniciens, ajusteurs et tourneurs en fer, ferblantiers, fondeurs
en fer, polisseurs d'acier et graveurs sur matrices d'acier (von-,
encore aux détails de l'enquête), en avaient 119; moyenne,
presque 4 1/3 sur 1,000.
Environ 6,000 zingueurs ou repousseurs dans le zmc, chau-
dronniers étameurs ambulants ou en boutique, plombiers,
miroitiers, tourneurs sur bois, os, ivoire et jais, opticiens sur
verre, tourneurs et graveurs sur verre ou cristaux, polisseurs
et polisseuses de marbre en avaient kl ; moyenne, 7 sur 1,000,
■ ou 1 sur Iho.
Enfin, tandis que les musiciens dans les instruments de cui-
vre (impossible de fournir ici aucun chiffre, même approxima-
tif) avaient 0 décès, les tableaux nosographiques en portaient 9
au compte d'autres musiciens.
h° Mortalité dans les professions prétendues respectées
par le vulgaire.
Un certain nombre de professions ont passé et passent encore,
aux yeux de beaucoup de gens, pour avoir joui par rapport au
choléra d'une immunité toute spéciale. Plus d'une fois il nous
est arrivé de voir même des confrères nous opposer la préser-
vation des ouvriers qui exercent leur industrie sur des produits
animaux.
Aux auteurs, plus ou moins anonymes, de ces assertions, nous
avons déjà répondu : « En 1832, les tanneurs, les corroyeurs,
les mégissiers, les hongroyeurs et les chamoiseurs ont eu en-
semble 72 morts, dont seulement 20 femmes et enfants. [Rap-
port de la commission du choléra.) Les vidangeurs et les égou-
tiers, plus souvent encore cités comme ayant été absolument
préservés, ont eu, d'après le même rapport, ensemble 11
morts. »
, En 1865, ces ouvriers ont-ils été plus heureux? Pas plus que
ceux des usines à gaz, dont on avait encore vanté si haut l'im-
munité. • "
En effet, 5,000 ou 6,000 ouvriers dans l'industrie des cuirs
et peaux tannés ont eu, dans le département de la Seine, 21
décès.
- w -
1,000 vidangeurs ou éi;outiers en ont eu /|.
Et 2,500 ouvriers dans les usines à gaz en ont eu 10-
moyenne, k sur 1,000, plus 275 malades, dont 70 pour cliolé-
rines graves.
Ces derniers chiffres, extraits d'un travail remarquable exé-
cuté dans les bureaux de la Compagnie Parisienne par M. Sage,
suffisent à expliquer pourquoi, l'épidémie passée, on n'entendit
presque plus parler dans le choléra de cet acide phénique,
prôné auparavant presque à l'égal d'un spécifique...
Les parfumeurs font seuls un peu exception.
1,700 n'ont eu que 2 décès... Déjà en 1832 ils n'en avaient
eu que 6 !...
Ah ! ici il y a peut-être quelque chose, surtout si, comme
cela nous a été affirmé dans plusieurs maisons, les malades ont
été en aussi petit nombre.
La préservation a-t-elle été le fait de quelque parfum en par-
ticulier? Mais alors quel est-il? Comment le reconnaître au
milieu de tous les autres ? Ou bien a-t-elle été seulement la
conséquence de la saturation de l'atmosphère en masse, par
ces huiles essentielles dont les odeurs pénétrantes atteignent les
passants dans la rue jusqu'à une assez grande distance, satu-
ration à ce point que le miasme cholérique n'aurait plus trouvé
à s'y faire place?,.. Si cette dernière hypothèse était la vraie,
on s'expliquerait alors, jusqu'à certain point, pourquoi Mont-
faucon, Clichy-la-Garenne et autres endroits infects, ont joui,
en 1832 notamment, d'une préservation très-marquée, et le
camphre et le chlore n'auraient peut-être plus autant besoin
de leur antisepticité pour justifier la faveur dont ils jouissent.
Malades. — Appelé, par les nécessités nouvelles de notre en-
quête à domicile, dans tous les quartiers occupés par l'indus-
trie parisienne, nous en avons profité pour visiter nombre d'ate-
liers ouverts à la chaudronnerie, à la fabrication des bronzes,
des instruments de musique, d'optique, etc., etc. C'est à l'atelier
surtout, dans les registres ouverts à la maladie ou au chômage
qui en résulte, bien plus encore, s'il se peut, que dans les ta-
bleaux de la mortalité, que la préservation se trouve marquée.
La cholérine étant prise pour base d'appréciation, au lieu du
— /i5 —
choléra seulement, qui s^est terminé par la mort, on est alors
en présence de chiffres bien autrement significatifs, ceux des
immunités observées.
L'on est frappé d'une chose, c'est de voir les ouvriers de cer-
taines professions, telles que, par exemple, la ciselure, qui,
exercée isolément en chambre ou dans un petit atelier, ne donne
droit qu'à une préservation relative, à cause de la faible quan-
tité de métal détaché par le burin et de sa forme la plus ordi-
naire en petits éclats, y jouir de l'immunité commune, lorsque
à leur voisinage sont d'autres ouvriers qui jettent autour d'eux
des poussières de cuivre plus fines et en plus grande abon-
dance. Ainsi, dans les fabriques d'instruments de. musique en
cuivre, chez M. Gautrot, au Marais, qui n'occupe pas moins de
300 ouvriers, chez M. Lecomte, son voisin, qui ri'en a pas
moins d'une centaine, chez M. A. Say, etc., etc., les simples
découpeurs ont été aussi parfaitement préservés que les tour-
neurs et les polisseurs...
Ainsi dans l'optique pas un malade dans les maisons Breguet,
Secrelan, Bardou, Lorieux, Darlot, etc., parmi les ouvriers de
toutes les catégories..., etc.
L'intérêt particulier qui se rattachait à la chaudronnerie en
cuivre, à laquelle, trompé nous-même par les documents offi-
ciels (1), nous n'avions point encore donné la place qui lui
revient dans l'échelle de préservation, nous a amené à visiter
tous les établissements en ce genre qui, à Paris, ont quelque
importance, et là comme à Toulon, comme à Marseille, pré-
servation constante : 3 ouvriers malades seulement en 1865,
dont 1, le plus gravement atteint, ne s'est absenté que cinq jours.
Le nombre des malades rencontrés (nous ne disons pas qu'il
n'y en ait point eu d'autres) s'élève à U en tout, savoir :
2 dans la chaudronnerie, k dans les bronzes, 1 dans les instru-
ments de musique , 3 dans les ateliers du chemin de fer de
(1) Les tableaux nosograpliiques portent, pour l'épidémie de 1865, 14 morts
au compte de la chaudronnerie, dont 1 seul avec la désignation de la spé-
cialité de sa profession {étameur); 13 morts restent donc comme pour attes-
ter que le travail du cuivre, dont l'idée semble inséparable de la qualifica-
tion de chaudronnier, est loin d'avoir été favorable aux ouvriers de cette
.profession.
- /,6 —
Lyon, 3 dans la maison Cliristone, 1- clans les articles de bâti-
ment...
Dans deux cas seulement, chez un fondeur fondant et chez
un ciseleur de la maison Barbedienne, la maladie paraît avoir eu
une certaine gravité... Partout ailleurs elle a été de courte du-
rée... La société du Bon Accord, entre autres, qui compte
environ m membres, tous monteurs, tourneurs, ciseleurs
sur bronze , travaillant toujours en certain nombre dans un
même atelier, ce qui est essentiellement favorable à la préser-
vation, n'a subi en tout que IZ, journées de chômage. La grande
usine électro-métallurgique d'Auteuil n'a point eu un seul ma-
lade, tandis que sont morts 2 hommes au service particulier de
M. Oudry, le directeur propriétaire de l'usine... Frappé de ces
faits et de bien d'autres, cet éminent industriel nous écrivait,
à la date du 6 février : « Plus que jamais je crois à l'efficacité
du cuivre et de ses dérivés comme un préservatif assuré contre
l'affection cholérique. »
Donnons maintenant la parole à la Gazette des Hôpitaux :
1° Immunité acquise par les ouvriers en cuivre
par rapport au choléra.
1° lîNQUÊTE FAITE EN ITALIE ET DANS LE MIDI DE LA FRANCE.
^ Nous avons annoncé que nous publierions les résultats de
l'enquête qui a été faite sur l'immunité des ouvriers en cuivre,
pendant la dernière épidémie de choléra, en Italie et dans le
midi de la France. Voici, d'après les notes qui nous sont com-
muniquées par M. le docteur Burq, les faits qui ont été con-
statés en Italie par MM. les docteurs Alfonso de Rogatis, de
Naples; Gallarini, de Florence; Capraris, d'Atripalda! etc., et
dans les départements du Midi, à Marseille, à Toulon et à La
Seyne, par lui-môme.
Après la publication du travail communiqué par M. Burq à
l'Académie des sciences (voir Gazelle des Hôpitaux, août 1865),
M. le docteur Alfonso de Rogatis s'est fait un devoir de répéter
les recherches de notre confrère, récemment confirmées dans
- kl —
leurs résultats par M. le docteur Gallarini, de Florence. Il a fait,
en conséquence, une enquête sur les ouvriers en cuivre de la
ville de Naplcs et de diverses autres villes de l'Italie méridio-
nale. Ce sont les résultats de cette enquête qu'il expose dans
les lignes suivantes :
Florence. — Cette ville compte 32 établissements où l'on
travaille le cuivre pour les besoins de l'industrie, ou les usages
domestiques. Dans les deûx épidémies de 1836 et 185Zi, aucun
cas de choléra ne s'est produit ni parmi les ouvriers, ni parmi
les patrons de ces établissements.
On m'a assuré que semblable préservation avait été obser-
vée à Palerme. (Signé : D-- Gallarini.)
Naples. — Dans les deux épidémies sont morts seulement, à
Naples, 2 hommes qui travaillaient dans le cuivre, dont un déjà
malade depuis plusieurs années, plus 2 marchands de ce métal,
l'un et l'autre d'une intempérance notoire.
A l'hôtel des monnaies, qui compte environ ZjOO ouvriers,
pas un seul homme n'a été atteint. (D-- de Rogatis.)
Rivello. — Population de ^,457 âmes, sur laquelle la moitié
au moins s'occupe à des travaux de cuivrerie. Pour cette in-
dustrie, plus de 20 dépôts de cuivre sont dans la ville. Dans une
localité à petite distance de Rivello sont en outre 2 fonderies
de cuivre qui comptent chacune de 15 à 20 ouvriers.
Dans les deux épidémies le fléau a exercé de grands ravages
dans les lieux circonvoisins, tandis qu'à Rivello et dans la sus-
dite, localité, il n'y a point eu un seul mort. (Le syndic de la
ville, F. Pecorelli.) •
Agnone. — Une seule fois cette ville a été frappée par le
choléra. Elle comptait alors 10,000 habitants, dont 150 environ
ouvriers en cuivre, disséminés dans diverses parties de la ville.
Furent attaqués : 1,000 habitants, sur lesquels 300 moururent.
Parmi ces derniers se trouvait un seul ouvrier en cuivre, lequel
fut atteint au refour d'Isernie, où il était resté quelque temps
sans exercer sa profession. (Le syndic, J. Bonavolta.)
Maratea. — Patrie de milliers d'ouvriers chaudronniers qui
sont disséminés dans toute l'Europe. Peu restent dans la ville;
mais parmi ceux-ci aucune victime du choléra qui y a éclaté en
1855 et a fait 50 victimes.
- Z,8 —
Alripalda. — Peu do, victimes, mais parmi elles pas un ou-
vrier en cuivre. (D-- Capraris.)
Gava dei Tireni (province de Salerne). — Fisciano et la vallée
de San-Severino Mercalo comptent beaucoup d'ouvriers en
cuivre. Tous ont été respectés. (Le syndic, J. Genoino.)
Sorrente. — Quelques ateliers seulement où le cuivre est
travaillé pour l'usage domestique. Tous les ouvriers en cuivre
ont été respectés, etc.
« Mes recherches, dit M. le docteur de Rogatis, ne pouvaient
donner un meilleur résultat. Mais, chose remarquable, outre les
ouvriers en cuivre, il semble qu'un autre ordre de personnes
jouissent aussi de la même préservation spontanée. Ce seraient
les habitants de la rue, de la localité, et même de la cité où il
y a beaucoup d'industries sur le cuivre ou de dépôts de ce mél
tal. Ainsi, par exemple, dans la rue Gatalana, à Naples, rue
malpropre et habitée par beaucoup de bas peuple, mais où le
cuivre est presque dans chaque maison travaillé ou mis en dé-
pôt, il n'y eut aucun cas de choléra dans l'épidémie de 1855,
et cependant la seule paroisse d'Incoronatella, au centre de la-
quelle est située cette rue, compta 221 décès.
« A Rivello, dont la moitié de la population est occupée à
des travaux sur le cuivre, et où il y a plus de 20 dépôts de ce'
métal, et 2 fonderies à petite distance, le choléra, je l'ai dit,
n'a point pénétré, tandis qu'il a exercé tout alentour de grands
ravages.
u Atripalda, cité éminemment manufacturière en cuivre, a
offert le même genre de préservation. »
A propos de cette préservation, qu'il a appelée « à distance »
dans une note récente à l'Académie des sciences, M. Burq nous
rappelle qu'en 1853 il avait déjà signalé la préservation des
habitants comme des ouvriers sur les mines de cuivre de
Fahlun et Linkeping en Suède (communication de M. le pro-
fesseur Huss, de Stockholm); l'immunité presque complète de
la ville de Birmingham, où se fait, pour la plus grande part, la
chaudronnerie en cuivre et la quincaillerie de toute l'Angle-
terre; la préservation relative, mais très-marquée, d'après les
statistiques mêmes- de la commission du choléra de 1832, de di-
vers quartiers du vieux Paris d'une insalubrité notoire, tels que
— Zi9 —
la rue de Lape, faubourg Saint-Antoine, et le quartier Saint-
Martin-des-Chanips, mais où en revanche se trouvent en dépôt,
ou bien appliquées à des travaux d'une variété infinie, d'énor-
mes quantités de métaux, parmi lesquels le cuivre occupe une
très-grande place.
Enquête à Toulon, La Seijne et Marseille. — Ici nous laissons
parler M. Burq lui-même. « A Toulon, comme à La Seyne et à
Marseille, dont j'ai pris soin de visiter jusqu'aux plus petits
ateliers sur métaux, tous les ouvriers en cuivre, tous, à trois
exceptions près pour les trois villes réunies, ont été respectés
par le fléau, à ce point que les livres de secours de l'arsena
et de tous les grands établissements, tels que celui des forges
et chantiers de la Méditerranée, celui des Messageries impériales,
les maisons de MM. Pons-Peyruc, de M. Frayssinet, etc., etc.,
sont à peu près muets sur les journées de maladie de ces ou-
• vriers.
Les trois exceptions ont porté : à Toulon, sur 1 tourneur en
cuivre de l'arsenal , que la mort de son enfant avait jeté dans
le plus profond abattement, et avait naturellement un peu éloi-
gné de l'atelier; et à Marseille, sur 2 tourneurs de la compa-
gnie des forges et chantiers, dont 1 atteint, depuis plusieurs
années, d'une maladie de vessie, et le deuxième, qui s'était
fait remarquer par des soins extrêmes de propreté, pris le di-
manche, hors de l'influence de l'ateHer.
En outre, à Toulon, il s'est passé ce fait considérable... Suit
l'exposition des résultats si encourageants rapportés plus haut,
concernant les effets moraux de nos recherches sur les ouvriers
en cuivre de l'arsenal.
Résumé de V enquête. — Toulon. — Outre l'arsenal , il y a à
Toulon un établissement de construction d'appareils à distiller;
deux ateliers de fondeurs-tourneurs et une fonderie de ro-
binets, comprenant en tout k^Q ouvriers, environ, qui ne
travaillent que le cuivre, et dans cette effroyable épidémie
qui a enlevé jusqu'à 90 personnes en un seul jour, sur une
population réduite à 30 ou 35,000 âmes, 1 seul, du nom de
GÎaise, est mort, et, hors lui, pas un autre n'avait été un peu
sérieusement malade, à la date du 5 octobre, jour où j'ai quitté
la ville!...
- 50 —
M. Guiset, chef ouvrier, irès-ancien à l'arsenal, ainsi que
plusieurs autres ouvriers , m'ont affirmé , en présence de
M. Brun, ingénieur, qui m'accompagnait, qu'en 1835, 18/|9
et 1854, la même immunité avait été observée parmi les ou-
vriers en cuivre.
La Seyne. — La compagnie des forges et chantiers occupe
à La Seyne environ 4,000 ouvriers, sur lesquels de 5 à 600
travaillent exclusivement le cuivre. Lorsque l'épidémie a édaté,
l'émigration s'est faite tout de suite sur une très-grande échelle.
Parmi les ouvriers en cuivre qui sont restés, et qui étaient,
comme les autres, en bien petit nombre, il n'y a eu ni moi'ts
ni malades.
Marseille. — A Marseille, la même compagnie possède deux
grands établissements, l'un à Menpendy et l'autre à Areng, dans
lesquels 200 ouvriers, environ, de la catégorie des préservés.
Sur ce nombre, 2 sont morts : les 2 tourneurs que j'ai cités
plus haut. Ces tourneurs travaillaient à la machine, ne tour-
naient, par conséquent, que de grosses pièces, et ne se ser-
vaient jamais de la lime ni du papier de verre.
Parmi les chaudronniers, très-nombreux, pas un malade.
M. Brussel, contre-maîire de ces derniers, était, en 185/j, dans
un grand atelier de chaudronnerie en cuivre ; sur 80 ouvriers,
ni mort ni malade : le fait fut remarquée En 185/|, où l'épidé-
mie fut autrement cruelle, il y eut 3,015 morts, la même com-
pagnie n'a perdu qu'un seul ouvrier en cuivre : c'était un
ivrogne incorrigible. A La Giotat, aux messageries impériales,
sur 300 ouvriers, il est mort 1 modeleur, 1 forgeron, 1 chau-
dronnier en fer et le concierge. Parmi les ouvriers en cuivre,
pas même de malade.
Après ces grands établissements de construction de machines,
j'ai visité ceux de MM. Frayssinet etC'«, 150 ouvriers; de M. Va-
léry, 130 ouvriers; de MM. Bizard et Labarre, 60 ouvriers.
Girard, 70 ouvriers, Prudhon, 70 ouvriei-s, Fiuel, 35 ouvriers,
Gbavassieux, 20 ouvriers, Fournet, 20 ouvriei-s; plusieurs ou-
vriers en fer sont morts, et pas un seul ouvriei' en cuivre n'a
même été malade.
Marseille possède en outre nombre d'établissements où Ton
ne travaille que le cuivre.
— 51 —
Tous onX été successivement visités ; savoir :
6 dans la chaudronnerie et la fabrication de tubes en cuivre ;
h dans la robineterie, la tournerie et la facture d'instruments
de musique ;
7 dans la fonderie de cuivre et bronze. ^
Ensemble, 300 patrons et ouvriers.
Sur ce nombre, aucun n'est mort; un seul a été un peu ma-
lade au commencement de l'épidémie. Ceux qui sont vieux dans
le métier, et entre autres MM. Menudet père et Daniel, témoins
des différentes épidémies de choléra qui ont régné à Marseille,
attestent Timmunité de leurs ouvriers.
A côté de cette immunité, M. Albert Girard, fils de l'honora-
ble médecin de ce nom, à Marseille, m'écrivait, à la date du
17 octobre, «que, dans une seule usine où travaillaient 100 ou-
vriers dans le plomb, h étaient morts du choléra 1 » V. B.
— Si les faits qui ressortent de cette double enquête ne sont
pas de nature à paraître décisifs et à entraîner toutes les convic-
tions, tant les questions de ce genre sont obscures et difficiles
à résoudre, on conviendra du moins qu'ils méritent d'être pris
en considération, et d'être soumis à un examen et à un con-
trôle sérieux.
{Gazette des Hôpitaux], samedi 49 mai 1866.)
2" ENQUÊTE SUA T.'ÉPIDÉMIE DE PARIS DE 1865.
Pénétré de l'utilité de provoquer un examen sérieux du fait
annoncé dès 1852 par M. Burq, et étudié depuis par lui avec
tant de persévérance, et, il faut bien dire le mot, tant de dé-
vouement, nous avons cru devoir exposer les résultats princi-
paux qui sont ressorlis des enquêtes faites en Italie et dans
quehiues villes du midi de la France, pendant la dernière
épidémie, dans le but de démontrer l'influence préservatrice
du cuivre par rapport au choléra. Nous continuons aujourd'hui
cette exposition en. mettant sous les yeux de nos lecteurs un
résumé de l'enquête beaucoup plus vaste que M. Burq vient
de faire à Paris même, à la suite de la dernière épidémie, et
qui porte parallèlement sur deux catégories d'ouvriers, sur les
ouvriers en cuivre et sur ceux qui travaillent dans des in-
dustries similaires sur fer, zinc, plomb, bois, etc.
Avant d'exposer ces résultats, il importe de bien préciser les
termes de la question et de bien établir les conditions aux-
quelles, suivant M. Burq, a lieu l'immunité.
^ La seule qualification d'ouvrier en cuivre, ou le fait seul
d'être attaché à un atelier ou à une usine où l'on travaille ce
métal, ne suffit pas pour constituer quand même celle im-
munité. Il est clair, par exemple, que les individus qui ne
remplissent dans ces établissements que les fonctions d'homme
de peine, et qui restent étrangers aux diverses manipulations
du cuivre, sont en dehors des conditions d'immunité. 11 en est
de même pour certaines catégories d'ouvriers, comme ceux qui
ne font que découper le cuivre, par exemple.
Les ouvriers en cuivre qui, d'après M. Burq, jouissent géné-
ralement du bénéfice de l'immunité ou de la préservation
cholérique, sauf de rares exceptions, sont ceux qui, par la na-
ture de leur travail, se trouvent soumis à une absorption per-
manente du cuivre réduit en poussière très-ténue.
II classe, sous ce rapport, en première ligne : toutes les in-
dustries qui dégagent dans l'atmosphère des poussières d'oxyde
ou de sels solubles, ou tout au moins susceptibles de le de-
venir une fois en présence de l'organisme, la fabrication du
verdet ou vert-de-gris, l'exploitation des mines de cuivre, la
chaudronnerie au marteau, la fabrique des casques pour
l'armée, de l'orfèvrerie en plaqué et généralement de tous les
articles qui, pour leur emboutissage ou estampage, nécessitent
de fréquentes recuites du métal. (Préservation du l*"" degré.)
En deuxième ligne, toutes les industries qui donnent lieu à
un simple dégagement de poussières métalliques, mais de pous-
sières assez ténues pour être transformables par les liquides
de l'organisme en oxyde, ou sels solubles, seule condition où le
métal puisse produire un effet quelconque (1) ; d'abord l'opti-
(1) En 1854, procédant de concert avec M. le D"- Ducom, pharma-
cien en chef de l'hôpital Larihoisière, à des expériences sur les animaux,
à l'effet de voir à quelle dose le métal très-divisé devenait toxique, nous
avons pu donner impunément, plusieurs jours de suite, à un chien de
— 53 —
que, comprenant aussi les instruments de précision, la facture
des instruments de musique en cuivre , la balancerie, les
bronzes, les appareils i\ gaz, la grande orfèvrerie et bijouterie
fausse; puis, environ au milieu de l'échelle, la fonderie, in-
dustrie mixte , où se trouvent à la fois poussières métalliques
et poussières d'oxyde (1) dont les ouvriers sont surtout ap-
pelés à bénéficier, et plus bas encore toute la grosse mécas
nique.
Dans ces diverses industries sont plus particulièrement pré-
servés, dans l'ordre qui suit : 1° les ouvriers qui traitent les
plaques de cuivre pour en enlever les sels de verdet; 2° les
mineurs bocardeurs, surtout quand le minerai contient oxyde
ou sels solubles ; 3° les chaudronniers emboutisseurs, les tour-
neurs repousseurs, puis les estampeurs; 4° tous les ouvriers
qui font un grand usage de la lime fine et du papier de verre
les limeurs, les monteurs et les polisseurs à sec, appelés aussi
passeurs; 5° les tourneurs au pied et loin derrière eux les
tourneurs au chariot qui , comme les raboteurs, ne détachent
du métal que des copeaux et font très-peu de poussières; 6° les
ciseleurs figuristes et ornemanistes, à commencer par les pre-
miers, qui emploient concurremment le rifloir (petite lime) et
le burin, et à finir par les ornemanistes qui ne se servent guère
que du ciseau et du marteau ; 1° les ébarbeurs dans les fon-
deries, ceux qui parent avec la lime et le ciseau les pièces fon-
dues, toujours plus ou moins encroûtées de calamine; puis
les mouleurs" (2), et tout en dernier les fondeurs fondant, qui
sont préservés surtout par les poussières de Tatelier, lorsqu'ils
moyenne taille, 6 grammes, puis 10, puis i5 de très-fine limaille de cuivre
mêlée aux aliments!... Au bout de douze ou quinze jours d'un tel régime,
l'animal ne paraissait point du tout s'en porter plus mal.
(t) Du sable de moulage, que nous avions pris dans la fonderie de
M. Thiébault, soumis très-obligeamment à l'analyse par M. le D'' Ducom,
a fourni, en môme temps que beaucoup de cuivre à l'état métallique, une
très-notable quai.tité d'oxyde.
(2) La qualification de fondeurs appliquée aux ébarbeurs et aux mouleurs
qui forment, en dehors des hommes de pe'ne, les 19/20 des ouvriers dans
les fonderies, est tout ce qu'il y a de plus impropre. Tous ces hommes ne
fondent quoi que soit. Étendue aux hommes de peine de cette-profession,
cette qualification est, s'il se peut, plus inexacte encore.
- 54 -
se mêlent aux autres ouvriers pour le remplissage des moules,
et non point, ainsi qu'on pourrait être tenté de le croire, par le
cuivre lui-même lorsqu'il est en fusion ; 8° enfin les taraudeurs,
tourneurs fabricants de vis, un peu les graveurs, et tout au
bas de l'échelle , les polisseurs au gras ou à l'humide , puis
les déeoupeurs de toutes sortes boutonniers, arsonniers et
plaquems, les emboutisseurs à froid ccipsuliers, fabricants de
porte-plumes, etc., et en dehors des professions, quelquefois
les habitants eux-mêmes au voisinage des grands établisse-
ments de cuivrerie et de fonderie.
L'expérience de ces derniers temps a encore appris à M. Burq
qu'il fallait à cette liste ajouter toute une grande classe d'indi-
vidus, celle des musiciens qui jouent des instruments de cuivre,
à commencer par les essayeurs dans la facture de ces instru-
ments.
Le métal ne pouvant agir que par absorption, toutes les
conditions qui facihteront son introduction dans l'économie se-
ront donc favorables. Nous citerons plus spécialement l'abon-
dance du métal dans l'atmosphère ambiante, la ténuité plus
grande des poussières, l'air confiné pour en empêcher la trop
facile dispersion, l'activité plus grande des sécrétions, soit con-
stitutionnelle, soif acquise dans l'exercice de la profession, l'as-
siduité au travail, etc.— Abondance du métal, a-t-il été dit tout
d'abord! C'est qu'en effet cette condition est de premier ordre.
Un ouvrier travaillant seul, quelle que soit sa profession, aura
toujours moins de droits à la préservation que si, réuni à
d'autres ouvriers, ils ennuagent ensemble l'atmosphère de l'a-
telier. En ce cas, il pourra même se faire que, pour de simples
emboustisseurs à froid ou découpem's, la préservation devienne
de premier degré. C'est ainsi que la maison de M. Bach , rue
Phélippeaux, maison unique en son genre, où UOO kilogr. de
cuivre sont mis en œuvre chaque jour par cinq ou six cents
ouvriers pour la fabrication des étuis et porte-plumes, n'a ja-
mais subi les atteintes du fléau.— V, B.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'il faut tenir encore
compte, dans l'appréciation du fait de préservation, de toutes
les circoQsta'nces accessoires indépendantes de l'exercice même
de la profession, qui peuvent en atténuer ou en accroître les
— 55 —
effets, telles que les constitutions et les réceptivités individuelles,
les habitudes et manières de vivre, etc., etc.
Une circonstance enfin veut être signalée aussi, c est 1 espèce
d'antagonisme constaté entre le fer et le cuivre, et duquel û
résulte que la simultanéité ou l'alternance du travad portant
sur ces deux métaux peut neutraliser l'action et les propriétés
de l'un ou de l'autre. - Il n'est, en effet, aucun médecin qui
ne sache que de tous les antidotes des sels de cuivre, le fer ré-
duit est précisément le plus sûr.
Ces préliminaires établis, voici quels sont, en bloc, les ré-
sultats de l'enquête de M. Burq. Nous ne donnons ici que les
résultats bruts, les chiffres en gros. Nous renverrons ceux qui
désireront voir les détails, au travail original de M. Burq, qui
sera probablement publié plus tard, et que nous ne faisons que
résumer ici. - .
1" Mortalité cholérique chez les ouvriers en cuivre. _
On sait que, dans l'épidémie de 1865, sur la population
intra-muros de Paris s'élevant à 1,667,000, le choiera a fait
6,176 victimes ; moyenne, 3,7 sur 1,000.
Le nombre des ouvriers en cuivre de toutes sortes, peut être
évalué à environ 30,000. Sur ces 30,000 ouvriers, sont morts
du choléra : ,n ^- \
Un apprenti opticien, âgé de quatorze ans. {Grandjean.)
Un tourneur dans les instruments de musique {Hurtaull),
vivant fort mal , pris dans la nuit, après une journée de
ftêchc en plein soleil, pendant laquelle il avait bu abondam-
ment de l'eau de la rivière, très-basse en ce moment et très,
infecte en cet endroit (sur le quai de Javel).
Un tourneur dans les appareils à gaz, qui travaillait près
d'une fenêtre toujours ouverte. {Julien.)
Un tourneur pour articles de bâtiment, ivrogne dont i a
été parlé à l'occasion de la statistique de l'hôpital Saint-An-
toine. {Marchais.) Voir aussi plus loin.
Un ciseleur dans les bronzes d'église, vingt-neuf ans, dans de
bonnes conditions. {.Joli.)
Un ciseleur figuristc, souffrant depuis quelque temps qui
s'était purgé cinq ou six fois dans la quinzaine qui a précédé
l'invasion du choléra. {Preyer.)
— 56 —
Un ciseleur aux pièces dans les bronzes du commerce, tra-
va, ant.peu de son métier auquel il ajoutait l'emploi de figu-
rant dans un théâtre. (Prévost.) i ue n^u
ard.) «''"«"^^"iste, de quatorze ans. (Bros-
^ Un mouleur fondeur, de mauvaise santé habituelle, ayant
lejà passe près de cmq semaines dans un hôpital d'où il venait
de sortu> au moment de l'invasion. (Grual.)
Un fondeur fondant; ivrognerie et misère. (Dimont.)
Un pohsseur surtout au gras, ivrogne, pris après toute une
émanée d'épu.sement (le Martin dont il sera question dan
1 enquête sur les malades de Saint-Antoine)
Un pohsseur au gras dans les couverts en composition, tra-
vadlant en chambre. [Langelot.)
Un apprenti bijoutier en faux, de quinze ans, ne travaillant
que quelques heures par jour, dans un très-petit atelier, à la
fabrication des boucles de ceintures. {Millet )
Une bijoutière en faux, chaînisle, travaillant seule, en cham-
bre, et n employant que le fil de laiton. [Delâire )
Un chaudronnier riveur en fer et en cuivre, dans les ateliers
du chemin de fer de Lyon. {Azière.)
Un tourneur fabricant de vis en cuivre, travaillant pêle-mêle
avec d autres ouvriers tourneurs de vis en fer. [Timalo- )
Quatre ciseleurs qui avaient arrêté leur travail, l'un (Clu-
neau)^ faute d'ouvrage, un autre {Servan), pour cause d'âge
et d infirmité, un troisième (5omaO, par vocation pour une
autre profession, le quatrième {Cerisier), par inconduite : sans
domicile, il avait été ramassé avec d'autres vagabonds dans
les tours a plâtre de la Villette.
Trois tourneurs, dont l'un {Giles) simple homme de peine
ourneur de roue, le second {Bonnassol) réfractaire avant fui
1 atelier, le troisième {Marizellc) vieillard impotent
Neuf fondeurs, dont trois hommes de peine, les deux de
Samt-Antoine dont il sera parlé {Pierry et Vanier) et un troi-
sième {Lebrun), tombé ivre mort et rapporté chez lui le lende-
main après toute une nuit passée à la belle étoile. un
apprenti de quatorze ans {Parent), qui ne faisait que les cour-
ses, trois individus ayant renoncé à leur profession {Sard, Lau-
rain et Massiel), un fondeur de suif [Dejardin], et le neuvième
.{Daiidinel), inconnu.
Sept Ijijoutiers, trois à qui l'â^e ou des infirmités ne permet-
taient plus de travailler [Courselle, Adline et Pral), un commis-
sionnaire pour la vente {PauleL), un autre occupé à faire la
place et qui ne travaillait à l'atelier qu'à ses moments perdus
{Lavaux), et deux inconnus Garth et Marillè.
Un lampiste qui faisait exclusivement les boîtes en zinc.
{Varlet.)
Un planeur qui avait troqué sa profession contre celle de la-
veur de devantures de boutiques. {Carlier.)
Deux polisseuses, de nom seulement, l'une concierge {Ca-
gnard), l'autre rentière. {Hirsch.)
Un graveur patron, en boutique. (Jacot.)
Un quincaillier, ne s'occupant que de taillanderie. {Lebœsque.)
Enfin un musicien trombone dans la ligne {ih" rég.), mais
retenu depuis près de cinq mois en prison. {Slœkel.)
Cette énumération nous donne un total de Z|5 ouvriers en
cuivre, à s'en rapporter à l'indication purement nominale
de la profession (nous venons de voir qu'elle est loin d'être
toujours justifiée), chiffre qui ne représenterait encore qu'une
proportion de 1 1/2 p. 1000, tandis que la population entière,
toutes professions comprises, donne la proportion de mortalité
cholérique, pour toute la durée de l'épidémie, de 3,7 sur 1000.
Mais, compte fait des erreurs matérielles d'indications, des
fausses affectations de la qualification d'ouvrier en cuivre, en-
fin des circonstances spécifiées qui détruisaient complètement
chez les uns, qui neutralisaient ou affaiblissaient chez les autres
la saturation par les émanations cupriques, c'est-à-dire les con-
ditions mêmes de l'immunité ou de la préservation cholérique,
suivant M. Burq, ce chiffre de /)5 se trouve en réalité réduit à
une dizaine environ, où se sont rencontrées effectivement à
divers degrés ces conditions. Ce ne serait plus alors la propor-
tion de 11/2 sur 1,000, mais |celle de 1 sur 3,500 qui repré-
senterait la mortalité cholérique des ouvriers en cuivre.
Passons maintenant au rapprochement de cette proportion
avec celle qu'ont donnée les diverses professions plus ou
moins similaires avec celles dont il vient d'être question. Dans
I
— 58 —
les divers entretiens que nous avons eus avec M. Burq sur ce
sujet, nous lui avions demandé plusieurs fois: mais connaissez-
vous la proportion de mortalité que donnent les autres profes-
sions? Cette question était trop naturelle pour que M. Burq ne
cherchât pas à la résoudre, sans qu'il fût nécessaire de la lui
indiquer. C'est ce qu'il a fait.
Voici les résultats de l'enquête qu'il a faite sur la mortalité
cholérique dans les diverses industries du fer, de l'acier, de
l'étain, du zinc, du plomb, du mercure, du verre, du bois et
de l'ivoire, comparativement à ceux qu'a donnés l'enquête sur
l'industrie du cuivre.
Les industries sur métaux autres que le cuivre, telles que la
chaudronnerie en fer ou en étain, les constructions mécaniques,
la forgerie, la serrurerie, la ferblanterie, la zinguerie, la plom-
berie, la fonderie en fer, la fonderie en caractères, la miroiterie
et la dorure, présentent ensemble un chiffre qui peut s'éle-
ver de 30,000 à 35,000. Eh bien, tandis que à peu près
même nombre d'ouvriers en cuivre fournissent un contingent
d'environ 10 décès pendant l'épidémie de 1865, les ^ou-
vriers des différentes indusiries qui viennent d'être énnmé-
rées lui ont payé un tribut de 155 décès. Mortalité, dans le
premier cas, de 1 sur 3,000, et dans le deuxième de L 2/5
sur 1,000.
Voici quelle est la proportion par ordre de professions simi-
laires :
1,000 chaudronniers emboutisseurs en cuivre ont donné
0 décès.
1,500 chaudronniers en feront donné 7 décès.
400 chaudronniers étameurs ambulants ou en boutique ont
donné 7 décès.
1,000 à 1,200 forgerons ont donné 17 décès.
Environ 1,300 à 1,500 ouvriers en cuivre, estampeurs, em-
boutisseurs et repousseurs à la recuite, autres que les chau-
dronniers, ont donné 0 décès.
350 au plus, repousseurs dans le zinc, en ont donné 3.
Environ 2,500 opticiens et constructeurs d'instruments de
précision en cuivre ont donné 1 décès (1 apprenti).
1,000 opticiens dans le verre en ont donné 5.
— 59 —
3000 à/i,000 ouvriers monteurs en cuivre et en bronze de
toute sorte ont donné 0 décès.
10 000 à 11,000 ouvriers serruriers ont eu 32 décès.
Un même nombre à peu près de mécaniciens, ajusteurs ou
tourneurs en fer, ont eu 33 décès.
11 000 orfèvres et bijoutiers en faux, facteurs d mslruments
de musique, lampistes, balanciers, fabricants de tubes et de de-
vantures de boutique en cuivre, ont eu 1 décès.
2,000 ferblantiers en ont eu 9.
• 1,000 plombiers en ont eu 6.
1,000 zingueurs en ont eu 6.
000 miroitiers en ont eu 3.
3,500 doreurs en ont eu 11.
Les polisseurs en cuivre (il est impossible d'en donner le
cbiCfre, même approximatif) ont donné 1 décès.
500 ouvriers dans l'acier poli ont eu h décès.
200 à 300 polisseurs et polisseuses de marbre ont eu 5 décès.
3,000 tourneurs en cuivre ont eu 3 décès.
1,000 tourneurs sur bois, os, ivoire, verre et jais, ont eu
1 0 décès. , .
2,500 fondeurs en cuivre et en bronze ont eu 1 deces.
1,500 à 1,800 fondeurs en fer en ont eu 7.
700 à 800 fondeurs.de caractères en ont eu 2.
800 à 1,000 graveurs sur cuivre ont eu 1 décès.
150 graveurs sur matrices d'acier en ont eu 1.
50 graveurs sur cristaux en ont eu 1.
Enfin, musiciens à instruments de cuivre, 0.
Musiciens jouant des autres instruments, 9.
Dans ce chiffre 9 figure un nommé Christian, petite flûte au
68« rég C'est le seul musicien qui, avec Stœkel, soit mort dans
toute la garnison de Paris. Un peu plus loin (enquête de 18/,9
et 1853), l'on verra que, dans les épidémies antérieures, les
musiciens de l'armée n'ont pas été plus maltraités...
Voici les noms et adresses des chaudronniers, des opticiens
et des fondeurs qui sont décédés Le sujet exige que la
porte soit ouverte à uné vérification :
CHAUDRONNIERS EN FER,
1. Azière, atelier du chemin de fer de Lyon
2. Boissmot. maison Hardevin, rue du Grand-Saint-Michel H
o. Devroete, au gazomètre de l'usine à gaz de Vincennes
U. bem, maison Normand, à la Chapelle.
Fournel, maison Rollet, rue du Faubourg-Saint-lIartin, m.
Gogenheim, maison Goin, à Batignolles.
7. Lambert, maison Cail, à Grenelle.
CHAUDRONNIERS, ÉTAMEURS AMBULANTS OD EN BOUTIQUE.
1. Delcour, en boutique, rue des Trois-Portes U
2. Jansen, en boutique, cour Saint-Philippe-du-Roule, 29
o. Gire en boutique, rue de Chabrol, 58 (Chapelle).
li. Vinclder, en boutique, rue Aumaire, 6.
5. Jaquet, ambulant, route d'Ivry, 3.
6. Joubin, ambulant, rue Cherroj', 3 (Batignolles)
V. Jouyet, ambulant, rue de Lévis, 18 (Batignolles)
Ce dernier est le seul qui figure sur les tableaux noso-
graphiques sous son véritable titre d'étameur.
OPTICIENS (dans le VERRe).
1
Coulman, maison Méchet, fabric. de Lentilles, à Plaisance
2. Goh.er, en boutique, 85, rue d'Orléans (Batignolles).
3. Leclère, maison Évrard, rue des Blancs-Manteaux, 83
k. Lepage, en chambre, rue du Parc-Royal, 10.
5. Mousset, rue Morand, 25.
fondeurs en fer ou EN FONTE MALLÉABLE.
1- Giry, maison Cail, à Grenelle.
2. Martin, idem.
S.'Laribe, 5, rue Houdart.
/(. Loubel, maison Piat, rue Saint-Maur.
5. Lefort, 8, rue de Meaux.
(3. Bonet, 55, rue des Amandiers-Popincourt.
7. Ueynold's, rue Péchoin, 1. . . V. B.
Nous bornerons là les faits empruntés à l'enquête de
M. Burq. Elle renferme d'autres renseignements qui ont aussi
leur part d'intérêt; mais pour ne pas compliquer la question,
nous les négligeons avec intention. Ces résultats tels quels, et
en supposant même qu'on en change un peu les rapports en
applitiuant aux diverses industries de la deuxième catégorie un
système d'élimination semblable à celui qui a été fait pour les
ouvriers en cuivre, sont encore assez frappants par le contraste
qu'ils révèlent pour provoquer une sérieuse attention. Que
l'on contrôle les faits groupés dans les recherches de M, Burq,
qu'on répète son enquête, toujours est-il qu'il y a là un fait
important à éclaircir. Nous n'avons entendu parler jusqu'à
présent que du fait de l'immunité ou de la préservation par le
cuivre. La question du traitement par les préparations cu-
priques, bien que s'y rattachant assez naturellement, en reste
à nos yeux, pour le moment, complètement indépendante et
tout entière réservée.
D"" Brochin,
rédacteur «n chaf.
[Gazette des Hôpitaux, samedi 9 juin 1865.)
Supplément aux articles de la Gazette des hôpitaux.
Parmi les documents envoyés à la Gazette, et dont notre ho-
norable confrère M. le D'' Brochin ne s'est point servi, il en est
quelques-uns que nous ne saurions passer sous silence.
Voici les principaux. Ceux relatifs à nos recherches sur les
épidémies de 18Zi9 et 185/i-55 sont en notre possession depuis
l'année 1856, et cependant à cette heure ils sont encore entiè-
rement inédits.
DOCUMENTS OFFICIELS.
1° Rapport de la coMMissiON du Choléra dk 1832.
La Commission de 1832 ayant opéré la classification des dé-
— 02 —
cédés d'après les mêmes éléments, tableaux nosographiques
ou bulletins de décès, qui nous ont servi à nous-même, ses sta-
tistiques devaient naturellement se ressentir de toutes les im-
perfections, erreurs, oublis ou confusions dans la désignation
de la profession que renferment ces documents.
C'est ainsi que dans la colonne des professions qui s'exercent
sur les métaux l'on trouve, confondus ensemble, 1° tous les
chaudronniers, 2° tous les fondeurs, 3» tous les tourneurs, les-
quels comptent, les premiers, pour 28 décès, les seconds pour
48, et les troisièmes pour 18.
Les fondeurs en caractères seuls sont mis à part.
Quelle était dans les décédés la proportion de véritables ou-
vriers chaudronniers, fondeurs ou tourneurs en cuivre? Impos-
sible de répondre autrement que par à peu près et par induc-
tion.
En 1865, suivant les actes de décès, on aurait pu rigoureu-
sement supposer que 49 ouvriers en cuivre avaient succombé
dans ces mêmes professions, savoir :
Dans la chaudronnerie j/^
Dans la fonderie . . ^ 21
Dans la tournerie -i /,
49
Or, les recherches faites par nous ont démontré que 6 ou 7
seulement, sur ce chiflre, c'est-à-dire environ 1/7, travaillaient
réellement dans le cuivre.
Admettons que les choses se soient passées à peu près de
même en 1832. Que resterait-il à porter au compte des ou-
virers en cuivre? Peut-être 8 ou 10 décès en tout..,. En veut-
on le double ? Qu'est-ce encore que le chiffre 20 ? la moyenne
de la mortalité ayant été, en 1832, de 1 sur 40 habitants !
Mais quittons l'hypothèse.
En dehors des professions designées ci-dessus, où la confu-
sion des métaux est si facile, il en est d'autres où, la spécialité
de la profession ressortant de sa désignation même, il ne sau-
rait être question que du cuivre ou du bronze.
Quel est ici le chiflre des décès poui' l'épidémie de 1832 ?
— 63 -
Dans la balancerie 0 décès.
Dans la l»bric(ue des bronzes »
(Plus la part afférente dans 16 ciseleurs et 18 tour-
neurs).
Monteurs ea cuivre • .• • • ' "
Lampistes ^ "
Fabricants de plaqué • • ^ "
Puis (mais ici, malheureusement, la confusion
recommence) :
Opticiens et lunetiers, ensemble ^' "
Estampeurs ; "
Facteurs d;inslruments de musique (en bois et eu
cuivre)
Quincailliers
Tandis que
Serruriers ont eu • •
Mécaniciens (alors à peine le tiers de ce qu'ils
sont aujourd'hui)
Charrons-forgerons ^'
Ferblantiers "
Cloutiers ■. ••• "
Doreurs et doreuses "
Tourneurs en bois! "
Et dans les professions prétendues respectées :
Tanneurs, corroyeurs, mégissiers, etc 53 »
Vidangeurs et égoutiers "
Parfumeurs • • ^ "
(Les usines à gaz n'existaient pas encore.)
Parmi les parties de la ville signalées comme le moins mal-
traitées, se trouvent précisément les quartiers à métaux : le
quartier Saint-Martin-des-Champs, qui est si tristement obstrué
de ruelles, cours et passages sans nom... la rue du Temple, la
rue Saint-Philippe, ou rue de Lape, etc., etc... Dans nos pré-
cédentes publications nous avions dit : « La Commission du
choléra nous a déjà donné, sans le savoir, gain de cause. »
Avons-nous eu raison ?...
23 »
- 6/, -
• ASSISTANCE PUBLIQUE.
2° Rapports de M. Blondel sur les choléras de 18/t9
ET DE 1853-5Zl DANS LES HÔPITAUX.
Épidémie de 1849. - Cholériques entrés danâ les hôpitaux
civils, Z,,340; ouvriers en métaux : hommes, 560 ; femmes 60
M. Blondel ne dit rien de plus.
Épidémie de 1853-54. - Décès dans le hôpitaux, non com-
pris les hôpitaux d'enfanls, 3,375, sur lesquels il y eut :
Serruriers ^2
Forgerons ^
Tourneurs sans désignation 26
Chaudronniers /,
Opticiens 2
Bijoutiers, orfèvres H .
Horlogers 3
Polisseurs et brunisseuses 82
(Les brunisseuses n'ont aucun droit à la préservation.)
Corroyeurs 3
Vidangeurs
M. Blondel a fait un peu plus, on le voit, pour l'épidémie
de 1854 que pour celle de 18/i9. Au lieu de mettre ensem-
ble tous les ouvriers en métaux il a commencé à les sépa-
rer; mais aucune distinction n'est établie en ce qui concerne
les tourneurs d'une part, et les polisseurs et les brunisseuses
de l'autre.
Les deux rapports de M. Blondel, si remarquables, du reste,
à d'autres titres, n'ont donc que très-peu de valeur au point de
vue de la question qui nous occupe, surtout si l'on considère
que les statistiques de l'auteur ne pouvaient embrasser qu'une
partie de la population, celle qui se recrute dans la clientèle
des hôpitaux.
PRÉFECTURE DE POLICE DE LA SEINE.
3" Travil de m. Trébuchet.
La préfecture de police, se trouvant en possession de tous
- 65 —
les bulletins de décès, était en mesure de tirer meilleur parti
de la statistique.
En 1849, l'administration n'avait rien fait qui pût éclairer
la question.
Mais après l'épidémie de 1854, en suite de nos recherches
sur la préservation des ouvriers en cuivre, M. Trébuchet, de
si regrettable mémoire, fit dresser un tableau spécial que
son auteur, M. Niquet, sous-chef actuellement à la Préfecture
de police, a bien voulu nous communiquer.
Nous en extrayons ce qui suit :
1» Professions à l'air libre (mariniers, cochers, voi-
turiers, charpentiers, briquetiers, vidangeurs, cor- nappon sur
diers, baigneurs, etc., etc.). ,
Population, 105,387. Décès cholériques, 2,350.... 22,19
2» Professions s'exerçant à domicile :
Population, 1,008,652. Décès, 5,962 5,91
Détail (le chiffre absolu des décès n'est point indiqué) :
Journaliers 44,84
Professions exercées auprès des malades 36,01
Dito dito sur les animaux 12,42
Dito dito sur le fer 8,15
Dito dito sur le bois 7,85
. Dito dito sur le plomb 7,62
Dito dito sur métaux précieux 6,59
Ici l'auteur a mis ensemble tous les orfèvres et et bijoutiers.
Professions libérales 6,14
Dito sur le cuivre ^'22
Dito sur les produits animaux ^1,20
Les professions sur le cuivre viennent, on le voit, tout à fait
à la fin, à égalité, moins deux centièmes d'unité, avec les pro-
fessions sur les produits animaux : en outre, notons bien ceci,
que, dans l'évaluation, sont confondus hommes, femmes et
enfants vivant de la profession, et que d'autre part dans le
nombre des décès qui ont servi à établir ce cliiifre proportioor
nel de 4,22, figurent les brunisseuses qui, nous l'avons dit,
n'ont îi la préservation aucune espèce de droits, et qui, réu-
— Gé-
nies aux polisseurs, paraissent, d'après M. Blondel , avoir
donné plus de décès que toutes les autres professions sur mé-
taux ensemble.
ARCHIVES DE LA VILLE.
4° Relevés faits par nous-même sur les tableaux nosographiques,
UNE première fois EN 1856, et tout récemment encore a l'occa-
sion de nouvelles recherches relatives a la préservation des
musiciens.
PROFESSIONS,
Chaudronniers, sans autre désignation . . . .
Opticiens, idem.
Facteurs d'instruments de musique
Balanciers
Fabricants de bronzes et appareils à gaz..
Monteurs et limeursi^"''"'^^^°"^° ^^°°^e-
(sans désignation
Tourneurs
(sans désignation.
Fondeurs j^" '^"'^^e
(sans désignation.
Polisseurs '^'^'^''^
(sans désignation.
Ciseleurs, sans autre désignation
Lampistes.
Estampeurs
Bijoutiers, sans désignation
Orfèvres, idem
Horlogers, idem
DÉCÈS CHOLÉRIQUES
EN 1849.
3
10
11
6
3
1
Musiciens de l'arméeS '"struments de oui vre.
(sans désignation
38
27
5
17
4
' Le relevé n'a
point été fait
pour 4849.
28 122
l.")0
EN 1853-54
o — '
en T,
t2 i;
4
20
13
8
2
2
2
17
3
10
95
101
I
— 67 —
Occupons-nous d'abord des ouvriers, les musiciens viendront
après.
Dans le tableau ci-dessus ont été mis hors cadre :
>in • V ( 8 âgés de moins de 10 ans.
Pour 18^19, 10 mdiv. „ " , , .
1 2 — de plus de 70 ans.
Pour 1853, 7 indiv. i k âgés de moins de 10 ans.
— 1854, I 3 — de plus de 70 ans.
Donc sont morts du choléra, suivant les tableaux noso'
graphiques :
\ 28 ouvriers en cuivre.
( 118 ditode prof. douteuses parrapportau cuivre.
146 au total.
En 1849,
En 1853, ) 5 ouvriers en cuivre,
— 1854, \ 93 ditode professions douteuses.
98 au total.
La mortalité cholérique a été :
En 1849, de 1 sur 51 habitants.
Et en 1854, de 1 sur 112 habitants.
Si tous les décédés ci-dessus avaient exercé leur profession
sur le cuivre, la préservation serait donc encore des plus évi-
dentes, car, à mortalité égale, tout compte fait, nous devrions
avoir au total plus du double.
Mais sur le chiffre de 28 ouvriers en cuivre, qualifiés tels,
d'une part, et sur celui de 5 d'autre part, combien y en avait-il
en activité de travail au moment où ils furent pris par la mala-
die? Tous étaient-ils bien restés fidèles à leur profession? IN 'y
avait-il eu aucune erreur commise dans la désignation de la pro-
fession sur l'acte de décès, et n'avait-on pas pris ici, comme à
Saint-Antoine, des tourneurs de roue, par exemple, pour des
tourneurs en cuivre, des hommes de peine de la fonderie pour
des fondeurs véritables?
Puis dans les chaudronniers, sans autre désignation, comme
toujours, combien de chaudronniers en cuivre, ou seulement de
chaudronniers en fer ou à l'étain ?
— 68 —
Dans les tourneurs, monteurs, ciseleurs, polisseurs et fon-
deurs, combien qui tournaient, montaient, ciselaient, polis-
saient et fondaient le cuivre et le bronze ?...
Dans les estampeurs, les bijoutiers, les orfèvres, combien
aussi avaient affaire à ce métal ?,..
Nous nous mîmes alors à faire à domicile une enquête sem-
blable à ce-lle de cette année. Malheureusement nous étions
déjà trop éloignés, même pour 185/|, de l'époque épidémique
pour que nos démarches pussent aboutir à un bon résultat; et
c'est à peine si, après avoir battu le pavé pendant plus de deux
mois (le seul pointage sur les tableaux nosographiques nous
avait pris déjà presque quatre semaines), nous étions parvenu
à retrouver quelques traces de la profession. Quant aux rensei-
gnements, que nous avions tout d'abord espérés, sur les circon-
stances qui avaient pu atténuer, ou même annihiler la préser-
vation chez un certain nombre, dès les premiers jours, nous
avions acquis la certitude qu'il était impossible de les obtenir.
Deux fois cependant, nous eûmes sur ce point satisfaction, on
va le voir, car, quelque incomplets qu'ils soient, nous allons
donner les résultats de notre enquête.
3° Enquête sur les épidémies de 1849 et de 1853-54. — spé-
cialité DE LA PROFESSION DES OUVRIERS DÉCÉDÉS DANS LES PRO-
FESSIONS QUALIFIÉES DE DOUTEUSES.
CHOLÉRA DE 1849.
CHOLÉRA DE 1853-54.
Chaudronniers
11.2 étameurs, raccom-
modeurs.
i en boutique.
8 inconnus.
7. 2 étameurs raccom-
modeurs.
1 homme de peine.
1 de 17 ai;s dans le
cuivre.
3 inconnus.
Opticiens
C. 1 marchand ambulant
3. 1 dans le verre.
2 inconnus.
lunetier.
1 dans le verre.
4 sans renseignements,
dont un SgédclSans
et l'autre de 17.
69 —
Facteurs d'instrum"
de musique
CHOLÉRA UE 1849.
3. 1 pistonnier.
2 inconnus.
Balanc.ers 1. 1 inconnu
Fabricants de bronzes
et appareils à gaz.
Monteurs et limeurs.
3. 1 patron.
'2 inconnus.
6. 1 en pendules.
5 sans renseignements,
dontun àgédelSans
et l'autre de 17.
CHOLERA DE 1858-54.
1. 1 fabricant [de bas-
sons.
1. 1 monteur et ajus-
teur.
1. i inconnu.
4. 1 boîtes de lampes en
fer-blanc.
1 appareils à gaz.
1 pris dans le cours
d'une petite vérole.
1 inconnu.
Tourneurs.
38 . 9 sur bois ou sur or.
1 sur fer.
1 tourneur de roue,
homme de peine.
6 sur cuiwe.
21 inconnus.
Fondeurs 27 . 3 en caractères.
3 en fer.
4 en cuivre.
18 inconnus.
Ciseleurs 17. 2 sur or.
1 sur bronze.
14 inconnus.
Polisseurs 5. 2 sur acier.
1 sur acier et or.
1 polisseur à la brosse.
; 1 inconnu.
Estampeurs
TOTAI 107 62
13 sur cuivre ou bronze.
27 sur d'autres matières.
67 inconnus.
20. 9 sur bois ou sur or.
1 sur zinc (composi-
tion).
2 sur cuivre, mais un
qui ne travaillait
plus pour cause de
phthisie.
8 inconnus.
13. 2 en fer.
1 ne travaillant plus.
3 en cuivre.
7 inconnus.
2. 1 sur bronze.
1 inconnu. . '
8. 1 de baleines.
1 de glaces.
1 de peignes.
1 sur acier.
1 sur cuivre.
3 inconnus.
2. 1 plaques de schako
(cuivre).
1 inconu.
1 —
22 —
39 —
— 70 —
1/3 des ouvriers non spécifiés appartenait, on le voit, à des
professions sur le cuivre. Admettons que dans les inconnus il
y.eut ja même proportion d'ouvriers en cuivre; nous arrive-
rons à un total de 63 pour 18^9, et de 29 pour 1853.
Parmi ces hommes n'y a-t-il eu aucune non-valeur pour
chômage, pour suspension de la profession, pour fausse indi-
cation, pour grave imprudence commise, etc. ? Admettons-le,
quoique l'enquête dont nous avons rendu compte précédera-^
ment nous ait démontré que cela ne saurait être. Acceptons
d'un autre côté que le total des ouvriers dans les professions
correspondantes n'était que de 15,000 et nous aurons pour ces
professions, quoi? Pour 1849, une mortalité de 1 sur 240 au
heu de 1 sur 51. Et pour 1853-54, de 1 sur 525, au heu de
1 sur 112 !...
Les serruriers seuls avaient eu 157 décès en 1832 et en 1849,
non compris ceux à domicile, ils en ont eu 42 !...
Musiciens. La question relative à la préservation des musi-
ciens, qui jouent dans les instruments de cuivre, s'étant pré-
.sentée cette année seulement, c'est-à-dire beaucoup trop tard
pour que nous pussions songer un seul instant à remonter*»
pour les musiciens civils morts du choléra, jusqu'à 1854 et
moins encore à 1849, ne pouvait trouver une solution que
dans la mortalité afférente aux hôpitaux militaires.
Nous nous sommes tout d'abord adressé au département de
la guerre, pour avoir le chiffre et la qualité des musiciens décé-
dés dans les diverses épidémies. L'intendance, nous ne saurions
trop l'en remercier, s'est empressée de faire des recherches en
ce sens, mais au moment de nous en adresser les résultats,
son bon vouloir s'est tout à coup trouvé paralysé par un refus
DE coMMUNiQUEn, parti d'où?... Du conseil supérieur de santé!...
Alors nous avons dû reprendre le chemin des archives de la
ville, pour y procéder à un nouveau dépouillement des tableaux
nosographiques. Au bout de huit jours de ce travail écœurant,
nous étions arrivé à ceci, que, dans les diverses épidémies de
choléra, sont morts, dans toute la garnison de Paris, 12 musi-
ciens ou clairons, savoir :
En 1832 2
— 71 —
Sougelas, musicien au 16« ligne
Fay,
l8/t9.
Rompleau,
Cochet,
Kasller,
Marquis,
id.
id.
id.
id.
id.
au hO" ligne,
au léger,
au 27= ligne,
au 57« ligne,
au 59« ligne.
1853-5Zi... 3
1865,
Daidy, élève musicien au 68« ligne.
Roussette, musicien au 15" ligne.
Hennequin, id. au 8« léger.
Roubinede , clairon au 22« ligne.
Christian, musicien au G8« ligne.
Stœkel, id. au W ligne.
Total.
12
Retranchant les deux derniers, savoir : Christian, parce qu'il
jouait de la petite tlûte, et Stœkel, parce qu'il a été pris au bout
de k mois et 27 jours de prison continue, restent 10 musiciens
ou clairons, en tout, pour les k épidémies; mais, sur ce chiffre
10, combien y en avait-il qui, comme Christian, jouaient dMn
instrument en bois ? Nes'en trouvait-il point ensuite quelques-uns
qui, lorsque la maladie est venue les atteindre, étaient tempo-
rairement en non-activité de service, soit pour une peine disci-
plinaire, comme Slœkel, soit pour cause de maladie ou autre?
Nous avons écrit à ce sujet aux colonels, majors ou chefs
de musique des régiments indiqués, et tout ce que nous avons
pu apprendre, c'est que l'un des décédés, Kasller, du 57% jouait
de la clarinette, et qu'un autre, Daidy, qui jouait du cor, était
en non-activité. Admettons que tous les autres fussent des musi-
ciens dans les instruments de cuivre et n'eussent rien fait pour
se mettre hors de la préservation, nous aurons donc à noter
8 décès (8 exceptions) sur 2,861 qui ont eu lieu dans toute la
garnison, savoir :
En 1832 837
\m ^329
1853-5it 509
1865 186
Total
2861
— 72 —
Des recherches faites par nous en 1857, dans les hôpitaux
m. itau-es, concernant la mortalité des musiciens par phthisie
pulmonaire, et faites vrècisèmenl avec autorisation spéciale Z
oonseUcle santé, nous avaient obligé de nous occuper déjà de la
proportion c,u. existe entre les musiciens et les clairon et les
autres hommes de l'armée. (Nous ne parlons pas des trom
pettes, qui, comptant pour peu dans la garnison de Paris ne
jouant presque jamais qu'à cheval et toujours fort peu de
temps de suite, ne sauraient en rien légitimer le rapproche-
ment que nous avons dû faire des clairons avec les musiciens )
Cette proportion est à Paris, en temps ordinaire, environ de
1 à 25 ; mais adoptons, pour plus de sûreté, le nombre 30 au
heu de celui de 25.
A mortalité égale, c'est donc 95 décès, au lieu de 8, que nous
devrions avoir dans les musiciens et clairons. Notom en pas-
sant qu à 1 hôpital militaire de Versailles, sur 83 décès cholé-
riques qui y ont eu lieu, 65 en 18Z,9 (en 1832 l'hôpital n'exis
tait point encore), et 18 en 1853-5^, ne figure^oint de musicien
•Quant aux musiciens civils, de profession, tous les facteurs
d instruments, tous les chefs de musique que nous avons con-
sultes sont unanimes pour affirmer qu'à part une ou deux
exceptions, en 18/.9 et en 1854, ils ont joui toujours d'une par-
faite immunité. Notre dernière enquête justifie, en ses résultats
cette affirmation, car sur 9 musiciens civils, morts l'an dernier
du choiera, pas un ne jouait dans les instruments de cuivre.
PRÉSERVATION A DISTANCE.
■ IMMUNITÉ SINGULIÈRE OBSERVÉE DANS LA VILLE d'aUBAGNE.
A propos de la préservation que nous avons appelée à dis-
tance nous avions l'honneur d'adresser, le 26 février dernier à
Académie des sciences une note de laquelle nous extrayons
les lignes suivantes :
« L'Académie a reçu, dans sa séance du 30 octobre, par la
bouche de M. le professeur Velpeau, une communication de
M Cassiano de Prado, de laquelle il résulte que, dans une loca-
lité d une population de 2,000 âmes, où se trouvent des mines
— 73 —
de cuivre, donnant lieu pour leur exploitation à un grillage
incessant de pyrites de ce métal, aucun cas de choléra ne s'est
manifesté, quoiqu'il ait sévi avec violence dans les localités
voisines.
(, La possibilité du fait, a dit M. Velpeau, à cette occasion, ne
peut point être niée, mais il s'en faut qu'un fait pareil puisse
être admis comme démontré par celte seule preuve. Lyon, ville
peu hygiénique en apparence, est restée indemne du. choléra
jusqu'ici, de même 7 autres départements de la France, de
même Versailles (1), de même etc. Pourquoi? Pourquoi? Eh!
mon Dieu, peut-être pour quelque cause semblable à celle
qu'a prétendu signaler l'honorable M. Cassiano de Prado, lors-
qu'il a parlé d'émanations cuivriques.
« Exemple. — Dans la nomenclature des villes préservées,
l'éminent professeur a omis de citer une localité, dont la pré-
servation constante est, s'il se peut, plus remarquable encore
que celle de Lyon, située qu'elle est entre ces deux malheu-
reuses cités de Marseille et de Toulon toujours si cruellement
frappées, et si bien sur le chemin de l'une comme de l'autre;
qu'à chaque épidémie nouvelle on y vit émigrer Marseillais ou
Toulonnais, suivant le cas. Aubagne est le nom de cette ville :
nous en avions beaucoup entendu parler à Toulon. En revenant
sur Paris, nous nous y arrêtâmes. Informations prises à bonne
source, aussitôt notre arrivée, nous apprenons qu'en effet la
réputation d' Aubagne n'était point usurpée, qu'elle n'avait
jamais trahi, comme Versailles, la confiance de personne, et
que, tout récemment encore, alors que le choléra sévissait à
Cassis et autres lieux d'alentour, la préservation des nouveaux
venus, comme de ses habitants fixes, y avait été complète.
« Le lendemain au matin, tout préoccupé encore de ce qui
nous avait été dit la veille au sujet de cette si persévérante im-
munité, nous nous en allions à l'aventure par cette ville, dont,
après Toulon,- il était bien permis d'aimer à fouler un instant
le sol privilégié, lorsque soudain nombre de fourneaux, entre-
(1) La préservation de Versailles n'est rien moins que démontrée, à en
juger, du moins, par les décès (65, en 1849, et 18, en 1854) qui ont eu lieu
à l'hôpital militaire' de cette ville.
- 7Z, -
tenant tout alentour comme une ceinture de fumée attirent
nos regards. Ces fourneaux, nous les reconnaissons sans peine
pour les cheminées de fours à poterie. Nous nous approchons
machmalement des plus voisins, et sous les hangards, dans les
cours et jusque sur le pré ou sur le champ voisin, partout
nous voyons cruches et pots par milliers. La forme en est par-
fois étrange et des plus primitives... Il paraît que le commerce
de Marseille, qui en exporte pour plusieurs millions de francs
par année, en Asie et en Afrique, ne saurait en accepter d'autres-
mais ce qui nous frappe surtout, c'est une certaine coloration
vert hleu qui tapisse les parois d'un très-grand nombre. Nous
interrogeons là-dessus un patron qui, sans mystère et sans se
faire prier, nous apprend, en la forme -provençale, que la cou-
leur qui nous occupe si fort est tout simplement le produit
d un email de cuivre, dont lui et tous ses confrères en poterie
de la localité font usage concurremment avec les émaux de
plomb.
« Ainsi donc Aubagne toujours préservée du choléra, mal-ré
qu'elle ait avec Marseille un voisinage - elle n'en est distante
que de 17 kilomètres - qui a été si fatal aux autres parties
de la contrée, malgré l'invasion, à chaque nouvelle épidémie
de milliers de personnes accourues des centres infectés a con-
stamment dans les nombreux fours à poterie qui l'entourent
des émaux de cuivre nuit et jour en fusion, sur une très-grande
surface!...
^ « Qu'on y prenne garde, nous n'affirmons rien, et peut-être
n y a-t-il là qu'une simple coïncidence; mais enfin, ces réserves
taites, qui oserait nier la valeur du fait rapproché de tous les
cas semblables qui ont été cités ?
« Que si l'on nous demande quel a pu être le rôle de ces
émaux, par rapport aux miasmes cholériques..., nous répon-
drons humblement que nous n'en savons absolument rien...,
et que la chimie, interrogée ici. saurait encore bien moins ré-
pondre que par la bouche si autorisée de M. Chevreuil, cher-
chant, en présence de l'Académie, la clef de l'énigme posée par
M. Cassiano de Prado, en sa communication du 30 octobre.
« En conséquence, nous nous bornons à enregistrer le fait,
et nous terminerons en disant qu'un jour viendra aussi sans
doute où, le hasard se mettant encore de la partie, quelque
observateur nullement dédaigneux des petites causes sous les-
quelles se cachent si souvent de grands effets, soulèvera un
coin du voile qui recouvre la préservation si remarquable de la-
ville de Lyon, préservation qui pour tous, cela est vrai, n'a
point cessé d'être un mystère. »
DE QUELQUES FAITS QUI ONT ÉTÉ CITÉS EN OPPOSITION
DES NOTRES.
RÉPONSE A NOS CONTRAUICTEURS.
Sous ce titre : Résistances, il y aurait à fairç tout un long
et curieux chapitre sur les diverses phases d'opposition, sous
toutes les formes, que la métallothérapie a traversées de-
puis dix-huit années qu'elle a pris naissance. Ce chapitre,
nous l'écrirons peut-être un jour, ne fût-ce que pour l'édi-
fication et l'expérience des confrères qui pourraient se sentir,
eux aussi, à leurs débuts, quelques velléités d'indépendance.
« Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, » nous rap-
pelait, au lendemain de nos actes probatoires, un maître,
célèbre entre tous, qui avait appris de son côté ce qu'il peut
en coûter de trop prendre à la lettre ce mot de liberté inscrit
en tête de la profession médicale.
Mais passons...
Dans notre mémoire aux Académies, nous disions, il convient
de le rappeler ici :
« J'atfirme de nouveau et plus énergiquement que jamais la
préservation spontanée chez l'immense majorité des ouvriers
qui, dans les diverses épidémies de choléra, au moment même
où 'sévissait la maladie, se sont trouvés soumis par leur travail
à une absorption permanente de cuivre réduit à l'état de pous-
sière très-ténue, — j'ajoute aujourd'hui : sans mélange ni alter-
nance de poussières de fer ou d'un autre métal réducteur des
oxydes ou sels de cuivre. CDntre cette préservation, je défie qm-
conque de venir s'inscrire en [aux. Je ne demande pas d'autre
bénéfice d'exception que celui que Jenner eût pu invoquer
— 76 —
lui-même, comme, par exemple, les cas de petite vérole que
LTcinés '"^'^'dus cependant bien et dûment
Le lecteur sait maintenant à qui s'adressait particulièrement
notie défi. De ce coté, silence absolu, nous l'avons dit en com-
mençant, et pas un des faits opposés en 1853 avec tant de
succès à notre enquête, n'est encore sorti des limbes adminis-
tratifs. Aurait-il été reconnu tardivement que ces faits, en pré-
sence surtout de nos nouvelles affirmations que rien n'était
.venu m démentir ni contredire, n'avaient point une valeur suf-
fisante, et notre éminent contradicteur, animé sans doute d'une
foi non moins robuste que la nôtre mais en sens contraire
a-t-.l attendu que l'épidémie que nous venons de traverser lui
fourmt les moyens de se donner raison?.. Dans ces derniers
mois, en faisant notre enquête, nous nous sommes trouvé plu-
sieurs fois sur les pas d'un médecin qui paraissait se livrer aux
mêmes recherches... Quel était le nom de ce confrère ? On
na pomt su nous le dire... D'où venait-il?... Il était porteur
nous dit-on, de références sur grand format avec estampille de
grand module. Quel était son but? 11 prenait si peu soin de le
dissimuler que plusieurs des industriels visités, comme s'ils
s étaient donné le mot, l'ont caractérisé de la sorte • « votre
antagoniste. ,, Qu'a-t-il trouvé? Rien, presque toujours, que des
croyants ou même des apôtres de la préservation du choléra
par le .mivre, apôtres parfois si fervents, qu'il s'en est suivi
certains démêlés qui seraient bouffons, si, au fond de tout cela
Il n y avait quelque chose de fort triste : le parti pris de Taire
obstacle quand même à une vérité nouvelle qui porte pciU-élrc
en elle la solution du terrible problème.... S'il en est autre-
ment, nous ne saurions plus tarder bien longtemps à le savoir
car le confrère anonyme dont nous voulons parler compren-
dra sans doute que, s'étant présenté au nom d'un intérêt pu-
blic. Il n'a point le droit de se taire sur les faits qui lui ont été
révélés.
Voyons ailleurs.
Dans les premiers mois de l'année, il a paru inopinément,
venant de l'hôpital Saint-Antoine, une double attaque contre
notre système.
— 77 -
Voici la première.
Elle a eu tous les honneurs : communication à la société des
médecins des hôpitaux de la Seine, présentation à l'Institut,
insertion dans les archives générales de médecine, etc., etc.
« Les recherches faites dans les épidémies de 18:.9 et 1853-5ii,
ont conduit à penser que certaines professions avaient le pri-
vilège d'échapper au choléra; les ouvriers en cuivre ont notam-
ment été considérés comme jouissant d'une immunité à peu
près complète. Le cuivre, envisagé comme agent préventif du
choléra, n'a pas tardé à devenir un antidote du poison cholé-
rique, et ses succès ont été proclamés bien haut dans l'épidé-
mie actuelle.
« En face d'une question aussi importante, qui s'annonce
comme devant donner la solution complète du problème, pré-
serverel guérir, il est du devoir de chacun d'apporter le tribut
de ses observations.
(( ]e n'ai point fait usage des préparations de cuivre dans
une mesure assez étendue, pour être en droit de louer ou de
blâmer cette médication, car elle n'a été administrée qu'à trois
de mes malades; tous trois ont succombé; mais il est vrai de
dire qu'ils étaient arrivés à l'algidité complète presque as-
phyxique. Les résultats de ma statistique s'expriment plus
catégoriquement quant à l'immunité des ouvriers en cuivre,,
attribuée à l'influence heureuse de leur profession.
« Sur 213 malades, j'ai compté 8 ouvriers en cuivre. Quelque
petit que puisse sembler ce chiffre, il ne doit point passer ina-
perçu, puisque ces ouvriers sont relativement peu nombreux,
si surtout on néglige les professions qui ne travaillent le cuivre
que par circonstance, telles que horlogers, ciseleurs, mécani-
ciens, pour ne compter que les fondeurs et polisseurs.
Ces 8 malades sont :
« 1° Martin, 58 ans, polisseur en cuivre depuis 7 ans. Début
brusque du choléra. Entré mourant. Mort 12 heures après le
début.
« 2" Marchais, 53 ans, tourneur en cuivre depuis /lO ans.
Choléra après k jours de diarrhée prémonitoire. Algidilé com-
plète à l'entrée. Mort 30 heures après son entrée.
« 3" Giles, 35 ans, tourneur en cuivre, homme très-robuste.
— 78 —
Début brusque. Apporté mourant. Mort 21 heures après le
début.
« 4° Hamouy, 51 ans, tourneur en cuivre. Diarrhée séreuse
épidémique. Guéri.
« 5° Kurtz, 24 ans, fondeur en cuivre. Début brusque, alci-
dité incomplète. Guéri.
« 6° Pierry, 30 ans, fondeur en cuivre. Début brusque sans
diarrhée prémonitoire, algidité complète. Mort.
« 7° Vanier, 28 ans, fondeur en cuivre depuis quelques se-
mâmes. Choléra léger après 3 jours de diarrhée prodromique
Mort. ^
« 8» Marchandé, 40 ans, monteur en cuivre. Début brusque
sans diarrhée, algidité complète. Guéri.
« Le début brusque du choléra, sans diarrhée prémonitoire
chez 5 de ces malades, et le chiffre relativement considérable
de la mortalité, prouvent l'intensité du mal et l'impuissance de
tous les moyens thérapeutiques mis en œuvre. 5 sont morts
sur 8, et tous ont succombé dans la période algide. Si les rele-
vés statistiques des autres hôpitaux viennent grossir ce chiffre
dans la même proportion, les qualités préventives du cuivre ne
seront plus qu'une espérance déçue, et ses propriétés cura-
tives seront du même coup fortement ébranlées en perdant la
base qui a servi à les édifier. »
(Extrait des Archwes générales de médecine, numéros
de février et mars.)
C'est tout de suite, dès la deuxième page du mémoire, que
ie feu s ouvre. ^
Mais quel est donc l'auteur qui se montre si empressé de
courir sus à la métallothérapie, el qui semble avoir si bien pris
a tache d'en faire oublier l'inventeur, que son nom, comme s'il
ne 1 eut jamais connu, ne lui vient pas une seule fois sous la
plume? Quel est aussi le médecin qui, ayant sous sa direction
tout un important service d'hôpital, ne consent à faire usage
des sels de cuivre que dans trois circonstances, sur des cliolé-
nques aUjides, et probablement aussi aux doses faibles de 10
ou 15 centig., exclusivement conseillées par M. le docteur Lisie
el qui ne trouve point une seule fois l'occasion d'employer (dù
moms II ne le dit pas) ces applications de cuivre, déclarées si
— 79 —
souverainement efficaces contre les crampes par l'un de nos
maîtres les plus vénérés?. C'est un médecin de notre temps,
un de nos plus anciens camarades, dont la main s'était encore
trouvée, quelque temps auparavant, à mi-chemin de la nôtre,
M. le docteur Mesnet. C'était, si nous avons bonne mémoire,
vers les premiers jours de novembre qu'eut lieu notre ren-
contre. La moisson relative aux ouvriers en cuivre était alors
à peu près terminée à Saint-Antoine. M. Mesnet ne nous en
dit mot. Pourquoi une discrétion si complète? Pourquoi ne pas
nous avoir averti? Avisé en temps utile, noas eussions été, nous,
aux renseignements, nous aurions procédé, comme toujours, à
une enquête sérieuse, et le lecteur impartial en nous lisant ici,
tout à l'heure, comme dans la Gazette des hôpitaux du U avril,
où a déjà paru notre réponse, n'aurait point à se dire que notre
confrère de l'hôpital Saint-Antoine a perdu là une bien belle
occasion de réserver son zèle scientifique pour une meilleure
cause.
Les attaques contre le cuivre ne sont point parties seulement
du service des hommes à l'hôpital Saint-Antoine. Dans les salles
des femmes on avait aussi l'œil ouvert, il paraît, sur les entrées,
et l'interne du service, aujourd'hui reçu médecin, n'a point
manqué de saisir au passage deux ouvrières qualifiées, à leur
arrivée, l'une de polisseuse en cuivre, et l'autre de dècoupeuse de
rouages en cuivre. Ces deux malades, l'auteur les a présentées,
dans sa thèse inaugurale, comme destinées à donner le dernier
coup à notre système. Ici nous ferons grâce au lecteur de l'ar-
ticle où M. X... pourfend en une forme qui lui est propre et
avec des arguments- à lui, « la théorie malheureuse qui devait
crouler devant l'évidence, etc. » Si nous le citions, il nous faudrait
y répondre, et nous n'avons aucune expérience des armes dont
paraît aimer à se servir notre jeune confrère. Nous ne retien-
drons de son argumentation que les noms des deux ouvrières
citées. Dans l'enquête qui va suivre l'on verra quelle était en
réalité leur profession.
— 80 —
3° ENQUÊTE SUR LES MALADES DE l'hOPITAL SAINT-ANTOINE.
« Dans notre Revue clinique du 2k mars dernier, en rappor-
tant, à propos de la relation de l'épidémie de choléra à l'hôpital
Saint-Antoine, la proportion, par rapport aux diverses profes-
sions, des ouvriers en cuivre qui avaient été atteints du cho-
léra, nous avons particulièrement signalé ces faite à l'attention
de notre confrère M. le docteur Burq, afin de lui fournir l'oc-
casion d'examiner lui-même de près ces faits et de leur appli-
quer le système d'enquête auquel il soumet tous les faits de ce
genre,
« M. le docteur Burq n'a pas manqué de répondre à notre
appel, et voici la réponse qu'il y fait. Nous la reproduisons,
sans rien préjuger sur les conséquences à en déduire, et dans
l'unique but de servir à la recherche de la vérité.
« D"" BROCHIN. »
Je viens répondre à votre appel du samedi 24 mars.
■ Je touchais presque à la fin de ma nouvelle enquête, — ceux
qui ont jamais essayé d'entreprendre semblables recherches
sur cette population nomade et souvent sans feu ni lieu dont
se compose une grande partie de la classe ouvrière de Paris,
en comprendront seuls toutes les difficultés; — et déjà je ne
songeais plus à mes fatigues que pour mieux en savourer tous
les fruits, lorsque m'est arrivé le numéro de la Gazetle des
hôpitaux où il est dit que sur 357 cholériques {22k hommes et
133 femmes) reçus dans l'hôpital Saint-Antoine on aurait noté
8 ouvriers en cuivre dont 4 seulement guéris... (c'est en réa-
lité 11-et non pas 8).
11 ouvriers en cuivre sur 357 entrées!... c'était quelque chose,
et bien qu'à tout prendre il pût n'y avoir dans ce fait qu'une
de ces coïncidences fortuites qui ont nom de séries cjans le
langage clinique, coïncidence à la rigueur possible, à cause du
grand nombre d'industries sur le cuivre dans les arrondisse-
ments que dessert cet hôpital, mais qui en aucun cas ne pou-
vait donner lieu à très-grande surprise, puisque dans mes
publications antérieures j'avais, qu'on ne l'oublie pas, noté
moi-même nombre d'exceptions, dont 8 en 18Z|9 pour la seule
^ 81 - •
fonderie de cuivre ; cependant la chose prenait de la gravité (1).
J'ai repris aussitôt le chemin de ce faubourg Saint-Antoine
que j'avais déjà tant de fois en tous sens sillonné: ^e suis allé
au domicile et ;\ l'atelier de tous les ouvriers indiqués comme
ayant fait échec à la préservation cuprique ; j'ai recueilli sur
leur compte les renseignements les plus circonstanciés, et ce.
sont les résultats de celte petite enquête, annexe de la grande
que j'ai dite plus haut, que je viens vous apporter. ^
En lisant les faits annoncés en opposition des nôtres, vous
vous étiez dit sans doute, monsieur le rédacteur, que dans cette
publication, rien n'avait dû se faire à la légère, et que très-cer-
tainement ce n'était qu'après informations recueillies à bonne
source, qu'avaient parlé des hommes élevés dans le respect de
tous les droits, ceux des auteurs aussi bien (^ue ceux de la
science, et qui n'ignoraient point, d'ailleurs, qu'il y avait tout
auprès des oreilles grandes ouvertes pour les entendre.
Eh bien ! lisez, monsieur le rédacteur, et jugez; et si, chemin
faisant, le sentiment de ce (\m est juste en vous quelque peu se
révolte, comptez ce que je dois, moi, faire d'efforts pour em-
pêcher qu'en ces lignes il n'éclate.
L'hôpital Saint-Antoine a reçu, dans le dernier choléra,
9 hommes qualifiés d'ouvriers en cuivre, plus 2 femmes por-
tées sur le registre des entrées, l'une comme polisseuse, l'autre
comme déco'upeuse. En tout 11 malades sur lesquels 5 sont
décédés, et 6 ont guéri, savoir :
Décédés :
1° Giles, trente-cinq ans, tourneur en cuivre, demeurant rue
des Tournelles, 26;
2° Pierry, trente ans, fondeur en cuivre, impasse Godelet,
16 bis;
3° Vanier, trente-huit ans, fondeur en cuivre, faubourg Saint-
Antoine, 116;
(1) La fonderie de enivre, il est vrai, est loin d'Ctre des mieux placées
dans réchellc de préservation, et h l'époque où ont été faites nos premières
recherches, nous ne savions encore faire nous-méme aucune différence
entre les simples hommes de peine et les véritables ouvriers de cette indus-
trie. .
— 82 —
ti° Martin, cinquante-huit ans, polisseur en cuivre, rue de
Montreuil, HO ;
5° Marchais, cinquante-trois ans, tourneur en cuivre, im-
passe Boutron, 11.
Guéris :
1° Hamouy, cinquante et un ans, tourneur en cuivre, rue
Popincourt, 15 ;
2° Marchandé, quarante ans, monteur en cuivre, rue de Mon-
treuil, 9 ;
3" Kurts, vingt-quatre ans, fondeur en cuivre, rue des Aman-
diers, ih;
k° Brœker, trente-deux ans, fondeur en cuivre, rue Louis-
Philippe, 9.
5° Angellause, quarante ans, polisseuse, cité Popincourt, IG.
6" Berthé, dix-sept ans, découpeuse, cité Popincourt, 22.
Voici maintenant, en aussi peu de mots que possible, l'his-
toire de chacun de ces 11 malades :
1» Giles, tourneur en cuivre ?. .. Il était tourneur en effet, mais
tourneur de roue chez M. Darlot, opticien, rue Chapon, 1Z|, où
il travaillait comme simple homme de peine.
C'était un pauvre diable qui se privait parfois du nécessaire
pour économiser un peu sur son maigre salaire.
M. Darlot, ouvrier lui-même, il y a vingt-cinq ans, aujour-
d'hui un de nos artistes fabricants émérites en optique, avait
environ trente ouvriers, pas un n'a été malade. Pas de malade
non plus, ni en 1849 ni en 185/j, chez M. Lerebours, où travail-
lait alors M. Darlot.
L'immunité des opticiens, travaillant sur le cuivre, est un
fait acquis aujourd'hui pour M. Darlot, comme pour tous ses
confrères en optique.
2° Pierry, fondeur en cuivre? Encore un simple homme de
peine. Entré comme tel chez MM. Caylar et Gain, fondeurs en
cuivre, rue Popincourt, 90.11 ne limait, n'ébarbait ni ne fondait
jamais. Tout aussi ami de l'épargne que Giles, Pierry, occupé
depuis huit jours à un travail de fourneau des plus pénibles,
n'avait voulu rien distraire du double salaire en vue duquel il
avait entrepris ce travail exceptionnel, pour ajouter un peu à
sa maigre pitance habituelle. Uuisselant de sueur à un brasier
«
— 83 —
ardent, devant lequel il était obligé de se tenir jusqu'à douze
et quatorze heures de suite, il s'était contenté, tout le temps,
de l'eau de l'atelier pour étancher sa soif. >
Lorsque la maladie est venue fondre sur lui, il était à bout
de forces.
Il y avait à ce moment dans la même fonderie 120 ouvriers.
Aucun autre n'a été malade, si 'ce n'est un qui a eu quatre ou
cinq jours de véritable cholérophobie, mais sans diarrhée, ni
vomissement, ni crampes.
En 1849 et 1854, l'un des associés de cette importante mai-
son, M. Gain, était dans la fonderie en cuivre de M. Detourbet,
faubourg du Temple : il atteste que les choses s'y sont passées
non moins heureusement (1).
3" Vanier, fondeur en cuivre ? Moins encore que le précé-
dent. Jardinier de son état et entré depuis peu comme homme
de peine chez M. Rousseau, fondeur, rue Beccaria, 9. Son sa-
laire, qui n'était que de 2 francs par jour, sufKt à prouver le
peu de services qu'il y rendait, et la triste chère qu'il devait
faire.
Ni morts ni malades chez M. Rousseau, qui occupe en
moyenne de 15 à 20 ouvriers.
k° Martin, polisseur en cuivre? C'est vrai, mais polisseur
surtout au gras. Il travaillait chez M. Chachoin, rue Saint-
Gilles, 12; précisément dans la même maison qu'un grand
fabricant d'instruments de musique en cuivre, M. Lecomte,
qui sur 100 ouvriers n'a eu ni mort ni malade.
Le travail de Martin consistait principalement à passer huile
et terre pourrie sur le métal qu'il frottait ensuite. Le cuivre
était de cette manière fort peu disséminé en poussière fine
dans l'atmosphère ambiante, ainsi que le veut la préservation
pour être etiicace, mais de temps en temps lime et papier de
verre avaient aussi leur tour. Donc Martin avait, dans une cer-
taine mesure, des droits à être préservé. Mais à côté du préser-
(1) On nous a fait voir chez MM. Cayar et Gain, un mouton qui, depuis
deux ans, y vit constamment dans les ateliers. Cet animal est superbe de
taille et de santé, et cependant, outre t|u'il ne quitte jamais la fonderie, sa
boisson la plus habituelle est l'eau d'une auge où l'on met souvent i\ trem-
per les vieux cuivres.
- 8/, -
vatif, bien souvenl se trouvaient i'inconduite et l'ivrognerie
aggravées par l'insuffisance de nourriture. Martin, loustic-phi-
losophe, avait complètement adopté la devise : courte et bonne.
Sa paye faite, il disparaissait et ne rentrait à l'atelier que lors-
qu'il n'avait plus d'argent. Il vivait alors tout le reste de la
semaine d'une soupe laite sur les fourneaux de l'atelier avec
seulement un peu de graisse, et dont les chiens, nous disait
son chef d'atelier, n'auraient point voulu manger. C'est après
quatre jours d'un tel régime, un samedi, qu'il fut attaqué de
la maladie.
M. Chachoin est établi depuis une trentaine d'années; 20 ou-
vriers en moyenne chez lui ne travaillent que le cuivre; jamais
ni mort ni malade du choléra, hors Martin.
5» Marchais, tourneur en cuivre? Oui, mais un Martin n» 2,
et pris comme lui un samedi. Ce jour-là, pour arriver à temps
à la paye qui devait se faire le soir. Marchais bridant, suivant
son expression, une étape, avait travaillé très-fort presque sans
manger de la journée.
Jusqu'au mercredi, jour de son entrée à l'hôpital, il était
resté sans aucun traitement.
M. Pichard, rue d'Aval, 13, chez lequel Marchais travaillait,
est depuis longtemps dans le métier. La moyenne des ouvriers
qu'il occupe est de 30. Pas d'autre cholérique à signaler.
M. Savaglio, concurrent émérite de M. Pichard, rue des
Amandiers-Popincourt, 53, n'a jamais perdu aucun de ses ou-
vriers par le choléra. La moyenne de ceux qu'il occupe est de
80. L'an dernier, un seul, le sieur Liocco, a eu pendant quel-
ques jours la cholérine.
M. Cussac, contre-maître, atteste hautement l'immunité dont
jouissent les ouvriers de sa profession. Marchais est le seul, dit-
il, qui ait succombé parmi les très-nombreux ouvriers tour-
neurs en cuivre de tout le faubourg (mon enquête, terminée
aujourd'hui, montre que M. Cussac avait parfaitement raison),
et sa mort nous a tous beaucoup surpris.
Voilà pour les décédés. Voyons les autres.
1» llamouy, tourneur en cuivre? Pas du tout, car il est bou-
langer,de son état et n'a jamais tourné que de la pâte à cuire.
Perdant ses forces et sa vue, il a été contraint de quitter sa
profession pour se faire ce qu'il a pu, homme de peine. Je suis
dérocheur en cuivre, déroclieur, entendez-vous, disait-il à
l'heure de la visite. Dérocheur? Vous vous moquez. C'est tour-
neur, sans doute, que vous voulez dire; et c'est sous cette
quali'flcation qu'il est resté inscrit! Allez voir Hamouy, et vous
entendrez le pauvre homme protester encore.
Recueilli par commisération par un M. Marguerie, fabricant
de menus articles de métal, impasse du Saumon, n» 10, à
Ménilmontant, il s'occupe à assécher avec de la sciure de bois
des bandes de cuivre dérochées d'abord dans l'acide, puis lavées
à grande eau. Où est là, nous le demandons, la poussière de
cuivre à absorber? Après ça, peut-être que cet homme étan-
chait de temps en temps sa soif à même des baquets où l'on
avait mis le cuivre à tremper! Il était si profondément misé-
rable l'an dernier, étant resté sans travail de décembre 186fi
jusqu'au 1" juillet suivant! Hamouy est bien malheureux,
mais, s'il se peut, il est plus sale encore : dans le grenier où on
le loge par pitié , cette sorte de Job couche sur un grabat sor-
dide, et ses voisins sont unanimes à dire que si la maison tout
entière n'a point eu le choléra, ce n'est point du tout sa
faute.
2» Marchandé , monteur en cuivre? De sa profession oui,
mais depuis un an il l'avait quittée pour se faire marchand de
poisson dans les rues. Devenu très-misérable par inconduite et
par paresse, il logeait dans une sorte de chenil, lui, sa femme
et deux ou trois enfants. Quinze jours à trois semaines avant
qu'il tombât malade, un de ses anciens camarades, M. Petit,
établi monteur repousseur, avenue de la Roquette, 22, le pre-
nant en pitié, l'avait employé chez lui, et à ce sujet, M. Petit
nous a écrit : « Lorsque Marchandé a pris le choléra, il y avait
quatre jours qu'il n'était venu à l'atelier et, tant avant qu'après
sa maladie, il n'a travaillé que vingt jours chez moi. Du reste,
dans son travail, il ne faisait qu'ccpprèler, c'est-à-dire tracer et
couper le cuivre par morceaux ; ce qui ne fait aucune pous-
sière ! »
3° Kurtz, fondeur en cuivre? Non : encore simple homme de
peine chez M. Fiel, fondeur en cuivre, passage Saint-Pierre, 12,
où il n'a travaillé du reste que fort peu de temps. Dans ce
— 86 —
nouveau métier, Kurtz avait la charge de cribler, dans un petit
atelier à part, le sable neuf servant à la confection des moules.
Guère plus heureux sous ce rapport que le concierge de la
maison, il n'avait donc même pas avec le métal des rapports
de voisinage.
M. Fiel avait 40 ouvriers. II est très-ancien dans la partie.
Jamais chez lui, en temps de choléra, ni mort ni malade. La
fonderie de cuivre compte, dit-il, 2,000 à 2,500 ouvriers; pas
un seul mort, à sa connaissance, dans la dernière épidémie.
k° Brœker, fondeur en cuivre ? Non,- homme de peine chez
M. Mordat, rue Louis-Philippe, 32, et spécialement chargé des
livraisons à domicile.
Dans la maison Mordat on est fondeur en cuivre de père en
fds. 30 ouvriers, tant mouleurs, ébarbeurs que fondeurs," réunis
dans le même atelier; personne de malade ni en 1849, ni en
1854, ni en 1865.
Le jour même où je m'étais présenté chez M. Mordat, je
visitais à nouveau l'importante maison de M. Thiébault, fau-
bourg Saint-Denis, et, le lendemain, cet éminent industriel,
maire du 10" arrondissement, nous faisait l'honneur de nous
écrire que pas un de ses ouvriers, sur 250 à 300 qu'il occupe,
n'avait été malade.
Même constatation, me dit-on dans la maison, venait d'y être
faite par le confrère dont il est parlé plus haut.
5° Angellause, polisseuse en cuivre ! Je me suis transporté
dans un misérable troisième de la cité Popincourt, 16, et j'y ai
vu une malheureuse femme toute contrefaite, en face d'une
demi-douzaine de pièces de petite horlogerie qui auraient bien
tenu ensemble dans le creux de la main.
De lime, de papier de verre, pas : seulement du blanc d'Es-
pagne, de la terre pourrie, de l'huile ou de l'eau, une peau et
quelquefois une pierre à huile, et voilà avec quoi la pauvre
ouvrière détache les parcelles de cuivre et en ennuage l'atmo-
sphère de sa chambre ! Mais à ce compte, la moindre cuisinière
aurait à la préservation dix fois plus de droits qu'elle.
Je passe vite à la dernière, car, devant de telles choses, de-
vant les preuves d'un tel parti pris, je sens le sang me venir
battre aux tempes.
— 87 —
ôoBerthé, découpeuse en cuivre? Non, non une dernière
fois. Mais, d'abord, depuis quand ai-je dit que découper du
cuivre c'est-à-dire détacher avec un emporte-pièce, dont le
fonctionnement doit se faire sans aucune éraillure, du métal
sous forme de petits flans ou autres, donnait lieu à la préser-
vation' Il est vrai qu'à ces flans sont mêlés parfois des linéa-
ments comme de petits sabres! Et ce sont ces sabres-là que,
tout jeu de mots à part, l'on prétendrait faire avaler par la
jeune Berthél... Allons voir maintenant cette prétendue dé-
coupeuse de rouages en cuivre. Nous entrons chez M.^ Ri-
chard rue Saint-Gilles, 11. Voici Berthéà son ouvrage. Dune
main elle tient un tout petit long tube mince, argenté, désigne
sous le nom de virole, et avec l'autre, armée d'un mandrm de
fer elle redresse le petit tube quand il est déformé ; et s il lui
arrive de rencontrer à l'ouverture quelque aspérité, alors e e
prend une petite cisaille avec laquelle elle découpe, non, elle
coupe la dite aspérité.
Et voilà les faits qu'on nous oppose, et voilà avec quoi un
jeune confrère que je ne nommerai pas, - MM. les internes,
hier encore ses collègues, qui ont lu sa brochure, j'en suis sur,
m'approuveront, - écrivant sous l'inspiration de ses maîtres,
prétend venir jeter bas une œuvre dont l'observation première
a porté, tant en France qu'à l'étranger, sur une population de
plus de 100,000 individus, et qui, sans parler de tout ce que
nous y ajoutions naguère à Marseille, à Toulon et à la Seyne,
vient de recevoir en Italie la plus éclatante confirmation de la
part d'hommes aussi honorables que désintéressés, MM. les
docteurs Gallarini, à Florence, et Alphonso de Rogatis, à Na-
^^Eri vérité, n'est-ce point trop fort?.. Heureusement que la
lutte ne nous fait point plus peur que l'injustice, d'où qu'elle
vienne, ne saurait nous abattre, et que les armes ne nous
manquent pas pour défendre une œuvre si péniblement édi-
fice !..
Je me résume, et je dis : deux hommes travaillant réellement
dans le cuivre et qui, à ce titre, un surtout (Marchais), avaient
dans une certaine mesure des droits à être préservés, si la
préservation par l' inloxicalion cuprique que j'ai dite n'est
— 88 —
point une chimère, pour ne rien dire de plus ; mais 2 ivro-nes
endurcis, absents de l'atelier le plus possible, vivant dans le
desordre, se privant parfois du nécessaire quatre et cinq jours
de la semaine pour boire plus à l'aise le reste du temps, et pris
1 un et l'autre, au bout de toute une semaine d'épuisement • tel
est en définitive le chiffre véritable qui, pour les ouvriers en
cuivre, doit être porté à Tactif de l'épidémie cholérique à
l'hôpital Saint-Antoine qui y a compté 429 malades, dont
269 adultes du sexe masculin.
Or, si l'on veut bien réfléchir qu'il existe à Paris environ
30,000 ouvriers en cuivre, nous laissons les femmes de côté
que ces ouvriers, répandus surtout dans les quartiers de la rive
droite, et plus spécialement encore vers le faubourg Saint-
Antoine, ne sauraient compter pour moins de 1/8 à 1/10 dans
la clientèle des hôpitaux qui desservent ces quartiers l'on ar-
rivera à ce résultat que, si les ouvriers en cuivre n'étaient pas
en dehors de la loi commune, c'est au moins 25 d'entre eux et
non point 2 seulement, qui devraient figurer dans la statis-
tique des hommes traités à l'hôpital Saint-Antoine.
{Gazette des Hôpitaux, samedi 14 avril,)'
- En nous lisant, plus d'un lecteur aura remarqué, sans
doute, le nombre d'éliminations faites dans les ouvriers en
cuivre, ou qu'on aurait pu supposer tels d'après la statistique
des décès. Si quelqu'un était tenté de s'en étonner, nous ré-
pondrions que, dans ces éliminations, dont aucune ne redouta
un contrôle, l'on ne saurait s'empêcher de reconnaître précisé-
ment une preuve de plus en faveur de la présemlion sponta-
née. Elles démontrent, en effet, que l'ouvrier en cuivre qui
abandonne sa profession, ou qui, pour une cause quelconque
Ja délaisse, ou bien vient à se trouver dans des conditions
d hygiène, d'insalubrité ou même de voisinage qui en annulent
es eliets, perd presque aussitôt les droits qu'il pouvait avoir à
a préservation par la nature de son travail, et rentre dans la
loi commune. —
Avant de quitter la préservation spontanée, pour passer à
i examen des faits qui en sont résultés, nous demandons à re-
— 89 —
produire quelques pages de la brochure publiée à Naples par
M le de Rogalis, sous ce titre : Obseroalions et expériences
sur l'action prophylactique et curatioe du cuivre et de ses pre-
varalions, dans le choléra asiatique.
Dans ces pages, extraites du chapitre IV, intitulé : Béflexions
sur les faits et expériences qui ont été rapportés et raisons pour
lesquelles le traitement du choléra par le cuivre doit être préfère
à tout autre, notre honorable confrère nous paraît avoir bien
résumé et dit, en la forme italienne, les traits principaux de
la question. Son extrême bienveillance à noire egaM nous
causant quelque gêne, nous prions M. le de Rogat.s de nous
pardonner si nous ne l'avons pas toujours traduit fidèlement,
et avons opéré même quelques soustractions.
« Le choléra a envahi l'Europe quatre fois en peu d'années;
pas mi pays dont il n'ait décimé les populations. Sa tureur
s'est étendue partout, tous ont payé même fatal tribut. Tel
fiu'un ouragan furieux qui renverse le chêne séculaire et le
faible roseau, tout mêle et tout confond, ainsi fait le tleau
asiatique quand il s'abat sur une contrée. Hommes et femmes,
vieillards et enfants, nobles et plébéiens, riches et pauvres,
tous sont entraînés dans le même tourbillon et précipités mi-
sérablement dans le gouffre. Au milieu de cet émouvant
désastre un homme seul reste debout, ainsi qu'une tour solide,
dont la cime ne craint pas la fureur des vents. Cet homme,
invulnérable comme un nouvel Achille, n'est autre que le fils de
l'artisan, qui passe ses jours comme enseveli dans les entrailles
de la terre, à la recherche du cuivre, qui se trempe de sueur à
une fournaise ardente dans laquelle le cuivre a été mis en fusion
(ici notre confrère se trompe : l'on a vu plus haut que les vérita-
bles fondeurs fondant sont en faible minorité, et que les ouvriers
dits fondeurs doivent surtout leur préservation aux poussières
de l'atelier), ou qui bat avec son marteau ce métal du matin
au soir, pour lui donner la forme voulue pour les usages aux-
quels il le destine. Et en ettet, aussi bien sur les bords de la
Seine et de la Tamise, que sur ceux de l'Ârno et du Sebeto,
l'ouvrier que sa profession met en contact continuel avec le
cuivre a toujours été respecté. Cette surprenante immunité ^
<^té constatée sjir une population de plus de 100,000 ouvriers
— 90 —
sur le cuivre ou ses alliages, le bronze et le laiton. Et pour que
la vérité de ce que je viens de dire ressorte davantage, je me
fais un devoir de l'appuyer par les nombreux témoignages des
personnes et autorités qui suivent. » Ici M. le D'deRogatis fait
rénumération de tous les hommes honorables, che'fs d'in-
dustrie et médecins que nous avions pris à témoin de nos
recherches. Aux noms de MM. les D" Vasseur, Noirel de
Pietra-Santa, Pécholier et Saint-Pierre, il ajoute ceux de M le
D"- Gallarini, de Florence, et de M. le Finzi, de la marine
italienne. Puis il continue ainsi :
« J'ai obtenu à Naples les mêmes affirmations des principaux
négociants et des plus vieux ouvriers dam le cuivre, et dans
mon enquête pour les autres villes de l'Italie méridionale j'ai
reçu les mêmes assurances des divers syndics, qui ont répondu
avec empressement à mon appel,, ce qui concourt, avec l'auto-
rité de leurs noms, à donner une importance plus grande à
mes recherches.
« Après le témoignage solennel et unanime d'hommes de
positions si diverses, et dont quelques-uns ont particulièrement
mérité l'estime et la confiance de leur pays, je pense que tous
les faits ci-dessus énoncés acquièrent une telle évidence, qu'ils
doivent jeter, dans l'esprit du plus grand nombre, la certitude
que le cuivre, par une vertu propre et toute particulière, a
détruit chez ces ouvriers la réceptivité cholérique et les a ren-
dus indemnes. Et puisque cette préservation a été si constante,
SI universelle et si sûre, force est bien de conclure que le cui-
vre est doué d'une spécificité prophylactique dans le choléra.
A celui qui serait tenté d'infirmer la préservation générale,
spontanée, par les décès arrivés chez des personnes adonnées
au travail du cuivre, je répondrai que ces décès ont été très-
rares et qu'ils ont- toujours eu lieu soit à la suite d'intem-
pérance ou d'autres erreurs d'hygiène, soit parce que les
individus se trouvaient atteints d'une autre maladie qui s'est
aggravée ou s'est transformée sous l'influence du génie de l'épi-
démie dominante, soit enfin parce qu'ils avaient quitté leur
ancien métier. Maisicjuand bien même ne seraient point inter-
venues les causes occasionnelles que je viens d'énoncer, il
suffirait de réfléchir que le nombre des morts est si insignifiant.
— 91 —
que ce ne peut être qu'une exception confirmant davantage
les faits généraux de la préservation.
« Étant donc bien démontré que l'action préservatrice du
cuivre s'est produite spontanément, toute en faveur d'une
classe particulière d'ouvriers, ce serait une chose bien dure et
bien malheureuse si un aussi grand bénéfice devait rester le
privilège exclusif d'une petite fraction de la société, et si à
nous autres, nouveaux Tantales, il nous était refusé d'y pren-
dre part et d'en jouir. Mais qu'on se rassure, ce n'est point le
cas : avant peu j'aurai prouvé, avec arguments de faits et d'ana-
logie, que nous tous, tant que nous sommes, pouvons tirer
profit de cet héroïque remède, et conséquemment nous pré-
server de la maladie.
« Toutes les fois que l'Europe fut jonchée de morts par le
fléau arabe de la variole, les seuls vachers furent partout et
toujours épargnés. Ce grand fait ne pouvait passer inaperçu
devant le sagace et très-diligent observateur Jenner, qui soup-
çonna que cette singulière immunité était due tout entière au
métier des préservés, et que c'était dans celui-ci seulement
qu'il fallait en rechercher la cause. Pour cela, il se mit à étu-
dier sévèrement le fait sous tous ses aspects, et, au bout de
quelque temps, après des recherches minutieuses et souvent
répétées, il vint à savoir que des pustules analogues à celles
de la variole se développaient spontanément sur le pis des
vaches. Ce fut -un éclair qui dissipa les épaisses ténèbres dans
lesquelles était resté enseveli le mal exterminateur, et c'est de
là que partirent les recherches qui plus tard devaient mener.
Jenner à la sublime et glorieuse découverte, par laquelle sa
mémoire est chère à tous et vivra aussi longtemps que le
monde lui-même. C'est en vertu du même raisonnement et du
même éclair que le Burq a agi, et qu'il lui est venu la même
idée de provoquer chez tous la préservation du choléra. En
effet, telle est l'analogie qui s'observe dans ces deux très-
intéressantes questions, que chacun pourra faire la même
comparaison en lisant attentivement le tableau qui suit :
— 92 —
1.
PRÉSERVATION SPONTANÉE, CONSTANTE ET UNIVERSELLE
des vachers dans la variole. des ouvriers en cuivre dans le choléra.
2.
ATTRIBUTION DE CETTE IMMUNITÉ A l'aBSORPTION
accidentelle du pus vaccinal ( cow- journalière du cuivre ou de ses
pox), avec lequel les vachers, dans composés, avec lesquels les ouvriers
1 exercice de leur profession, sont mis sont en contact habituel dans l'exer-
en contact au moment de la traite. cice de leur profession.
3.
DÉTERAIINATION
de Jenner d'user du cow-pox pré- du D-" Burq d'user du métal pré-
servateur de manière à mettre tout le servateur de façon à mettre toute
monde dans les conditions d'absorp- personne dans les mêmes conditions
tion vaccinale où se sont trouvés les d'absorption cuprique que celles dans
vachers spontanément préservés. lesquelles les ouvriers en cuivre ont
été spontanément préservés.
La découverte de Jenner fut com- Celle du Burq ne l'est pas en-
plete et devint un bienfait pour l'hu- core, mais très-probablement elle de
viendra telle avantpeu, et lui aussi.
« D'après tout ceci, il paraît indubitable que cette ressem-
blance si frappante qui se retrouve, du commencement à la fin
entre la découverte de Jenner et celle commencée et déjà si
avancée par le Burq, ne soit un argument d'analogie qui
milite en faveur de cette dernière, et autorise à croire que tôt
ou tard, après de nouvelles éludes et des expériences réitérées,
la préservation cuprique pourra triompher aussi complètement
que la vaccine (1). »
(1) Au moment de donner le bon à tirer de ceUe feuille, la Gazette des
J ôpitaux, nous apporte le nom du confrère anonyme dont nous avons parlé
Inexactitude, nous parlons par euphémisme, impuissance ou puérilité; voilà
au fond tout ce qui caractérise cette aUaque nouvelle. Kous y reviendrons
m
>
PRÉSERVATION PROVOQUÉE
PAR L'APPLICATION EXTERNE ET L'ADMINISTRATION
INTÉRIEURE DU CUIVRE.
Nous diviserons la préservation provoquée en externe, interne
et mixte, suivant qu'il est seulement fait usage du cuivre à
l'extérieur ou à l'intérieur, ou que l'on cherche à faire péné-
trer ce métal dans l'organisme à la fois par la peau et par les
voies digestives.
Préservation externe. — Les publications de MM. les D" Gal-
larini et de Rogatis n'ont rencontré en Italie aucune contradic-
tion, et elles y ont été d'autant mieux accueillies, que l'im-
partialité de leurs auteurs les mettait à l'abri de tout soupçon.
Beaucoup d'habitants, paraît-il, se sont mis à porter une plaque
de cuivre; mais il n'aurait été fait rien de plus. Quels ont été
les résultats de ce seul mode de préservation ? M. le D'de Roga-
tis, à qui nous avions écrit à ce sujet, a bien voulu nous in-
former que de toutes les. personnes qui, à sa connaissance,
avaient eu recours à ces plaques, aucune n'avait été atteinte de
la maladie. Le nombre de ces personnes est sans doute peu
considérable, car nous ne saurions, pour notre compte, admet-
tre ici plus qu'une préservation relative, par le fait même de
l'application du métal. Quant à ce qui regarde l'intluence mo-
rale, c'est autre chose : tout à l'heure nous dirons ce que nous
on pensons.
En France, bon nombre de gens, avertis aussi par les jour-
naux des effets préservatifs du cuivre, en ont assurément fait
— 9Z, - •
même usage, pendant l'épidémie que noug venons de traverser.
Pour nous, ayant refusé nettement, et pour cause, malgré des
sollicitations pressantes, de laisser prôner en aucune façon nos
armatures auprès du public, et, par suite de ce silence, la plu-
part de ceux qui ont voulu suivre notre système de préservation
s'étant vus obligés de s'adresser aux premiers artisans venus
pour se faire confectionner des appareils, nous ne saurions
guère citer de notre côté qu'un petit nombre de cas heureux,
peut-être tout au plus une cinquantaine d'applications métal-
liques préventives (1).
La préservation externe provoquée manque donc encore, il
faut en convenir, de preuves directes suffisantes pour s'affirmer-
et cependant, sans parler des effets du métal en lui-même, qui
oserait assurer, en présence de ce qui s'est passé à Toulon chez
les ouvriers en cuivre de la ville et de l'arsenal, qu'au point de
vue moral et consécutivement au point de vue de la maladie
elle-même, ces applications ont été stériles? Quand la maladie
sévit cruellement, comme nous l'avons vu sévir dans le midi de
la France, quand tous, grands et petits, sont sous'fe coup d'un
ennemi invisible qui tue en quelques heures et contre lequel
l'art est impuissant, quand fort peu échappent à l'émotion bien
naturelle qui tend si fatalement à ouvrir la porte à la maladie
n'est-ce donc rien que d'avoir quelque chose sous sa main pour
s'y rattacher, pour se remettre en confiance? Dans ces cir-
constances, des pratiques préventives de la nature de celles que
nous conseillons seraient-elles bonnes seulement pour quelques
(1) En dehors des cas qui sont à notre connaissance personnelle, il en est
d'autres, probablement en assez grand nombre, sur lesquels des confrères
pourraient venir nous renseigner utilement.
Nous avons eu, par exemple, plusieurs fols ^ répoudre à des lettres de la
nature de celle-ci :
« Mônsieur et très-honoré confrère,
« Lors du choléra de 1854, j'ai employé comme moyen préservatif quel-
ques-unes de vos armatures, j'en ai été très-satisfait, et les personnes qui
en ont fait usage ont été préservées de la maladie
« Comme kl maladie reparaît dans nos environs, seriez-vous assez bon
pour vous charger de m'en faire expédier de suite de nouvelles
« Recevez, etc., Pionnieh.
« Faulquemont (Moselle;, 25 mars 18C6. »
— 95 —
âmes faibles?... A Toulon nous avions emporté toute une pro-
vision d'armatures : autour de nous bon nombre de ces appa-
reils'furent bientôt distribués, et parmi les personnes appelées
•à profiter de cette distribution, qui, nous n'avons pas besoin de
le dire, fut entièrement gratuite, des confrères ne furent point
les derniers à s'en montrer satisfaits... Y avait-il une seiile âme
faible parmi tous ces hommes qui se sont montrés à Toulon,
comme partout, l'honneur de notre profession? Nous-même
aurions-nous donc été d'un mauvais exemple, parce que nous
avions tenu à justifier personnellement de notre foi en nos ar-
matures?.. Qui oserait le dire?., et beaucoup seront, sans doute,
avec nous de cet avis, que, la préservation indiquée, fût-elle le
résultat d'une erreur, il y aurait encore, si elle avait trouvé
créance, à faire des vœux pour que l'erreur ne se dissipât point,
avant que la lumière ne fut faite.
Préservation interne. — Nous ne savons presque rien des ten-
tatives de préservation qui ont été faites par l'administration
seule des préparations de cuivre. La répugnance qu'inspirent à
tout le monde les sels de ce métal a dii faire en tous cas que
les essais de ce genre ont été rares et timides.
PRÉSERVA-noN MiXTK. — Pour Ics mêmes raisons, la préser-
vation mixte a du rencontrer fort peu d'adhérents. En ce qui
nous concerne personnellement, nous avons cette fois bien peu
de chose à ajouter aux faits de 1853-54, et nous ne pouvons
guère citer qu'une seule observation, celle que nous avons re-
cueillie sur nous-même pendant notre séjour dans le Midi.
La voici; nous espérons qu'elle ne sera point lue sans intérêt.
Dans ce que nous allons dire relativement aux précautions
prises, le lecteur verra, très-certainement, non pas l'effet d'un
sentiment de conservation puéril, — lorsqu'on est susceptible
de pareil sentiment, on reste tranquillement à ses affaires que
personne ne vous oblige à quitter, et l'on ne va point de soi-
même se jeter, à 140 lieues de distance, dans un foyer d'épi-
démie, — mais il y verra notre but véritabld, qui était celui de
faire sur notre personne une démonstration complète, non-seu-
lement au point de vue de la préservation on elle-même, mais
aussi de la dose du préservatif que l'on peut s'administrer sans
danger.
— 90 —
UN I2PIS0DE DE L'ÉPIDÉMIE DE TOULON,
•
Le jour OÙ le choléra faisait sa réapparition en France, ce
jour-là même nous décidions que la métallothérapie irait à sa
rencontre. Seulement, nous rappelant ce qui nous était arrivé
à Londres une première fois, lors de l'épidémie de 1853, où
ayant fort mal pris notre temps, il nous avait été impossible
d'expérimenter, nous résolûmes aussi d'attendre, avant de
nous mettre en route, que la maladie eût pris des proportions
suffisantes, pour que nous fussions certain 'd'avance de ne point
manquer de malades.
Le 20 septembre, Toulon ayant commencé à nous adresser
ses plus tristes bulletins, mon départ fut arrêté, et, le jour
même, mes dispositions prises en conséquence.
Le 21, je portais déjà à même de la peau une armature de
50 plaquettes de cuivre de la grandeur d'une pièce de deux
francs, représentant ensemble une surface d'environ 3 décim.
carrés, et dès le surlendemain (22) je commençais à m'adminis-
trer le sulfate de cuivre en lavements à dose progressive à par-
tir de 6 gouttes de ma solution à 1/5 ; puis le 2/i, la veille de mon
départ, frictions dans les lieux d'élection, aux aisselles et dans
les aines, avec une pommade contenant 2 gr. de sulfate de
cuivre pour 30 gr. d'axonge'.
Au bout de 8 jours, au moment de mon arrivée à Toulon
(le 28 septembre), j'avais doublé le nombre de plaquettes,
j'avais usé 30 gr. de la pommade susdite à 1/15 de sel de cuivre
et je prenais, matin et soir, l/k de lavement avec 12 gouttes
(12 cèntigr.) de ma solution.
Ma peau présentait sur le tronc de nombreuses macules de
vert-de-gris; elle était en divers endroits et, surtout là où
avaient été faites les frictions, le siège d'un peu d'irritation,
mais jusque-là rien de particulier à noter' si ce n'est une con-
stipation assez marquée et de petits accès de fièvre, le soir,
lesquels avaient commencé à me prendre dès mon entrée dans
je foyer épidémique, à Marseille, mais pas avant.
Dans la nuit du 28 au 29, nouvel accès un peu plus fort; je
l'attribue à la fatigue qui commençait à devenir grande.
— 97 —
29. Armé de mes 100 plaquettes, et ayant pris en lavement
U gouttes, toute ma journée se passe à chercher partout
l'ennemi : à l'hôpital militaire, je suis la visite dans les salles
i de cholériques, salles ramassées, ainsi que tout l'édifice, mal
ventilées, d'une insalubrité notoire et devenues aussi de redou-
tables foyers d'infection ; témoin le nombre de victimes parmi
les infirmiers et les médecins. Sorti de l'hôpital, je cours les
vieux quartiers de Toulon, je vais m'asseoir tout à côté d'un
vieux navire appelé la Paiac/ie, qui m'avait été signalé comme un
foyer d'infection tout privilégié : après y avoir humé, 2 heures
durant, par une chaleur accablante, les miasmes pestilentiels
doublés des émanations du port qui, elles du moins, m'aver-
tissaient de leur présence, je monte sur le bateau qui conduit
à la Seyne; je visite en détail l'établissement des forges et chan-
tiers; je m'approche de l'infect ruisseau sur les bords duquel
le fléau avait fait ses premières et si nombreuses victimes ; je
parcours un peu-cette triste ville, comptant, c'était facile, les
maisons qui avaient gardé leurs habitants, et, le soir venu, le
même bateau me ramenait à Toulon, moi 15« ou20« dont une
douzaine de galériens qui venaient d'enterrer les morts!...
Je rentre à mon hôtel très-fatigué, et déjà un peu pris par la
fièvre; de 10 heures jusque vers 3 h. du matin, nouvel accès.
30. C'est le jour convenu avec l'honorable M.Minvielle, le
médecin en chef, pour commencer mes expériences à l'hôpital
militaire. Encore mal remis de ma fatigue de la veille et de celle
de la nuit, je m'y rends de bonne heure, ayant pris préalable-
•ment un quart de lavement, cette fois à 15 gouttes.
Dans les salles, je rencontre Tourrette. Le malheureux con-
frère, entré en expérimentation depuis la veille, me fait les
honneurs des malades qui lui ont été confiés; les miens, que
j'ai demandés vierges de tout traitement, seront pris plus
tard, dans la journée, parmi les nouveaux arrivés. En atten-
dant, pour ne pas perdre de temps, je me traîne en dehors de
la ville jusqu'à un endroit désigné sous le nom de pont de l'As,
■ en vue d'y visiter une importante fonderie de cuivre.
Je retourne à l'hôpital vers une heure, et la première nou-
velle que j'y reçois, c'est que Tourrette vient d'être lui-même
frappé par l'impitoyable ;mal. J'accours avec M. le D"" Guilla-
7
— 98 —
bert;... et, le volontaire intrépide qui n'uvait point hésité,
malgré son âge, à quitter femme,' enfants, amis, malades,
pouf venir se dévouer à la malheureuse ville de Toulon,
l'homme bienfaisant qui, le matin, s'acheminait encore vers
l'hôpital, supputant sans doute en lui-même avec bonheur
le nombre de victimes qri'U allait arracher au fléau, et qui,
tout à l'heure encore, nous disait à tous ses espérances, je le
retrouve dans tme triste chambre d'hôtel où tout lui manque,
et où tout indique que la fin qui s'avance rend déjà aux pro-
priétaires de la maison sa présence plus qu'importune. Au-
près de l'infortuné s'est bien rendu en toute hâte un de ces
jeunes confrères de Montpellier, dont le souvenir vivra long-
temps, il faut le croire, dans le cœur des habitants de Toulon ;
le dévoué confrère est encore là, au moment de notre arrivée,
au chevet du malade, dirigeant les manœuvres de deux infir-
miers militaires que M. le D-- Minvielle s'est empressé de lui
dépêcher, et qui, les braves gens, font de leur mieux. Mais tout
à l'heure, quand viendra le moment suprême, où sera la famille,
où seront les amis dont la présence console à l'heure dernière?
Viendra-t-il au moins de par la ville quelques personnes pour
en tenir lieu? Eh ! qu'importe dans cette hécatombe une vic-
time de plus!... Depuis tantôt un mois que le fléau frappe à
coups redoublés sur la malheureuse cité, la source des larmes
s'y est tarie; c'est à peine si les habitants qui lui restent, abî-
més dans la douleur, en ont pu garder pour leurs proches!...
Quelques heures après, Tourrette, transporté à l'hôpital de
la marine, y rendait le dernier soupir, et presque au même *
moment j'étais pris de mon côté d'un épouvantable accès
de fièvre. Seul dans un hôtel, où le service avait été singuliè-
rement mis en souffrance parla fuite de ses meilleurs employés,
je passai une bien cruelle nuit!.. Le lendemaiii, mes excellents
confrères, MM. Laure et Minvielle, étant venus me visiter, il
fut décidé que je me soumettrais sans retard à la médication
quinique, et que je partirais sur l'heure pour aller me reposer
quelques jours dans un lieu non infecté.
A quoi tenait cette fièvre?... Je sais ce que répondront ceux
qui prétendent que le même miasme produit, suivant les
cas ou les circonstances, ici une attaque du choléra, et là un
— 99 —
accès de fièvre inlermiUente à forme plus ou moins pernicieuse.
Pour moi, ce que je puis dire, c'est que cette fièvre qui n'a
été accompagnée d'aucun phénomène cholérique proprement
dit, qui s'est au contraire présentée avec une constipation opi-
niâtre dont j'eus seulement raison à Hyères par des lavements
répétés, a été très -vraisemblablement le produit de la lutte
que se sont livrés, en mon organisme, d'une part le préser-
vatif que je m'étais administré, et de l'autre les miasmes qui
faisaient effort pour me pénétrer, lutte dont les conséquences
furent aggravées par un excès de fatigue... Quant à l'attribuer
à la méthode de préservation elle-même, on n'y saurait son-
ger. Celle-ci y est restée si parfaitement étrangère, qu'une fois
de retour à Paris j'ai continué pendant un temps l'usage de sels
de cuivre, ainsi que mes applications, sans en être aucune-
ment incommodé; il m'est même arrivé un matin de prendre
par erreur, peu après m'être administré 15 centigrammes de
sulfate de cuivre en lavement, une dose d'oxyde noir de cuivre
(deutoxyde) décuple de celle que je voulais : j'avais demandé
au pharmacien des pilules à 1 centig. et c'étaient des pilules
de 5 centig. qui avaient été préparées. Averti à temps, je me
suis tenu sur mes gardes, prêt à intervenir au besoin, au
moyen de l'émétique ou du fer réduit par l'hydrogène, mais
cette dose qui était de 10 centig., ce qui représente environ
18 à 20 centig. de sulfate, s'en est allée comme tout le reste,
sans déterminer aucun accident : 4 ou 5 heures après l'avoir
ingérée, je déjeunais comme si rien ne s'était passé!
Un honorable confrère, dont nous parlerons plus loin, M. le
D"" Lisle, a écrit : « Je regarde les agents de la préservation pro-
voquée comme inutiles ou dangereux. » Dangereux? nous ve-
nons de répondre... Inutiles? voyons un peu. Une fois en trai-
tement par la quinine, je suspendis naturellement l'usage
interne du sulfate de cuivre, et de plus, comme à ce moment
je me trouvais en dehors de tout foyer épidémiqne, je fus bien
aise d'en profiter pour cesser un peu mes applications.
A Hyères j'avais donc mis de côté plaques et sels de cuivre.
Après quelques jours de repos je revins à Toulon, puis à
Marseille, mais cette fois sans avoir pris le préservatif. Les nou-
velles venues de Paris me rappelant en toute hâte, j'avais cru
— 100 —
la précaution superflue. Or il arriva, détail complélement inédit
qu'étant resté à Marseille plus de temps que je ne l'avais û'a-
bord prévu, je finis par y subir, à mon tour, l'influence cholé-
rique; si bien que, parti un mardi, ayant eu déjà la veille deux
selles douteuses, après une visite faite au canal de la Durance
par un temps abominablement pluvieux, je fus pris, à la sta-
tion d'Orange, d'une cholérine assez intense pour m'obliger de
m'arrêter en route et de m'aliter. Les sels de cuivre en lave-
ment et les applications d'armatures que je me hâtai de re-
prendre suffirent pour avoir raison du mal; mais il ne m'a
fallu, pour me remettre, rien moins qu'une huitaine, et ce
n'est que 10 jours après avoir quitté Marseille que je me crus
en assez bon état pour venir retrouver l'épidémie à Paris.
Ainsi, pendant tout le temps que j'ai suivi scrupuleusement
mon système de préservation intus et extra, à Toulon comme
à la Seyne etàMarseille, j'ai traversé l'épidémie, moi nouveau
venu, sans lui payer aucun tribut, sans éprouver aucun de ces
accidents, dérangement d'entrailles ou autre, qui étaient mon-
naie courante tout autour de moi parmi les gens les mieux
acclimatés; puis, ayant désarmé, je commets l'imprudence de
me présenter devant l'ennemi sans armatures ni sels de cuivre,
et voilà le miasme qui bientôt me pénètre et se met à me
poursuivre en dehors même de tout foyer épidémique, jus-
qu'au moment oh j'ai recours pour le combattre aux mêmes
armes que j'avais employées tout d'abord pour le tenir à
distance!... Un mot encore avant de quitter ce sujet.
La question de la préservation provoquée par le cuivre, telle
qu'elle est posée aujourd'hui, ne nous paraît soluble que par
l'intervention de l'autorité. Cette préservation devant être
appliquée sur une grande échelle pour être bien jugée, nous
ne voyons que les troupes d'une garnison sur lesquelles une
expérience décisive puisse être exécutée, expérience d'ailleurs
facile si l'on se bornait à la préservation externe. Le gouverne-
ment se décidera-t-il jamais à l'entreprendre?... En fait de
progrès, l'expérience acquise montre que l'on peut tout at-
tendre de sa haute initiative!...
TRAITEMENT PAR LES SELS DE CUIVRE
RELEVÉ DES EXPÉRIENCES QUI ONT ÉTÉ FAITES,
34 GUÉRISONS SUR 43 CAS TRAITÉS
PAR MM. LES D" LISLE, PELLARIN, HLANDET, HERGER ET AHNAL.
Pendant que la métallothérapie, appliquée au traitement du ♦
choléra, ne rencontrait à Paris que doute ou incrédulité, et
passait sans que personne songeât même à mentionner dans
une instrution populaire ces applications métalliques, si à la
portée de tous et toujours sans inconvénient, qui, dans le cho-
léra de 18/(9, s'étaient montrées tant de fois efficaces pour le
soulagement instantané des victimes du fléau, notre double
système de préservation et de traitement recevait au loin un
favorable accueil !...
Nous avons exposé dans le chapitre II les faits de préserva-
tion spontanée qui nous sont venus de l'Italie. Voici maintenant
ceux relatifs au traitement. Les premiers, par ordre et par leur
importance, nous ont été envoyés de Marseille, nous allons
dire très-exactement et "sans rien omettre dans quelles cir-
constances, car, dans cette question de haute lutte, il n'est point
de détail inutile,... chaque chose a son prix. Encore si nous
n'avions eu à combattre que pour le triomphe de la vérité !...
Mais l'idée nouvelle commençait à peine à faire son chemin,
que déjà, on va le voir, il nous fallait la défendre contre les
empiétements d'un confrère qui prétendait à l'honneur de la
découverte.
— 102 —
La Gazelle des Hôpitaux publiait dans sa Revue clinique du
7 octobre 1865 :
« M. le docteur Burq, qui s'est rendu à Toulon pour y appli-
quer sa méthode métallothérapique au traitement du choléra,
nous écrit de cette ville pour nous informer qu'un service de
cholériques vient de lui être ouvert à l'hôpital militaire. Déjà,
nous dit-il, l'usage thérapeutique du cuivre a produit à Mar-
seille des résultats considérables entre les mains de plusieurs
médecins. M. le docteur Lisle, médecin de Tasile des aliénés, a
traité par les sels de cuivre 24 cholériques, dont 20 ont guéri.
Sur les h morts, 1 a succombé au bout d'une heure et demie
à deux heures, c'est-à-dire probablement avant que l'absorption
du cuivre eût le temps de se faire , et deux autres ont lutté six
à sept jours, et ont fini par succomber à des phénomènes conges-
tifs, après le rétablissement des principales fonctions. M Lisle
avant d'avoir recours aux sels de cuivre, avait traité treize ma-
lades par les méthodes ordinaires, et en a perdu onze. M. Ber-
. nard a traité aussi par le cuivre intus ( le sulfate de cuivre ) deux
sœurs de la Conception qui ont guéri. Un autre médecin a eu
aussi des succès par le même moyen.
« M. Burq nous promet dans sa lettre de plus amples détails
sur les résultats de ses nouvelles et courageuses tentatives. Mais
des nouvelles ultérieures publiées par les journaux politiques
nous apprennent que M. Burq, trop confiant probablement dans
efficacité de sa méthode qu'il s'est abusivement appliquée à
lui-même comme moyen prophylactique, tombé malade peu
de temps après son arrivée à Toulon, a dû quitter cette ville
et se diriger sur Hyères, où il est allé prendre quelques jours
de re-pos. ».
A peine ces lignes avaient-elles paru, que VUnion médicale
nsérait en tête de ses colonnes la lettre qui suit :
NOTE SUR LE TRAITEMENT DU CHOLÉRA
PAR LE SULFATE DE CUIVRE;
Par le docteur Lisle ,
Médecin en chef de l'*Asile des aliénés de Marseille.
« Marseille, le 16 octobre 1865,
« Monsieur le Rédacleur en chef,
« On me remet à l'instant le numéro "de la Gazelle dioMidi,
du mardi 10 octobre courant, dans lequel je trouve l'article
suivant :
On lit dans la Gazette des Hôpitaux : « M. le docteur Burq
« nous écrit de Toulon, etc., etc. »
« 11 y a dans ce petit article, des erreurs graves, et surloutune
omission des plus fâcheuses qu'il est de mon devoir de signaler,
sans aucun retard, à ceux de mes confrères qui seraient tentés
de suivre mon exemple. J'ai eu l'honneur, en effet, de recevou*
la visite du docteur Burq avant son départ pour Toulon, et,
dans une assez longue conversation que j'ai eue avec lui sur ce
sujet, je lui ai fait connaître sommairement les résultats que
j'ai o'btenus. Mais j'ai toutes raisons d'être étonné que M. le doc-
teur Burq, s' attribuant le droit de rendre ces faits publics, sans
mon autorisation, n'ait pas cru devoir dire en même temps que la
dose de sulfate de cuivre que j'ai employée est très-inférieure a
celle qu'il a formulée lui-même dans ses diverses publications, et
que je considère comme essentiellement dangereuse. Souffrez
donc. Monsieur le Rédacteur en chef, que je résume, à la hâte,
les faits observés pour les mettre au plus tôt sous les yeux de
vos lecteurs; ceux-ci, j'espëre, y trouveront quelques indica-
tions utiles, au moment où vous semblez menacés, à Pans,
d'avoir à passer par les cruelles épreuves que nous venons de
subir.
« L'épidémie cholérique, qui désole la ville de Marseille de-
puis trois mois, a été plus sérieuse et plus meurtrière qu'on ne
l'a cru au dehors. Elle a été grave, surtout dans notre asile, où,
sur une population de moins de 1,000 habilanls, nous avons
- lO/i -
eu, du 29 juillet au 1/, octobre courant, 68 cas de choléra par-
faitement caractérisés et plus de 150 cas de cholérine, embar-
ras gastrique et autres affections intestinales, dont le plus grand
nombre auraient produit le choléra, si elles n'avaient été arrê-
tées dès leur début, par un traitement énergique. Les 68 cas
de choléra, dontZ,0 ont été observés chez les hommes et 28 chez
les femmes, ont donné 35 décès, 17 chez les premiers et 18
chez les secondes.
(( Les quatorze premiers malades soumis à mon observation
dans la section des hommes ont été traités par les moyens le
p us généralement acceptés : excitants alcooliques, opiacés
glace, frictions et applications chaudes , etc.; quelques-uns onl
même été purgés au début. Sur ce nombre, 12 sont morts plus
ou moins rapidement; les 2 autres ont eu une convalescence
des plus difficiles et qui s'ést prolongée au delà de six semaines
Cela était peu encourageant. Je savais d'ailleurs que mes con-
frères n étaient guère plus heureux. Que faire cependant ? J'avais
bien lu dans les journaux de Marseille deux ou trois articles
recommandant vivement les préparations de cuivre, diaprés les
tdBes- plutôt théoriques que pratiques-dé 3L le docteur Burq mais
comme tant d'autres, je me défie de tous les remèdes vieux
ou nouveaux qui nous viennent par les journaux politiques.
Jjn ^tais là, lorsqu'on me communiqua votre numéro du
22 août dernier, contenant un long article de M. le docteur
Burq. sur les vertus prophylactiques des armatures et des sels
de cuivre. Quoique ce praticien ne parût pas avoir employé les
sels de cuwre a l'intérieur, et n'invoquât son expérience person-
nelle que pour le traitement des - crampes par des applications
externes d&ce métal, cela devenait plus sérieux, et je me décidai
a en essayer.
- « L'occasion ne tarda pas à s'en présenter. Le 30 août der-
nier, à SIX heures du matin, une jeune femme robuste et pleine
de santé, qui est à mon service depuis mon arrivée À Marseille,
fut prise tout à coup des symptômes les plus graves : diarrhée
séreuse, blanchâlre, riziforme très-abondante; un peu après
Vomissements incoercibles et crampes terribles, presque conti-
nues, occupant tous les muscles des membres inférieurs et
des gouttières vertébrales; pouls fréquent, petit, puis filiforme-
— 105 —
langue humide et fraîche, légèrement bleuâtre; soif ardente ;
peau plutôt fraîche que chaude ; yeux caves enfoncés dans leur
orbite et entourés d'un cercle bistré. Traitement. Potion com-
posée de : 1° Eau distillée de menthe, 120 grammes; — lau-
danum de Sydenham, ^|0 gouttes. — 2° Alcoolat de menthe,
ZiO grammes; — thé additionné de 150- grammes de rhum par
litre ; — frictions et applications chaudes sur la peau ; — quel-
ques morceaux de glace de temps à autre.
« Malgré, ce traitement, les symptômes s'aggravèrent rapi-
dement, et, à une heure, tout faisait présager une mort pro-
chaine; le pouls était tout à fait insensible ; la figure et la langue
cyanosées et froides; les extrémités étaient froides jusqu'au
genou et jusqu'au coude, et avaient pris une teinte bleuâtre ;
la diarrhée et les vomissements continuaient et n'étaient plus
volontaires; les crampes étaient toujours très-douloureuses.
C'est alors qu'après en avoir conféré avec mon collègue, chargé
du service des femmes, qui jugeait comme moi la mort immi-
nente, je me décidai à administrer à ma malade, dans une
cuillerée d'eau sucrée, en même temps que deux gouttes de
laudanum, quatre gouttes d'une solution de sulfate de cuivre,
préparée, je le croyais du moins, d'après les indications de
M. le docteur Burq. Une heure et demie après, un changement
inespéré s'était produit : les crampes et les vomissements
avaient diminué de fréquence et d'intensité ; l'expression de la
physionomie était moins anxieuse; la chaleur revenait peu à
peu; la langue surtout et l'haleine étaient moins froides;
cependant le pouls restait insensible et la diarrhée était encore
tibondanle. Je préparai immédiatement une potion contenant
cinq gouttes de laudanum et dix gouttes de la solution de sul-
fate de cuivre, qui fut administrée d'abord par cuillerées, puis
par demi-cuillerées, et d'heure en heure.
« Vers le soir, les crampes cessèrent complètement, et un peu
après les vomissements. Le pouls et la chaleur revinrent dans
la nuit ; la diarrhée, après avoir diminué également pendant
la nuit, était à peu près insignifiante dès le matin du second
jour. Enfin, quoique la soif fût encore très-vive, la malade se
trouvait déjà si bien qu'elle parlait de manger. La potion cui-
vreuse fut prise tout entière et ne fut pas renouvelée.
— lOG —
« Cependant, la période de réaction fut laborieuse et exigea
un traitement énergique (une saignée le troisième jour, sangsues
aux tempes, deux purgatifs, et enfin toniques). 11 est inutile
d'entrer dans de plus longs détails à ce sujet. J'ajoute cepen-
dant que, deux jours après l'invasion de la' maladie, la malade
put faire un voyage fatigant pour aller ^ans son pays, et
qu'aujourd'hui elle se porte à merveille.
« Ce fait me parut assez concluant pour faire cesser toutes
mes hésitations, et depuis ce jour tous mes cholériques ont
été soumis au même traitement. Cependant, j'ai peu à peu fait
subir à la formule quelques modifications que je vous ferai .
connaître tout à l'heure. Je dois auparavant vous soumettre
quelques chiffres dont je vous garantis la parfaite exactitude,
et sur lesquels j'appellerai très-série usemeut l'attention de vos
lecteurs.
« Je vous ai déjà dit que j'ai eu jusqu'ici, 40 cas de choléra
dans mon service, et je crains que ce ne soit pas encore fini;
le dernier est mort hier. Vous savez ce que' sont devenus les
14 premiers; les 26 restants ont été soumis au traitement par
le sulfate de cuivre, et 5 seulement sont morts, 21 ont donc été
guéris, et, chez le plus grand nombre, la convalescence a été
prompte et de peu de durée. La maladie réelle et sérieuse n'a
guère duré plus de vingt-quatre, quarante-huit ou peut-être
soixante-douze heures, et la convalescence, six, huit, dix ou
quinze jours, et, chez le plus grand nombre aussi, la période
de réaction a été ou nulle ou tout à fait insignifiante. Et, chose
digne de remarque, les principaux symptômes (crampes, vo-
missements, froid, diarrhée) ont suivi à peu près constamment,
dans leur diminution et leur disparition successives, la même
marche que chez la malade dont je viens de vous résumer l'ob-
servation.
« Cependant je dois insister sur un point essentiel : tous ces
malades étaient aussi gravement atteints que les premiers, au
moment où je les ai vus pour la première fois; tous, à une
exception près, avaient des déjections abondantes par haut et
par bas, dont la matière était des plus caractéristiques; tous
avaient des crampes plus ou moins violentes; chez tous, le
dernier excepté, les urines ont été supprimées pendant plus ù-..
— 1.07 —
vingt-quatre heures, et, chez plusieurs , pendant deux ou trois
jours; tous, moins trois ou quatre, offraient des traces évidentes
de cyanose, avaient- la langue et les extrémités froides à des
degrés variables, le pouls petit, filiforme, et quelques-uns tout
à fait insensible.
« Pour donner toute leur valeur aux faits qui précèdent, je
dois vous dire quelques mots des cinq malades qui ont suc-
combé.
« Le premier était atteint de paralysie générale an-ivée à sa
dernière période. Il était retenu au lit, depuis près de deux
mois, par une de ces diarrhées ultimes que rien n'arrête. On
peut dire que le choléra n'a réellement frappé qu'un cadavre.
« Le second est mort en sept heures d'un de ces choléras
secs qui, au dire de tous, tuent plus promptement et plus sû-
rement que l'autre. Il n'avait pu prendre que deux cuillerées
de la potion cuivreuse.
« Un autre est frappé subitement par des symptômes telle-
ment graves, que, dès la première vue, je jugeai tout traitement
devoir être inutile. Je lui administrai cependant le sulfate de
cuivre, qui parut enrayer un instant la marche de la maladie;
les vomissements, qui- étaient très-fréquents, cessèrent même
entièrement vers la troisième heure; mais les autres symptômes
s'aggravèrent rapidement, et le malade succomba après neuf
heures de souffrance.
« Les choses se sont passées tout autrement chez le qua-
trième : cet homme paraissait aussi gravement atteint pendant
les premières heures que le précédent; le pouls surtout était
complètement insensible, et est resté tel pendant onze heures
au moins ; cependant, une amélioration lente, mais constamment
progressive, se manifesta sous l'action du sulfate de cuivre ; si
bien que, vers la vingtième heure après l'invasion de la mala-
die, le patient paraissait entrer en pleine réaction. Cet état dura
deux jours, et le malade avait déjà pris un peu de bouillon et
de vin, lorsqu'il tomba dans un grand aff'aissement suivi d'un
coma profond dont ne purent le sortir ni des sinapismes fré-
quemment répétés, ni un large vésicatoire appliqué sur la
région épigastrique , qui parassait très-douloureuse, ni, enfin,
dix sangsues appliquées aux tempes. 11 est bon de noter qu'il
— 108 —
SlV"'/ ^" jo-^r, deux vomissements d'une
matière verdatre suivis de nausées très-pénibles. A la fin du
si'nalIT "''T ''^"'"^^'^"^ n'ont amais été
signalées que je sache, dans la période ultime du choléra^ J'y
reviendrai un peu plus bas. ^"uiera. y
déhilfn'ff •K,"'"'^"'^'"'' j'""' épileptique, d'une constitution
est m^rf h '"T ^'^'^"^^ '''"-^''''^ fréquentes,
est mo t hier, après quatre jours de maladie, sans avoir pré
sent d'autres symptômes du choléra que quelques vomisse-
ments caractéristiques et un refroidissement général qui lrès
p\":'E;:rr"^^^ refrudesceleUTn:
c. Aux chiffres qui précèdent, je dois encore ajouter un petit
oronTér r ^'^ ^^'^^^^P^^^ -^^^'^ de cuivre
qui on ete atteintes du choléra du 6 septembre au .8 octobre
courant, pendant que j'étais seul char^^é des deux services •
leur nombre a été de 6, en y comprenant toutefois une sœu;
hospi^lière et la jeune fille dont j'ai rapporté plus haut l'ob-
eivation. Sur ce nombre, 2 aliénées sont mortes, et, chez
toutes les deux, la mort est survenue à la fin du quatrième et
du cinquième jour, et a été précédée d'un coma profond et de
convulsions absolument comme dans le fait que j'ai observé
dans la section des hommes.
<( Ainsi donc en résumé : 68 malades hommes et femmes
ont ete atteints du choléra depuis son invasion à l'asile jusqu'à
ce jour. Sur ce nombre, 36 ont été traités par les moyens ordi-
naires et ont donné 28 décès pour 8 guérisons; 26 hommes et
6 femmes, ensemble 32, ont été traites par le sulfate de cuivre •
/ cie ces malades sont morts et 25 ont été guéris.
« Voilà les faits dans toute leur sincérité; je les olTre avec
confiance aux réflexions et à l'appréciation de mes confrères-
sont-Ils assez nombreux et assez concluante pour me permettre
a affirmer que j'ai définitivement résolu le problème de la guéri-
son du choléra? Ce que j'ai obtenu, au milieu d'une population
Cl aliènes que j'avais constamment sous la main et que je pou-
vais visiteràtouteheuredujouret de la nuit, se reproduira-t-il
— 109 —
partout et toujours dans des conditions bien différentes de la
pratique hospitalière et civile? Je ne sais vraiment qu'en penser.
Des expériences nouvelles, pratiquées sur une grande échelle,
pourront seules répondre d'une manière satisfaisante à ces dif- '
faciles questions. J'ose donc espérer que mon appel sera entendit
par des médecins des divers pays que l'épidémie peut envahir
encore, et que, avant peu, la lumière sera faite.
« En attendant, et avant de finir, permettez-moi. Monsieur
le Rédacteur en chef, de déterminer les conditions de ces ex-
périences en vous indiquant avec précision le mode d'adminis-
tration auquel je me suis arrêté, après les tâtonnements des
premiers jours. Je dois vous avouer d'abord que, malgré les
afjp,rmations si positives de M. le docteur Burq, je n'avais
accepté ses formules qu'en tremblant. J'ai lu avec beaucoup
d'intérêt dans votre journal, et plus tard dans une brochure
qu'il m'a remise lui-même , la relation de ses nombreuses re-
cherches sur la préservation à peu près constante des ouvriers
sur métaux. J'ai moins goûté ses vues théoriques sur la pré-
servation provoquée, dont les agents me semblent devoir être
ou inutiles ou dangereux.
« Cependant, je me plais à le dire bien haut, c'est cette lec- '
ture seule qui m'a décidé à tenter mes expériences ; si j'ai hésité
quelque temps, c'est que je ne comprenais pas comment un
malade, même atteint du choléra , pourrait avaler, sans un
danger sérieux, dans l'espace de vingt-quatre heures, 1 gramme,
et même beaucoup plus, d'une substance aussi active que le
sulfate ou l'acétate de cuivre. Il me semblait inévitable que
chaque prise fût suivie de vomissements violents, et je com-
prenais encore moins que les vomissements ainsi provoqués
dussent avoir une action curative efficace.
« Aussi, quel fut mon étonnement lorsque je vis, au con-
traire, ce symptôme si grave et si douloureux diminuer rapide-
ment, pour disparaître tout à fait sous l'action des médicaments
ingérés. Ce phénomène étrange s'étant l'enouvelé chez plusieurs
malades, je soupçonnais une erreur dans la préparation du
remède; je m'informai, et j'appris, en effet, que pour préparer
la solution titrée au cinquième que j'avais demandée, on avait
faitdissoudre 5 grammes desulfate decuivre dans 100 grammes
I
— HO —
d'eau distillée. Une erreur h peine croyable m'avait donné la
verilable formule, et tout me fut expliqué. On n'avait pas
même donné à mes malades le cinquième de la dose prescrite
Au lieu de les faire vomir, le sulfate de cuivre, pris a^isi, avait
été absorbé et porté dans le torrent circulatoire où il avait
neutralisé le poison cholérique. Il y avait là quelque chose qui
ressemblait beaucoup à l'action du sulfate de quinine dans un
accès de fièvre pernicieuse.
« Je n'ai pas besoin de vous dire, Monsieur le Rédacteur, que
je m'en suis tenu à ma solution au vingtième, tout en bénis-
sant le hasard heureux qui l'avait mise entre mes mains. Je fais
donc préparer une solution contenant :
Sulfate du cuivre grammes, 5
Eau distillée do ,jqq
« Puis, avec cette solution, je fais composer une potion con-
tenant :
Solution de sulfate de cuivre au 20'... i\ g'bOcenti"'
Laudanum de Sydenham 10 gouttes. °
^^^^^<^<-ée 120 grammes.
« Cette potion est administrée au malade le plus près qu'il
est possible du début de la maladie, à l'exclusion de toute autre
médication : dans les cas très-graves, par cuillerée à café de
quart d'heure en quart d'heure-, par demi-cuillerée à bouche
de demi-heure en demi-heure dans les cas moyens; et enfin
d'heure en heure dans les cas légers. On continue ainsi jusqu'à
ce que la chaleur soit revenue à la peau et à la langue, et que
le pouls se soit un peu relevé. Ensuite les prises ne sont plus
données que toutes les trois ou cinq heures, et l'on cesse com-
plètement aussitôt que l'état du malade permet d'espérer que
la période algideest terminée. C'est là la marche que j'ai suivie
à peu près constamment. Mais il n'est pas douteux qu'elle ne
puisse être modifiée suivant les circonstances. Cependant je
dois ajouter que, pour chaque prise successive, je n'ai jamais
donné au delà d'une demi-cuillerée à bouche de la potion,
sinon peut-être au début, dans les cas les plus graves, où je
commençais par une cuillerée entière.
« Les boissons qui m'ont paru les plus utiles sont, dans les
— 111 —
premières heures, du Ihé chaud additionné de bO à 100 gram-
mes de rhum par litre. Un peu plus tard la limonade cuite, le
riz acidulé, ou le sirop d'orgeat. Toutes ces boissons doivent
être prises, souvent et en petites quantités à la fois; j'ajoute
encore un petit morceau de glace toutes les demi-heures. Enfin,
le malade doit être couvert chaudement, mais sans exagéra-
tion : s'il est possible, enveloppé dans une couverture de laine,
mais seulement jusqu'au retour de la chaleur. Lorsque la réac-
tion opère, le malade peut prendre un peu de bouillon, et c'est
généralement le deuxième ou le troisième jour; je me suis
toujours bien trouvé d'une boisson composée de :
Vin vieux 0,25 centilitres.
Eau de Saint-Gaimier. . . 0,2S —
Eau ordinaire 0,50 —
« Quant à la quantité de sulfate de cuivre absorbée, elle a
varié entre h centigrammes et 20 ou même 23 centigrammes,
c'est-à-dire que chaque malade a pris, depuis la moitié seule-
ment de la potion indiquée ci-dessus, jusqu'à deux et même
trois de ces potions. Mais j'ai remarqué que, dans ces derniers
cas, la convalescence a toujours été longue et ditiicile. Elle a
présenté d'abord quelques symptômes cérébraux assez sérieux :
subdélirium ou même délire pendant la nuit, assoupissement
plus ou moins profond , et même un peu de coma ; puis un
état adynamique inquiétant qui, chez une sœur hospitalière
entre autres, a duré dix à douze jours, et a exigé l'emploi de
trois purgatifs salins et ensuite du quinquina.
« Ces symptômes étaient-ils uniquement la suite de la per-
turbation profonde imprimée à toute l'économie par le choléra
durant sa période algide? Cela est fort possible. Cependant,- je
suis porté à croire que le cuivre n'y est pas resté complète-
ment étranger. Voici quels sont mes motifs : l'absorption étant
très-peu active pendant la période algide du choléra, les doses
successives du médicament ingéré s'accumulent peu à peu
dans l'estomac, surtout lorsque les vomissements ont cessé. H
arrive alors nécessairement que, lorsque la période de réaction
commence, la faculté d'absorption se réveillant avec énergie,
une quantité desulfiite de cuivre, qui peut varier entre 5 et 10,
— 112 -
ou même 5 centigrammes, est portée rapidement dans le
torrent de la circulation, et détermine chez le sujet des phéno-
mènes d'intoxication d'autant plus graves que l'absoplion aura
été plus considérable.
« Ainsi s'expliqueraient, en partie du moins, les symptômes
ataxiques et adynamiques présentés par quelques-uns de mes
malades, et mieux encore le coma profond et les convulsions
qui ont précédé la mort de trois d'entre eux, ainsi qu'on l'a
vu plus haut. Si mon observation est juste, il en surgirait une
indication nouvelle qui consisterait à neutraliser l'excès du
sulfate de cuivre ingéré, soit en faisant vomir le malade dès le
début de la période dé réaction, soit en lui administrant une
quantité suffisante de fer réduite par l'hydrogène. La seule ma-
lade chez laquelle j'aie pu encore suivre cette dernière indi-
cation m'a paru s'en trouver très-bien. Elle avait pris 20 cen-
tigrammes environ de sulfate de cuivre, dont l'action toxique
a été prévenue à la fin du deuxième jour de la maladie par
l'administration de Z|0 centigrammes de fer réduit par l'hy-
drogène. Trois jours après, la malade a pu se lever, et sortir
de l'infirmerie le septième jour après l'invasion de la maladie.
« Une seule réflexion, et je termine : Si, comme la logique la
plus élémentaire m'autorise à le croire, les choses se soîU passées
comme je viens de le dire, que deviendraienl les malades auxquels
on administrerait les quantités de sulfate du cuivre conseillées
. par M. le docteur Burq? n E. Lisle.
Nous venons de donner in extenso la lettre de M. Lisle, nous
bornant à souligner certains passages qui auront certainement
frappé le lecteur, s'il a consenti à nous suivre jusqu'au bout.
Cette lettre fut tout un événement. Dès son arrivée à Paris,
dans les bureaux de l'Union médicale, l'honorable rédacteur en
chef, M. A. Latour, l'avait fait composer d'urgence; les journaux
spéciaux, la Gazette des Hôpitaux en tête, s'étaieçt empressés
de la reproduire ou d'en publier des extraits, et entre-temps,
M. le professeur Velpeau lui-même était venu, avec l'auto-
rité de sa parole, porter la question devant ses illustres collè-
gues de l'Académie des sciences. Les succès obtenus à l'asile des
ali énés de Marseille étant d'ailleurs indéniables, puisque, sans
— 113 —
parler de la véracité de l'honorable confrère qui les racontait,
les faits s'étaient produits au grand jour sous l'œil de l'admi-
nistration (1), avec un collègue et des élèves pour témoins, bien-
tôt il ne fut plus question que de M. Lisie et de son traitement.
Quant au véritable inventeur de la nouvelle méthode cura-
tive, M. Velpeau en avait bien dit quelques mots, mais on l'eut
vite oublié, et si parfaitement oublié qu'un peu plus lard, quand
fut venue l'heure de compter les meilleurs dévouements, des
deux volontaires Parisiens-, partis pour Toulon, celui-là seul qui
avait succombé trouva une place sur la liste de ceux qui étaient
signalés à la reconnaissance publique !...
En face des prétentions inouïes de M. le D'' Lisle, et de la
consécration donnée par nos confrères à cette usurpation fla-
grante de tous nos droits de priorité, comment garder le si-
lence?... Comment ne pas protester? Une autre très-grave raison
nous enjoignait, d'ailleurs, de parler. Nous avions vu à l'usage
• les doses de M. Lisle dans les hôpitaux de Marseille. Elles n'y
avaient rien produit. Eh! n'était-il point à craindre que les
résultats ne fussent les mêmes dans la pratique nosocomiale? Si
ces doses avaient pu se montrer suffisantes sur des malades
pris à temps , qu'attendre en etfet de quelques centigrammes
du remède administré tout près de la période ultime, si ce n'est
dans cette période même?... Cependant, après y avoir réfléchi,
nous jugeâmes qu'il valait mieux laisser faire, et différer encore
l'expression de nos sentiments. Les motifs de cette décision on
les trouvera bientôt dans notre réponse. Mais avant d'en venir à
celle-ci, nous croyons devoir raconter les faits qui suivirent,
en observant l'ordre de date dans lequel ils se sont produits.
Voyons d'abord ceux recueillis en ville, où le succès peut
être obtenu â moins de frais.
(1) L'Asile des aliénés à Marseille compte parmi les plus importants éta-
blissements de ce genre qui soient en France. 11 est situé dans la ville môme,
à peu de distance de l'hôpital de la Conception. Voisin de l'administration,
par conséquent, rien ne saurait s'y passer sans que les autorités, desquelles
relève directement le médecin, et qui soni ici, nous dit-on, d'une extrême
vigilance, en fussent aussitôt avertis...
8
— llZi —
UNION MÉDICALE (4 novembre).
CAS GÉJIELLAIUES DE CHOLÉRA CONSANGUIN ; — GUÉRISON IMMÉDIATE
DE LA CYANOSE ALGIDE PAR LE SULFATE DE CUIVRE.
I « Paris, 30 octobre 18G5.
« Monsieur et très-honoré confrère,
« Appelé, le 2S octobre dernier, à soigner M"^ Legendre, âgée de
soixante-dix ans,- rue Traversine, n" 31, j'observais, après une seule
nuit d'invasion diarrhéique, un choléra demi-sec, la cyanose algide,
aphone, anurique. Conditions hygiéniques mauvaises, logement insuf-
fisant, 16 mètres carrés séparés en deux chambres; mais famille dé-
vouée, esclave de l'ordonnance. J'entrepris le traitement à domicile.
Prescription : Ipéca, 2 grammes; laudanum, 40 gouttes; bain de
moutarde ; thé, rhum.
« 26 octobre. Un peu de réaction; filet de voix revenu; oppression.
« 27 octobre. La réaction est profonde. Je venais de lire la note de
Lisle, mon ancien collègue de concours. Je fais tomber 30 gouttes de
sulfate de cuivre au vingtième dans cinq cuillerées d'eau; j'en fais
prendre une d'heure en heure.
« 28 octobre. La réaction est rétablie; la cyanose effacée; l'algidilé
convertie en sueur chaude; la période de dépression est surmontée;
il reste la réaction à ménager ou à combattre.
« Mais, dès le 27 octobre, un autre drame commençait dans la pièce
voisine. La fille, Richard, trente et un ans, nourrice, était couchée
après une nuit d'invasion diarrhéique, cyanosée, algide, aphone.
« Prescription : Sulfate de cuivre, 30 gouttes versées par moi dans
cinq cuillerées d'eau, thé, sinapisme.
« 28 octobre. Pleine réaction immédiate, après quinze heures à
peine de cyanose algide.
« 29 et 30 octobre. La réaction continue franche, nette, sûre pour la
fille; un peu moins vive pour la mère, que je rends au régime tonique
et alimentaire (vin, potage).
« Le sulfate de cuivre, que je me propose d'employer ainsi dans
chaque occasion où le traitement à domicile sera possible, m'était déjà
connu comme le plus énergique des excitants dans la chorée, dans le
croup, etc.; il me paraît guérir la cyanose, mais non la réaction. En
remontant l'organisme, il ferait la moitié dè la besogne. Reste encore
— 115 —
la réaction à combattre : mais c'est déjà beaucoup que d'abréger ou
môme de supprimer la période asthénique.
« Agréez, etc. D"- Blandet,
« Membre de la Société médico-chirurgicale. »
UNION MÉDICALE (-11 novembre).
TRAITEMENT DU CHOLÉRA PAR LE SULFATE DE CUIVRE.
« Monsieur et honoré confrère,
c( Vous faites appel à ceux qui auront essayé le traitement du cho-
léra par le sulfate de cuivre, pour qu'ils fassent connaître les résultats
qu'ils en obtiennent. Si petit que soit encore le nombre des cas dans
lesquels j'ai appliqué ce moyen, je m'empresse de vous apporter
ma part de renseignements.
« Peu satisfait des médications que j'avais jusque-là employées
contre le choléra conBrmé, sitôt que j'eus connnaissance, par l'UmoN
MÉDICALE, des succès qu'avait obtenus M. le docteur Lisle, à l'asile
des aliénés de 3Iarseille, au moyen fie la solution étendue de sulfate
de cuivre, je me décidai à l'expérimenter à mon tour.
« Le 26 octobre au malin, je fus appelé, pàr une lettre du bureau de
bienfaisance, rue Ducouédic, 55, auprès de la veuve Toutain, que je
trouvai en proie aux plus graves accidents d'une attaque de choléra,
précédée d'une diarrhée survenue la nuit précédente seulement : vo-
missements, crampes, voix éteinte, pouls filiforme, cyanose. J'ajoute
que cette femme, âgée de cinquante et un ans, restée veuve avec
quatre enfants encore jeunes, a une constitution épuisée par les pri-
vations.
« Je prescrivis une potion de 160 grammes de liquide édulcoré, avec
12 gouttes de laudanum et 1 décigramme de sulfate de cuivre, ce qui
est sensiblement la même proportion qu'emploie M. Lisle (ls,50 d'une
solution au 20", soit 75 milligrammes de sel cuprique, pour une potion
de 120 grammes). Je fis donner le médicament par cuillerée à café
de quart d'heure en quart d'heure, comme l'emploie notre confrère de
Marseille pour les cas graves.
« Et à ce propos, je demande un éclaircissement : M. Lisle adminis-
tre sa cuillerée à café de quart d'heure en quart d'heure dans les cas
graves; par demi-cuillerée à bouche de demi-heure en demi-heure
dan^ les cas moyens; or, cela fait la môme quantité de substance ac-
— 116 —
tive dans les deux sortes de cas. N'y a-t-il pas eu là une faute d'im-
pression?
« Je reviens à l'efTet observé sur ma malade : les selles et les vomis-
sements furent arrêtés dans la journée; le froid delà peau diminua
un peu. Le soir, je fis éloigner le moment de prise de la potion.
« Le lendemain 27, la prostration restant très-grande, j'ajoutai à
l'emploi de la solution cuprique celui d'une potion à l'extrait de quin-
quina, et l'application d'un vésicatoire sur l'épigastre pour combattre
l'étouffement qu'accusait la malade.
« Le dénoûment n'en fut pas moins fatal : la veuve Toulain expira
le 28 au soir. Mais c'était là, je dois le dire, un cas qui, à première
vue, m'avait paru désespéré.
« Le 26 encore, dans l'après-midi, je fus appelé rue d'Alembert, 7,
pour un homme de trente-six ans, présentant des conditions inverses :
une constitution vigoureuse et sanguine, mais l'habitude des boissons
alcooliques, dont ses relations de commerce lui offrent trop souvent
l'occasion d'user. Celui-ci avait eu, depuis la veille au soir, une qua-
rantaine de selles, et, depuis le matin, des vomissements incessants.
Pouls médiocre, température de la peau abaissée, point de crampes.
Potion de 190 grammes avec centigrammes de sulfate de cuivre
et 15 gouttes de laudanum.
« Dans la nuit, cessation de la diarrhée, mais persistance des vomis-
sements de plus en plus pénibles : ce qui me fait renoncer, à partir
du lendemain .matin, à la solution cuprique, de peur qu'elle ne fût
elle-même pour quelque chose, par sa propriété vomitive, dans ce
fâcheux symptôme. Le sous-nitrate de bismuth, la potion laudanisée
éthérée, celle de Rivière, un vésicatoire à l'épigastre, rien ne put
triompher de ces vomissements, accompagnés de lipothymies, d'un
sentiment d'étouffemenl, d'un malaise général qui s'exaspéraient
chaque nuit, l'affaiblissement du malade et le refroidissement de la
peau allant toujours en augmentant.
« Une application de trois sangsues à l'épigastre, le l.^"" novembre,
amena un répit passager. Mais, dès que le sang eut cessé de couler, •
retour des vomissements, et la petitesse du pouls, les syncopes immi-
nentes, ne me semblaient pas permettre une nouvelle émission san-
guine.
« M. Woillez, appelé en consultation le 3, conseilla l'application d'un
nouveau vésicatoire à la môme place que le premier, l'essai du vin de
quinquina au malaga par cuillerée; enfin une potion avec un gramme
de teinture de hachisch à prendre par cuillerée à soupe de deux en
deux heures. C'est ce dernier moyen seul qui a paru diminuer la fré-
quence dos vomissements, sans toutefois ramener la chaleur ni la sé-
— 117 —
crétion urinaire. Suivant une indication publiée dans I'Union Médi-
cale du jour, j'ai, le 4, badigeonné, non pas la surface abdominale,
qui était occupée par un vésicatoire, mais la gouttière rachidienne,
depuis la nuque jusqu'aux lombes, avec du collodion riciné, et j'ai
recouvert le badigeon d'une couche d'ouate.
« Ce matin, pour la première fois, j'ai trouvé la peau de mon malade
réchauffée ; il a rendu, en quatre fois, environ un verre d'urine. Il
avait commencé, dès la veille, à garder des bouillons et môme une
couple de cuillerées de potage au tapioca. — L'état du malade con-
tinue de s'améliorer. Le succès me paraît dii essentiellement au ha-
chisch, que M. Woiilez a reconnu plutôt efficace contre les vomisse-
ment que comme moyen de rétablir la chaleur normale.
« Jusqu'à présent, l'emploi du sulfate de cuivre [aurait semblé peu
avantageux entre mes mains ; voulant me conformer exactement aux
indications de M. Lisle, j'ai fait préparer par M. Bernard, pharma-
cien, route d'Orléans, 63, une solution au lOO" dont j'ai fait mettre
7 grammes dans les potions de 120' grammes prescrites aux malades
suivants du Bureau de bienfaisance ;
« '1° Femme Thomas, cinquante et un ans, '187, route d'Orléans. Le
27 octobre, diarrhée riziforme, vomissements et crampes; point de
cyanose marquée. Cessation graduelle des accidents à la suite de l'ad-
ministration de la potion cuprique. Aujourd'hui, guérison.
« 2" Le mari de la précédente malade, âgé de soixante et un ans,
présente, trois jours plus tard, les mômes symptômes. Administration
du sel de cuivre pendant douze heures, par demi-cuillerée à soupe,
d'heure en heure, puis de deux en deux heures seulement. Chez lui,
la diarrhée et la prostration ont duré plus longtemps que chez la
femme : il est resté alité jusqu'au 5.
« 3° Le fils de ces derniers, Paul, âgé de vingt-deux ans, est attaqué
bien plus gravement, le 2 de ce mois, après deux jours de diarrhée.
Je le trouve couché, avec son père, sur une paillasse étendue par
terre, il n'y a, dans le cabinet étroit occupé par toute cette famille,
composée de cinq personnes, cabinet sans foyer, qui n'est éclairé et
aéré que par une petite lucarne et par la porte, il n'y a qu'un lit de
sangle et une paillasse étendue sur le carreau. La potion, ou 7 centi-
grammes de sulfate de cuivre, qui, par l'erreur ou la négligence de *
son entourage, n'a commencé à lui ôtre donnée que six heures au
moins après le début des crampes, a fait graduellement cesser les
symptômes alarmants. Ce malade a pris deux potions, soit 14 centi-
grammes de sel cuprique. Il est encore alité, mais en voie do gué-
rison.
« 4" Dans la même maison, au deuxième étage, l'enfant Maillot, Agé
— 118 —
de vingt mois, qui, malgré la défense de la mère, a été conduit sur
le palier et dans la chambre des précédents malades, a été atteint de
diarrhée le 3, et de vomissements avec refroidissement prononcé le 4.
Cot enfant ne sortait d'un état de mort apparente en jetant le cri hy-
drencéphalique qun pour vomir ou présenter des mouvements con-
vulsifs .des bras et du visage, puis il retombait dans le coma. Il lui a
été administré une potion de 50 grammes de liquide avec 2 centi-
grammes de sulfate de cuivre. En le quittant le soir, je n'espérais pas
le retrouver vivant. Contre mon attente, il s'est réchaufTé et ranimé.
Aujourd'hui, il est, quoique très-abattu, dans un état qui donne tout
espoir.
« 5° Enfin, avenue du Commandeur, -12, maison oiî il est déjà mort
un cholérique, le nommé Philippe, âgé de quarante ans, atteint de
diarrhée blanche, de vomissements et de crampes violentes dans la
matinée du 31 octobre, est promptement sorti du danger à la suite de
deux potions au sulfate- de cuivre (14 centigrammes).
« En somme, voilà sept cas dans cinq desquels la solution cuprique
a paru manifestement avantageuse. C'est assez pour encourager à con-
tinuer, contre le choléra confirmé, l'emploi de ce médicament, dont
l'idée première appartient au docteur Burq, il est juste de le recon-
naître et il convient de le rappeler.
« Veuillez agréer, etc. D-- Ch. Pellarin.
« Paris-Montrouge, 7 novembre 1865? »
GAZETTE DES HOPITAUX (28 juillet 1866). '
DEUX GUÉRISONS DU CHOLERA PAR LES SELS DE CUIVRE.
« Le 31 octobre 1865, à 7 heures du matin, je fus demandé dans
la maison que j'habite, rue des Bons-Enfants, nMO, pour donner des
soins au sieur P...., employé dans un grand journal de Paris.
« M. P... est âgé de vingt-huit ans, il est très-nerveux; très-im-
pressionnable, mais d'une bonne santé habituelle. Sa vie est régulière.
Dans la journé du 30 il fait plusieurs courses à pied, quoique déjii
•un peu souffrant. Dans la nuit, diarrhée extrêmement abondante,
mais pas de crampes. Le malade s'inquiète et, à ma visite, sa physio-
nomie exprime l'anxiété. Il est abattu, son pouls est très-petit et
fréquent, les yeux sont cerclés de noir, la peau commence à se re-
froidir, et les selles, copieuses et parsemées de petits flocons blan-
châtres comme des grains de riz clair-semés, se succèdent avec ra-
pidité. M. P.... en a plusieurs en ma présence, le liquide coule comme
— 119 —
de source. Les boissons sont vomies avec des matières bilieuses et
glaireuses.
« Traitement : Ipéca, puis potion de Rivière, glace, boissons aro-
matiques, potion calmante, laudanum, friction avec pommade au chlo-
roforme, %inapismes, lavements amidonnés, astringents, décoction
blanche additionnée de sous-nitrate de bismuth, etc.
«Je revois plusieurs fois M. P.... dans la.journée, et malgré des
soins assidus et l'emploi des moyens ci-dessus l'affection s'aggrave •
d'heure en heure.
« Le 1" novembre au matin, face grippée, yeux caves, peau froide
et cyanosée, crampes, vomissements et selles avec coliques, pouls
très-petit et très-fréquent; le wakcJe e7oî«/fe.
« C'est alors que, supprimant toute autre médication, j'eus l'idée
d'expérimenter la potion au sulfate de cuivre, selon la formule pu-
bliée par M. le docteur Lisie dans V Union médicale, et dès la pre-
mière cuillerée le malade éprouve nn mieux sensible. A partir de ce
moment M. P.... n'a plus vomi qu'une seule fois : l'étouffement a été
comme jugulé, peu à peu les selles se sont éloignées, sont devenues
moins abondantes, et ont pris une coloration brune. La cyanose a
disparu, la chaleur est revenne ; il n'y a plus eu ni coliques ni crampes.
Ce qui m'a surtout frappé dans ce changement de scène, c'est la sou- .
daineté.
« Le malade a pris deux potions en trois jours. Dès le 5, M. P....
entrait en convalescence, et le 7 je lui faisais ma dernière visite.
Quelques jours après, le malade guéri venait me remercier.
« Après la soudaineté de la guérison, c'est la rapidité de la con-
valescence qui m'a le plus surpris.
« Agréez, etc. Berger.
« Paris, 1" mai 1866. »
D'un autre côté, un éminent confrère, M. le D^ Ârnal, médecin
de Sa. Majesté l'Empereur, a bien voulu nous transmettre les
notes suivantes que nous transcrivons textuellement :
« M"'" X, bien portante, prise la nuit de vomissements, diarrhée
blanche, huit à dix garde-robes, douleurs épigastriques, crampes,
froid, sans coloration, grande terreur.
« Le matin potion gommeuse de 120 grammes avec sulfate de cuivre
0,05 additionnée de quelques gouttes de laudanum- (pour établir la
tolérance), une cuillerée toutes les heures. Amélioration progressive.
Le lendemain, bien complet.
« D"" Arnai,. »
— 120 —
Le tait de M. le Arnal ferme la série des succès obtenus en
1860 dans la pratique privée... des succès connus, autlmitiques
iMen entendu car comment supposer que le traitement dû
choléra par les sels de cuivre n'ait point rencontré d'autres
adhérents, et combien de confrères qui pourraient, saîs doute
témoigner encore en sa faveur!... Pour nous, nous n'avons per-
sonnellement que fort peu à y ajouter. Revenu à Paris vers les
derniers jours d'octobre seulement, c'est-à-dire alors que l'épi-
démie était tout près de sort déclin, nous n'avons eu à traiter que
cinq malades. Tous ont guéri, mais aucun n'était atteint d'une
manière assez sérieuse pour être présenté comme exemple Deux
cependant ont ont offert de l'intérêt... Le premier fut un étran-
ger domicilié aux champs-Élysées... Indisposé depuis plusieurs
jours, le 4 novembre, M. X... en était arrivé au chiffre de dix
à douze garde-robes dans la journée. Vers 4 heures nous lui
prescrivionspotionàlO centigr., l/ide lavementà 0,40 centigr
plus une armature sur le tronc, et déjà le soir à 10 heures il
avait une selle demi-consistante. Dès le lendemain, tous les ac-
cidents étaient conjurés.
Le second était un employé de commerce, domicilié rue
Papillon, 6. Depuis quatre jours cholérine intense qn'on avait
cherché vainement à combattre par le bismuth, l'opium, etc.
21 novembre, plusieurs selles caractéristiques, vomisse-
ments, commencement du froid, grande frayeur. Le soir, à
huit heures, nous instituons le traitement par le cuivre intus
et extra. (Pot. à 15 centigr. et lav. à 40.) 24 heures après, plus
d'évacuation d'aucune sorte, et le deuxième jour (23 au matin),
nous faisions déjà à N... notre dernière visite.
Passons maintenant aux faits de la pratique hospitalière :
NAPLES, HOPITAL SAINTE-MARIE-DE-LORETTE.
Nous avons écrit à Naples à M. le D^ de Rogatis pour savoir
ce qui s'y était passé concernant le traitement. Voici la réponse
de notre très-distingué confrère.
«•Naples, le 24 novembre 18G5.
« Monsieur et très-cher confrère,
« Je vous adresse mes plus vifs remercîments pour l'aimable lettre
que vous avez bien voulu m'écrire, et je me félicite que mon petit
opuscule ait été jugé cligna de votre approbation. La lecture d'un
simple abrégé du mémoire que -vous avez présenté, le 20 août dernier,
à l'Académie des sciences m'a tellement intéressé , que je me suis
fait un devoir de répéter dans ces provinces les recherches que vous
avez faites en France et ailleurs. Ayant obtenu mêmes résultats,
touchant les faits de la préservation spontanée de tous les ouvriers
en cuivre, je ne pouvais point ne pas partager toutes vos idées sur
la vertu du cuivre contre le choléra. Je me suis donc mis à en pro-
pager l'usage, et comme préservatif artificiel et comme moyen curalif
probable, préférable en tous cas à tous les autres expédients auxquels
on a eu recours vainement jusqu'à ce jour... L'usage des plaques
de cuivre s'est répandu généralement durant l'épidémie actuelle, et,
aillant que je puisse le savoir, aucun de ceux qui les a employées n'a
été frappé du mal. Il n'en a point été de même pour l'usage interne
du sulfate de cuivre, que tous ont repoussé par crainte de son action
toxique. Dans la pratique civile il ne m'a point été possible d'expéri-
menter la vertu de ce remède sur les cholériques, parce que je me
serais exposé à la fureur du peuple qui nous regarde comme des em- ^
poisonneurs stipendiés par le gouvernement. Cependant je désirais
ardemment faire quelques expériences, et celles-ci ne pouvaient avoir
lieu que dans l'un des trois hôpitaux de cholériques organisés à Naples
dans cette triste occurrence. J'avais besoin de l'autorisation de la
commission médicale de surveillance, instituée à cette occasion par
l'autorité gouvernementale et municipale : cette commission, composqe
des professeurs les plus renommés, n'a point accepté la première fois
ma proposition. Après quelques jours, je lus dans la Gazelle des
Hôpilaux du 22 octobre 4863, la lettre de M. le D-- Lisle, et l'encou-
rageante statistique des succès qu'il a obtenus à Marseille par la mé-
thode que vous préconisez, toutefois en modifiant vos doses.
« Cette lettre ranima mon courage! Le lendemain je me présentai- de
nouveau à la susdite commission. Je lui tins un langage ferme. Je lui
soumis le numéro du journal. A l'unanimité je fus autorisé à faire
quelques expériences à l'hôpital Sainte-Marie-de-Lorette, mais seule-
ment sur les malades gravement atteints et! encore avec les doses de
M. Lisle : je pouvais à peine croire à une telle concession. J'acceptai
donc, malgré des conditions si dures.
-- 122 —
« Samedi, ^8 novembre, à l'heure de midi, on m'assiçna trois
femmes, dont une nouvellement accouchée. Deux taient a glTdep
cœrdSs! caractéristique et vomissements^n:
« La troisième était algide, cyanosée, dans le coina; toutefois le
pouls était encore un peu sensible toutelois le
«Au bout de deux heures, dans les deux premiers cas, j'avais obtenu
delWn "-"P''^' des vomissements et une diminution notable
traite '^^'^^^^"'î"^ ^e la soif; et après cinq à six heures de
tra tement je constatais chez les trois malades la réapparition de la
uisr;:r''%'" 'T''''^^ ^^^"^ -^'^ " - p- ^
fel s a .f'f ^«-^ du sang sontdevenues
te les que le médecin de garde, auquel j'avais été obligé de confier
appoint et, suivant lavis que je lui en avais laissé, a suspendu le.re-
« Le lendemain 1 9, à six heures et demie du matin, j'ai retrouvé les
a "éesT'l '''' - je les a^
sorel^ Ixp^alt ^""^ ' ^'^^ =
' rlnL'^ ^"''•«^ "^^'«des restait toujours
dans le même état, c'est-à-dire chaude, sans vomissement, sans dou-
ieur epigastrique; l'autre commençait de nouveau à se refroidir un
peu... A ce moment finirent mes expériences, parce que le chef de
service, guide par des considérations purement morales, pensa que cette
malade, qui avait le mieux profité du remède, pourrait être sauvéeavec
un Min et un léger excitant. En présence de cette substitution de
traitement, je me relirai, et sur trois cholériques très-graves l'un est
mort et les deux autres sont restés avec un résultat incomplet.
« J exposai ces faits au président de la commission, M. le professeur
irudenle, qui me répondit qu'il était indispensable de reco'mmencer
les expériences dans un autre hôpital, vu que dans celui de Lorelte
on avait entendu dire par des infirmiers et par d'autres personnes
qu on administrait du poison, et qu'il était à craindre qu'il ne sortît
(le la une tempête contre les professeurs et surtout contre moi.
« La commission n'a pas tenu de nouvelle séance, et par conséquent
Il n .y a point eu de nouvelles expériences. Si l'on me confie des ma-
lades moins graves, c'est bien. Dans le cas contraire, je n'accepterai
pas, et pour mon honneur et pour ne pas faire tomber en discrédit
le traitement que nous voulons propager, vous en Franco et moi en
Italie, dans l'intérêt de l'humanité et de la science.
« D-" Alfonso de Rocatis. »
MARSEILLE. — (Hôtel-Dieu et hôpital de la Conception.)
Dans les hôpitaux de Marseille, les sels de cuivre ont été em-
ployés, à notre connaissance, 13 fois, savoir : 8 fois par
M. "Seux à l'Hôtel-Dieu ; 2 fois par M. de La Souchère, et 3 fois
par M. Bernard à l'hôpital de la Conception, mais toujours aux
doses indiquées par M. Lisle. Les résultats ont été à peu de
chose près ce qu'ils sont d'ordinaire : dans deux cas seule-
ment ces doses ont été dépassées, et alors les effets du traite-
ment ont été ce que nous allons dire.
Dès le premier jour de nôtre arrivée à-Marseille, nous avions
l'honneur d'apprendre, par la houche même de M. le D-"^ Seux,
que 6 cholériques avaient été traités dans ses salles, à l'Hôtel-
Dieu, par les sels de cuivre, et que 3 sur les 6 avaient suc-
combé... Nous demandons la quantité de sel administrée :
M. Seux nous répond que pour k malades elle a été de 5 cent,
et pour 2 autres de 20 centigr. Nous nous récrions sur l'exi-
guïté des doses, et nous invoquons les résultats des expérien-
ces déjà faites sur nous-môme : nous disons les succès obtenus
en 185^ au prix seulement de doses 5 et 6 fois plus considéra-
bles, et notre honorable confrère, un peu rassuré par nos pa-
roles, nous promet d'oser davantage à la première occasion.
Le lendemain, à sa visite, M. Seux tient parole. A, 2 choléri-
ques algides, n° 7 et 10, il administre 50 centigr. en lavement,
plus une potion à 10 centigr. à renouveler l'une et l'autre un
peu plus lard. Arrivé peu de temps après dans le service,
nous trouvons le n° 10 dans le plus triste état. Il a bien déjà
pris son lavement et une cuiller de la potion, mais nous som-
mes d'avis que cela ne sutiit pas, et, comme le temps presse,
nous insistons auprès de M. le D^ Dauvergne, chef interne de
l'hôpital, pour que le malade avale sur-le-champ toute sa po-,
tion. Cela se fait. On renouvelle la potion, qui est prise ensuite
par cuillerées: plus tard, deuxième lavement à 50 centigr., nt
qudques jours après, à notre ^retour de Toulon, nous avions la
— m —
salisfacUon de retrouver le malade tout à fait convalescent
Son vo.sm le n» 7, qui avait reçu à peu près le même traite'
ment, avait échappé lui aussi au choléra, mais pour succomber
double ' """"''"^ convalescence, à une pneumonie
A l'hôpiial de la Conception, il y a eu 1 mort et Z, guérisons
Mais hatons-nous de dire que sur les Z,, 3 étaient précisément
des religieuses de la maison, c'est-à-dire des malades qui
comme les pensionnaires de M. Lisle, se trouvaient presque
sous la main du médecin... M. le Bernard avant pu interve-
nir à temps, 20 cenligr. lui ont suffi.
En résumé, sur 13 cholériques traités par les sels de cuivre
6 morts, dont i par pneumonie double survenue après que là
période la plus grave de la maladie avait été heureusement
ranchie, voilà les faits-qui se sont passés dans les hôpitaux de
Marseille : en dehors de l'asile des aliénés.
De tels résultats, si l'on retranche les deux malades n» 7 et
10, qui ont été traités d'après nos indications, n'étaient «^uère
en faveur des prescriptions exclusives de M. Lisle; mais à^ôfé
de ceux dont nous allons parler, c'est presque un triomphe 11
est vrai de convenir que dans les expériences qui vont suivre
les cas choisis étaient en général de ceux où le remède réus-
sissant, la démonstration ne devait rien laisser à désirer même
aux yeux des plus difficiles. On en jugera du reste par les aveux
mêmes des expérimentateurs, ou par la rapidité du dénoû-
ment.
• PARIS. — (HÔPITAL Saint-Antoine.)
« Je n'ai point fait usage des préparations de cuivre dans une
mesure assez étendue, pour être en droit de louer ou de blâ-
mer cette médication, car elle n'a été administrée qu'à 3 de
nos malades ; tous trois ont succombé, mais il est vrai de
dire qu'ils étaient arrivés à l'algidité complète presque asnhyxi-
que. ''
. « D'' Mesnet » (déjà cité).
(Ext. des Arch. gén. de Médecine.)
HÔMTAi. Saint-Louis. — « Le traitement a toujours été des
— 125 —
plus simples: M. le D"^ HiUairet, laissant de côté les moyens
empii-iques, a traité le choléra comme toute ^autre maladie.
Une seule fois, dans un cas désespéré nous avons essayé sans
succès la potion au sulfate de cuivre à 25 centigr. »
(Ext. de la Gaz. des Hôp., 28 août 1866).
-HÔPITAL Beaujon. — '( Je ne crains pas de ranger ici {moyens
empiriques réputés spécifiques) le cuivre sous toutes ses formes,
à l'état métallique ou à l'étal de combinaison saline.
« M. Burq vante ses armatures métalliques; » M. Lisle, le
sulfate de cuivre, préconisé aussi par M. Blandet, qui le consi-
dère com'me le plus énergique des excitans dans la chorée et
le croup, et adopté par M. le D-^ Pellarin.
« Quant aux armatures, je n'en comprends l'utilité possible
qu'à titre de palliatif des contractures douloureuses, et rien ne
prouve qu'elles puissent faire autre chose.
« Malgré les prétendus faits d'immunité observés chez les
ouvriers qui travaillent le minerai de cuivre, le sulfate de ce
métal ne m'inspirait aucune confiance. Toutefois, cédant à la
sollicitation d'un maître vénéré et d'un de nos honorés con-
frères de la-presse médicale, je consentis à prescrire. un jour
les préparations cupriques à l'hôpital Beaujon. Six malades
nouveaux reçus dans une journée du mois d'octobre furent
mis à l'usage de la potion de sulfate de cuivre, d'après la for-
mule publiée par M, leD' Lisle. Le lendemain, 5 de ces mala-
des étaient morts. Le sixième seul a survécu. Je n'accuse pas
le médicament d'avoir aggravé le mal et accéléré la terminai-
son fatale, je constate seulement qu'il s'est montré impuissant,
ce qui me porte à croire que les succès obtenus ailleurs ne lui
sont pas imputables.
(( D'' GUBLER. »
{Exl. du DuL gén. de Thérapeutique, 28 février 1866.)
Malgré les prétendus faits d'immunité (qu'a donc à opposer à
ces faits M. le D-- Gùbler?) cédant à la sollicitation d'un maître
vénéré, je consentis, etc.
Voilà certes de quoi témoigner de la bonne volonté de notre
savant confrère en faveur de l'idée nouvelle!...
— 126 —
Pendant qu'à l'hôpital Beaujon s'accomplissait cet acte de
haute condescendance... l'essai cl' U7i remède qui venait de gué-
rir 25 cholériques sur 32... un honorable confrère de \I. Gubler
nous proposait de son côté de nous livrer tous les choléras al-
fjides de son service, mais le conirère en question ne voulait
nous livrer que ceux-là : les sels de cuivre les guérissant, alors
et alors seulement il devait se rendre!... 11 y avait là sans doute
pour la métalIoLhérapie comme tout un gnînd honneur en per-
spective, mais nous n'étonnerons personne en disant que son
auteur s'est empressé de le décliner, et de réserver son inter-
vention pour telle circonstance où liberté entière lui serait
concédée, sous la seule garantie d'un contrôle efficace.
Mais poursuivons.
HÔPITAL Laiuboisière. — « Le 2k octobre, M. le Burq vint
. demander à M. Pidoux d'essayer le sulfate de cuivre dans son
service. La conviction profonde de cet honorable médecin, les
succès qu'il annonçait comme certains, immédiats, si l'on voulait
renoncer à toute prévention fâcheuse, les résultats heureux
obtenus par M. le Lisle, à Marseille, tout cela fit consentir
M. Pidoux à ce qu'une épreuve fût tentée dans son service.
« Voici comment le médicament fut formulé :
Julep gommeux de 150 gr.
Sulfate de cuivre ammoniacal, 75 centigr.
Laudanum e gouttes.
« Cette potion était à prendre par cuillerées à bouche toutes
les heures, et on donnait, en outre, un quart de lavement
chaque jour avec 50 centigr. de ce sel.
« Sur 9 malades soumis à ce traitement, il y eut 8 morts, sans
amélioration même passagère; et la seule malade qui ait 'çuéri
avait refusé de continuer l'uâage de la potion qui la faisait vo-
mir et lui laissait dans la bouche un arrière-goût insuppor-
table.
« D"" Stoufflet. »
(Ext. de la Gaz. des Hôp., H août.)
L'auteur de ces lignes est le confrère anonyme, dont nous
avons entendu parler plus haut. C'est dans sa thèse inaugurale
— 127 —
que M. Stoufllet les avait d'abord écrites avec quelques autres
plus précieuses encore sur la préservation. Ce n'était point
assez, il paraît, pouvnoîre antagoniste de s'attaquer à celle-ci,
il lui fallait encore s'en prendre au traitement et à son au-
teur. Un extrait de la réponse que nous avons adressée à la
Gazette des Hôpitaux k cette occasion, permettra déjà de juger
les procédés d'argumentation à l'usage de notre jeune con-
frère.
REVUE CLINIQUE. (D- Baochin).
« L'exposé sommaire qui a été fait, dans la revue clinique du
11 août dernier, du résultat des essais de traitement du cho-
léra par les sels de cuivre, dans le service de M. Pidoux à
l'hôpital Lariboisière, a provoqué de la part de M. le docteur
Burq une réclamation à laquelle il nous a paru juste de faire
droit, tout en réservant, bien entendu, notre appréciation
ultérieure sur la valeur réelle de cette médication encore eu •
ce moment en voie d'expérimentation.
« M. Burq, dans la lettre qu'il nous a fait l'honneur de nous
adresser, commence par protester contre les expressions qui
lui auraient été prêtées, dit-il, de succès annoncés comme cer-
tains et immédiats, tandis ([ue dans toutes ses publications il
n'a jamais prononcé d'autre expression que celle d'espé-
rances, ainsi que cela résulte des textes qu'il rapporte. Cette
protestation, dont nous reproduisons ci-dessous les termes,
est suivie d'explications sur l'insuliisance des doses administrées
qui nous paraissent nécessaires pour bien apprécier tous les élé- '
ments de la question.
« Quant à la question du traitemenf, dit-il, il m'importe beau-
coup que chacun sache que sur ce point je n'ai cessé de faire
des réserves.
« Je disais dans mon mémoire à l'Académie des sciences, le
21 août 1865 :
« J'ai traité en 1853-5/i des cholériques
» {Voir plus haut, p. 30 et suhi.)
« 11 ne peut donc point être vrai que sur les effets futurs du
traitement, j'aie affirmé quoi que ce soit, à M. le docteur
ridoux, dont l'estime m'est particulièrement chère. 11 n'est pas
plus exact de venir dire que ce maître vénéré ait jamais donné
à ses malades les doses que j'avais indiquées, ni même que
j'aie pris une part personnelle aux expériences qu'il a faites, et
quand M. le docteur Stoufflet parle de 0,75 cent, de sel cu-
prique dans les juleps administrés, il commet particulièrement
une erreur des plus graves, car la question des doses est capi-
tale dans ce traitemept.
« M. le docteur Pidoux, je l'affirme, a toujours agi conformé-
ment aux prescriptions de M. le docteur Lislequi seul, par son
mémoire, l'a décidé à'tenter des expériences... Trois ou quatre
fois seulement, peut-être davantage, je ne saurais le dire au
juste, n'ayant pris à cette occasion aucune note, parce que je
ne pouvais avoir que de la curiosité pour des essais, dont les
résultats m'étaient connus d'avance par les expériences néga-
tives dont je venais d'être témoin à Marseille, l'on a prescrit,
sur mes observations, un lavement contenant 0,50 centig. de
sel de cuivre, et, si j'ai bonne mémoire,» deux ou trois fois aussi
on a donné une deuxième potion dans les vingt-quatre heures,
mais chaque potion ne contenait jamais que le dixième de la
dose de sel indiquée par M. le docteur Stoufflet, c'est-à-dire
7 centig. et demi. Je m'en réfère du reste, sur ce point, aux
termes niêmes de la protestation que j'ai eu l'honneur d'adres-
ser à ce sujet aux Académies dès sciences et de médecine,
protestation insérée en entier dans le numéro du 16 novembre
1865 de la Gazette des hôpitaux.
« Dans cette protestation, qui est toujours restée sans réponse,
après avoir parlé de l'utilité des doses faibles, quand rien ne
presse et que le médecin, ayant les malades sous la main, ainsi
qu'il est arrivé à M. le docteur Lisie, en son asile d'aliénés,
peut en quelque sorte commander encore aux événements,
intervenir en temps opportun après avoir dit combien au
contraire ces doses réparties sur toute une journée, sont insigni-
fiantes quand elles s'adressent à des malades comme ceux qui
ressortissent à la pratique nosocomiale, quand l'absorption va
cesser de se faire, je m'exprimais en ces termes :
« A Paris, nous avons assisté, sans y prendre aucun© part,
au traitement de neuf malades : on leur a donné 7 centig. et
demi de sel de cuivre à prendre dans les vingt-quatre heures.
— 129 —
7 cenlig. et demi dans une telle maladie, n'est-ce point comme
si, dans un effroyable accès pernicieux, l'on s'amusait à donner
15 ou 20 centig. de sel quinique fracta dosi? Mais Urban
donnait d'emblée 15 centig. de sulfate de cuivre dans le traite-
ment de l'épilepsie, et il ne craignait pas de porter la dose
jusqu'à 40 centig. et plus, en une seule journée! et moi-
même, pendant mon séjour à Toulon, en vue. de la préserva-
tion seule, j'absorbais jusqu'à 30 et 35 centig. de sel de cuivre
chaque jour Je proteste énergiquement contre ces expé-
riences faites toutes au nom de M. le docteur Lisle En vérité
ceux de nos honorables confrères qui ont essayé de cette façon
les sels de cuivre, auraient voulu se disculper d'avoir attendu,
pour les employer, qu'ils leur arrivassent de Marseille, que cer-
tainement il leur eût été impossible de s'y prendre mieux... Et
puisque les doses faibles n'ont rien produit à l'hôpilal, il faut
de toute nécessité, pour juger la méthode, en venir à celles que
j'ai conseillées : 50-60 centig. jusqu'à 1 gramme par vingt-
quatre heures, sans compter les lavements.
« Qu'il me soit permis, en terminant, de demander à l'Aca-
démie, au sein de laquelle se sont déjà produits les échos
d'appréciations en sens contraire, de ne rien précipiter, de
vouloir bien réserver sur ce point son jugement. La question
que j'ai soulevée est encore à l'étude ; le traitement du cho-
léra par les sels de cuivre est toujours une méthode qui se
cherche, et je n'en suis encore moi-même, je me hâte de le
déclarer, qu'au chapitre des espérances. Seulement ces espé-
rances vont grandissant de jour en jour, et bientôt, il faut
l'espérer, l'auteur rencontrera de sincères partisans qui l'aide-
ront à résoudre ce difficile problème.
« Veuillez agréer, Monsieur le président, etc., etc.
« Dans la statistique de M> le docteur Stoufflet il y a huit morts
sur neuf malades traités, soit!...., mais en quoi cela nous re-
garde-t-il, puisque nos prescriptions n'ont point été observées,
et que, grâce aux terreurs inspirées aux médecins par M. le
docteur Lisle, l'on s'est contenté à l'hôpital Lariboisière de
donner aux malades quelques centigrammes du remède, c'est
affaire à la médecine quasi expeclanle; et que conclure si ce
9
— 130 —
n'est que le hasard avait, tout au moins, singulièrement bien
fait les choses? car 8 morts sur 9 cas de toute venue, cela ne
s'était peut-être jamais vu. Voudrait-on prétendre que dans
cette mortalité effroyable, le traitement a été lui-même pour
quelque chose! J'ai dit les doses que je prenais à Toulon;
à l^heure qu'il est, continuant mes expériences de préser-
vation, je m'administre, chaque jour, et fais prendre à d'au-
tres, par le bas, depuis 6 jusqu'à 20 centig. de sel cuprique,
et jamais, au grand jamais, je n'ai eu à enregistrer aucun
accident »
(Extrait de la Gazelle des Hôpitaux du 15 septembre.)
Donc, en résumé, dans les expériences qui ont été faites à
Lariboisière, il n'y a eu de notre part ni affirmation, ni pro-
messe d'aucune sorte : réduit au simple rôle de témoin, nous
n'avions à en faire aucune.
M. le docteur Pidoux, agissant conformément aux prescrip-
tions de M. Lisle, a donné dans ses potions seulement 7 centig.
1/2 de sulfate de cuivre, c'est-à-dire une dose dix fois moindre
que celle qui a été affirmée par M. Stoufflet!...
Plus loin, dans un appendice que l'épidémie de 1866 a rendu
nécessaire, nous montrerons comment notre jeune confrère s'y
prend pour battre en brèche la préservation, et comment il
achève de nous donner raison d'avoir taxé son argumentation
d'inexacte, d'impuissante ou de puérile.
Nous 'avons exposé loyalement, et sans rien omettre, tous les
faits pour et contre qui sont venus à notre connaissance. Pour
que le lecteur possède tous les éléments de la question, et
puisse juger en parfaite connaissance de cause, il ne nous reste ,
plus maintenant qu'à y ajouter notre réponse à M. le docteur
Lisle. La voici telle que nous l'avions d'abord adressée au
journal de M. Amédée Latour.
— 131 —
A MONSIEUR LE RÉDACTEUR EN CHEF DE L'UNION MÉDICALE
RÉPONSE A M. LE D"" LISLE
SUR l'emploi du sulfate de cuivre dans LE TRAITEMENT
DU CHOLÉttA.
« Paris, 23 décembre.
« Monsieur le rédacteur,
« L'Union Médicale a publié, sur le traitement du choléra par
les sels de cuivre, une lettre de M. le D"" Lisie qui, de ma part,
demande une réponse. Cette réponse, la voici : ... j'arrive un
peu tard, j'en conviens, mais le public que la question inté-
resse voudra bien me le pardonner. De retour seulement de ma
campagne dans le Midi, au moment de la publication faite par
M. Lisle, je me suis trouvé, au bout d'un mois d'absence,
en présence de tant de choses accumulées, que, dans les pre-
miers jours, il m'a été impossible de trouver le temps néces-
saire pour répondre, ainsi qué le sujet le "comporte, à notre
honorable confrère de Marseille. Puis, le premier moment ,
passé, l'opportunité manquant déjà un peu, j'ai réfléchi qu'il
valait peut-être mieux différer encore ma réponse. Mon si-
lence, en laissant croire à mes confrères de Paris que la vraie^
découverte leur venait de Marseille, d'un médecin déjà très-
honorablement connu, revêtu d'un caractère officiel, à la tête
d'un grand établissement, etc., ne pouvait-il disposer quelques .
esprits en faveur de la nouvelle médication ?... Je l'ai essayé, et
le succès ne s'est point fait attendre. Avant la lettre de M. Lisle,
malgré tout ce que j'avais pu écrire ©u faire, il ne s'était point
donné à Paris, que je sache, dans l'épidémie actuelle, un
seul centigramme de sulfate de cuivre ; mais M. Lisle s'étant
mis de la partie et ayant adressé ses formules, tout à coup les
choses ont changé de face, en ville et dans maint hôpital l'on
a administré ce remède, et voilà comment les sels de cuivre,
dans le choléra, ont bénéficié pour la deuxième fois, en trois
mois, de la loi des distances qui préside au succès de toute
invention nouvelle !,., Seulement, autre effet de la même loi,
tandis qu'à Marseille, l'asile des aliénés excepté, bien entendu,
— 132 —
c'est la solution Burq qui, s'il en était encore besoin, jouirait
vraisemblablement do. la faveur des confrères, ici l'on a prescrit
la potion Liste, d'aucv/ns disaient même le traitement de M. Liste !
Ah ! que M. Lisle, ou tout autre médecin venu aussi de Mar-
seille ou de plus loin encore, n'a-t-il également parlé des
applications du cuivre contre les crampes et contre les autres
phénomènes nerveux du choléra!... Nous n'aurions point eu
le chagrin de voir, dans les divers services que nous avons vi-
sités, les ARMATURES desquelles M. le professeur Rostan disait,
en 1849, « Vous avez vu ce mmjen employé dans nos salles
presque toujours avec succès, » y briller constamment par leur
absence, et l'on eût vu un peu moins, sans doute, les médecins
se résoudre, comme autrefois, à faire linimenter, sinapiser, fo-
menter et frotter jusqu'au vif les pauvres malades qui n'en
peuvent mais, pas plus que les gens de service chargés de
cette écœurante et souvent si dangereuse besogne... Que fal-
lait-il pour cela ? En l'absence d'appareils spéciaux qui, répé-
tons-le, n'ont point d'autre avantage que de rendre l'application
plus facile, quelques larges bandes et plaques découpées dans
de la tôle de cuivre!... Ceci dit, avec un peu d'amertume, je
ne saurais m'en défendre, mais sans ressentiment contre per-
sonne autre que la mauvaise fée qui présida, sans doute, à
dla naissance de la métallothérapie, et qui après dix-sept ou
dix-huit années n'est point encore disposée, il faut le croire, à
l'épargner de ses rigueurs, j'entre sans plus tarder dans mon
sujet.
« Je rappellerai d'abord les termes par lesquels débute, à
mon égard, la lettre de M. Lisle :
k
« On lit dans la Gazette des Hôpitaux : M. le docteur Burq
nous écrit de Toulon
« Erreurs graves, omission des plus fâclieuses! et, pour dire
le mot sans détour, indiscrétion ! te\s sont, en résumé, les pé-
chés que nous aurions commis à l'endroit de M. Lisle. Commen-
çons par nous laver du dernier, qui, pour gens bien élevés, est
assurément le plus gros.
« Indiscrétion ! Lorsque je suis arrivé à Marseille, plusieurs
autres médecins, à l'IIôtel-Dieu, à la Conception et ailleurs.
— 133 —
avaient, de leur côté, expérimenté les sels de cuivre, et les succès
obtenus par M. Lisle y étaient presque de notoriété publique.
M. le docteur Didiot en avait fait l'objet d'une conférence à
l'hôpital militaire; c'est là que je les ai appris pour la pre-
mière fois, et M. Lisle, que j'ai eu l'honneur de visiter, sur les
propres indications de M. Didiot, n'a fait que les confirmer. Du
reste, si M. Lisle a bonne mémoire, il lui sera facile de se sou-
venir que, lors de ma deuxième visite à l'asile des aliénés' de
Marseille, il m'autorisa lui-même à dire à nos confrères de
Toulon ce qui s'y était passé.
« Serais-je allé trop loin en écrivant, au courant de la plume,
sur ce sujet, quelques lignes dont la publication est un peu
venue me surprendre moi-même? Si c'est là un grief véritable,
je m'en accuse volontiers, mais sans trop m'en repentir, je le ■
confesse, car sans mon indiscrétion, si indiscrétion il y a à divul-
guer des faits déjà connus et qui, vu les circonstances, ressor-
tissaient en tout cas à la loi de sûreté générale, la communi-
cation très-importante de M. le docteur Lisle pouvait encore se
faire attendre.
« Je passe au deuxième chef.
« Erreurs graves ! Ces erreurs sont-elles dans le chiffre des
morts traités par les méthodes ordinaires ? Je disais 11 décès
sur 13 malades, il paraît que c'est 12 sur 14.
« Sont-elles dans celui des insuccès de la nouvelle méthode ?
« Je disais, d'après M. Lisle, 20 guérisons sur 2k malades
traités par le sulfate de cuivre;... depuis, paraît-il, deux nou-
veaux malades ont porté chez les hommes le chiffre des guéri-
sons à 21, et celui des décès à 5, au lieu de k !
« Enfin, les erreurs graves sont-elles dans les renseignements
fournis sur les malades chez lesquels la médication cuprique a •
échoué? Mais la lettre de M. Lisle montre évidemment, qu'au
lieu d'enchérir sur les faits, je suis resté au contraire, dans l'at-
ténuation des insuccès, bien au-dessous de la vérité. M. Lisle
nous apprend, en effet, que des 5 malades qui ont succombé
un premier n'était déjà presque plus qu'un cadavre, qu'un
deuxième n'a eu le temps de prendre que deux cuillerées
de la potion cuprique, qu'un troisième était dans un état
si grave que M. Lisle n'a appliqué la nouvelle méthode que par
— 134 —
simple acquit de conscience, et que des h malades décédc's,
lors de mon passage à Marseille, le quatrième, après avoir vu
en effet toutes les fonctions se rétablir, a succombé au bout de
plusieurs jours à des phénomènes consécutifs.
« En vérité, quelle mouche a donc piqué M. Lisle pour qu'il
se montre à notre endroit d'humeur si difficile !
(i Reste enfin le reproche d'omission qualifiée des plus fâ-
cheuses, et cela pour avoir négligé de dire à mon correspond;! nt
que M. Lisle s'est servi d'une dose de,^ sulfate de cuivre plus
faible que celle que j'avais indiquée, indiquée pour les cas
graves. La suite de la lettre fait aisément comprendre toute la
• valeur du grief que cherche à m'imputer M. Lisle. Mais, de
bonne foi, pouvais-je, dans une lettre de renseignements écrits
à la hâte, entrer dans des détails bien circonstanciés? Avais-je
à ce moment à me préoccuper d'autre chose, que de faire sa-
voir à mes amis que les sels de cuivre n'avaient point trahi mes
espérances? Et pouvais-je me douter que M. Lisle, ayant réussi
à guérir avec une solution moins chargée de sels de cuivre que
celle que j'avais formulée moi-même, il lui viendrait à l'idée
d'écrire les lignes suivantes :
« Voilà les faits dans toute leur sincérité (36 cholériques
traités par les moyens ordinaires, 28 décès et 8 guérisons;
32 traités par le sulfate de cuivre, 7 morts contre 25 guéri-
sons), je les offre avec confiance aux réflexions et à l'appré-
ciation de mes confrères; sont-ils assez nombreux et assez con-
cluants pour me permettre d'affirme^r que j'ai définitivement
résolu le problème de la guérison du choléra?.. »
« A une conclusion si inattendue, pour ne rien dire de plus,
il fallait des prémisses. M. Lisle ne s'en est point fait faute.
• Pour arriver à se persuader qu'il est bien l'auteur, le véritable
inventeur de la méthode nouvelle, mon honorable confrère
s'affirme à lui-même que je n'ai sur le traitement interne du
choléra que des idées spéculatives; dans certain passage de sa
lettre il va même jusqu'à dire : «Quoique ce praticien (D' Burq)
ne parût pas avoir employé les sols de cuivre à l'intérieur, et
n'invoquât son expérience personnelle que pour le traitement
des crampes par des applications externes de ce métal, etc. »
u Si M. le docteur Lisle n'avait appris à connaître les faits
— 135 —
et gestes de la métallolliérapie que par le nouveau iV'(/sie?i, édi-
tion de .1856, dont je signale à tous les esprits impartiaux
l'article me concernant comme modèle de description fantai-
siste et de négation des droits les plus sacrés, les plus impres-
criptibles, la métallothérapie y figurant tronquée, méconnais- ■
sable et sans nom d'auteur, je comprendrais son langage, mais
M. Lisle dit avoir pris connaissance de mes diverses publica-
tions. A quelques lignes de celles où il triomphe, il écrit même :
« J'ai lu avec beaucoup d'intérêt, dans la Gazette des Hôpitaux,
et plus tard, dans une brochure que M. le docteur Burq m'a
remise lui-même, la relation de ses nombreuses recherches sur
la préservation à peu près constante des ouvriers sur métaux...
Je me plais à le dire bien haut, c'est cette lecture seule qui m'a
décidé à tenter mes expériences, etc. » Et cependant M. Lisle
n'hésite point à conclure dans les termes ci-dessus, et cela à la
fiice de tous ses confrères de Marseille, dont plusieurs, MM. les
docteurs Seux, Bernard et de la Souchère, entre autres, faisaient
tout juste en même temps que lui semblable découverte, ou qui,
du moins, s'essayaient à la faire! !... Et si jamais, le monstre
enfin terrassé, les humains montent au Capitole pour y remer-
cier les dieux, M. le docteur Lisle voudra bien nous permettre
de l'y suivre, mais à distance, et le front ceint d'une simple ar-
mature en guise de bandelettes! Ah ! quelle occasion pour nous
de prendre une revanche éclatante des paroles quelque peu
dures du début de la lettre de M. Lisle... mais je m'arrête à
cette dernière et d'ailleurs fort innocente plaisanterie, car je ne
veux ni ne dois oublier que c'est grâce à l'accueil qui lui a été
fait à l'asile des aliénés de Marseille, grâce à l'initiative prise
par son honorable directeur, que la métallothérapie doit en
partie l'honneur d'occuper un peu en ce moment l'attention
générale.
« Je me bornerai donc à rétablir les faits.
« En l'année 1852, dans un troisième mémoire sur le cho-
léra que j'adressais aux Académies des sciences et de médecine,
et un peu plus tard, en 1853, dans mon Traité sur la métallo- .
thérapie, p. 28, je disais : « Dans le traitement du choléra, le
cuivre administré en temps opportun, soit seul, soit associé
aux agents qui, comme l'opium, ont reçu la sanction de l'ex-
— 136 —
périence, soit en limaille, soit sous une autre forme dont
a pratique ne peut tarder à faire connaître la véritable dose et
les meilleures .'appropriations, a les plus grandes chances de
devenu- un puissant moyen de guérison. »
« Vient le choléra de 185/,, j'applique ma méthode sur un
certain nombre de malades, et, à treize ans de date, le 20 août
dernier, j'avais l'honneur d'adresser à l'Académie des sciences
sur la préservation et le traitement du choléra par le cuivre uii
nouveau mémoire, édité peu après à la librairie Germer Bail-
hère, où se trouve, entre autres, p. 21, le passage suivant •
« Action intérieure du cuivre. - J'ai traité des cholériques
par une solution titrée de sulfate de cuivre à 1/5^, que j'admi-
nistrais moi-même aux malades, afin d'éviter des pertes de
temps et pour être sûr des doses par 2.3 gouttes (2.3 gouttes
'd une solution à 1/5^, la goutte pesant 5 centigrammes, font,
si je ne me trompe, 2 à 3 centigrammes : voilà les doses fai-
bles), et jusqu'à 10 gouttes toutes les heures, toutes les demi-
heures, et même plus tôt, suivant les cas d'urgence, dans de
1 eau sucrée aromatisée, et additionnée au besoin d'un peu
d'opium, 1 à 2 gouttes de laudanum, pour établir la tolérance
de l'estomac. En diverses circonstances, les effets ont été «^i ra-
pides qu'ils semblaient tenir vraiment du prodige, surtout lors-
qu Ils furent secondés par de larges applications du même métal ^
Est-ce assez clair, et faut-il encore, pour établir mes droits à
la priorité, citer tout le paragraphe consacré au traitement
p. 23 et 24), lequel commence par ces mots : « Aussitôt en
présence d'un cholérique, lui administrer de 3 à 10 "outtes
(de 3 à 10 centigr.) de la solution susdite, et sans désemparer.
Une grande modération régnait, il est vrai,' dans' mon lan-a-e'
Je terminais en disant ; - « Les faits de ma pratique personnelle
sont encore aujourd'hui en trop petit nombre, pour me per-
mettre sur ce point capital (la guérison par les sels de cuivre)
une afiirmation catégorique... -Ce ne sont encore que des es-
pérances;... je me borne donc à appeler de tous mes vœuv des
expériences de la part de mes confrères, mieux placés que moi
pour les tenter et les suivre (l'appel fait par M. Lisle n'était, on
le voit, qu'un écho du nôtre). »
— 137 —
« Mais pour, avoir parlé en médecin, pour m'être souvenu
que les faits du lendemain viennent trop souvent, hélas ! don-
ner un démenti à ceux de la veille, mes droits seraient-ils tom-
bés en déchéance, ou seraient-ils seulement diminués?... Poser
la question, c'est évidemment y répondre, et je ne ferai point
au lecteur l'injure d'insister.
« Donc, de ma part, quoi qu'en ait dit M. Lisle, il n'y a eu
ni erreur grave, ni indiscrétion, et quant au chef d'omission,
j'en vois une, en effet, des plus fâcheuses, mais commise par
M. Lisle à mon détriment, avec les circonstances aggravantes
d'une affu-mation gratuite qui se conciliait assez mal, du reste,
avec cette omission; je veux parler des doses énormes de sel
de cuivre que j'aurais données?... non, car, suivant M. Lisle,
je ne parais point du tout en avoir fait personnellement usage,
mais conseillées d'après des vues purement théoriques. Sur ce
dernier point j'ai déjà répondu chemin faisant ; mais les quelques
mots que j'ai dits n'étaient qu'une sorte d'avertissement pour
prévenir le lecteur que je ne perdais point de vue la chose
principale. Je vais maintenant entrer dans les détails, le sujet
en vaut la peine.
u Question des doses. — Si les faits sans nombre de pré-
servation par le cuivre que j'ai signalés sont fondés, et, à cet
égard, j'attends toujours les preuves du contraire ; si, en raison
de ces faits et de tous ceux de même nature qui ont été re-
cueillis depuis par moi à Toulon, à La Seyne et à Marseille, et
par MM. les docteurs Gallarini et de Rogatis à Florence, à Na-
ples et dans d'autres parties de l'Italie, j'avais le droit d'écrire
— que les sels de cuivre, administrés en temps opportun, sont
appelés à neutraliser les effets du poison cholérique, ainsi que
les sels de quinine administrés en temps utile, neutralisent les
effluves les plus délétères du poison paludéen, — h quelle dose
doit-on donner le remède?...
« Un mot d'abord sur le titre de la solution à employer.
« La dose du médicament réservée, est-il plus convenable
d'user de la solution à 1/5° que j'ai recommandée, ou de celle
à l/20«, que le hasard heureux, que bénit M. Lisle, lui a mis
entre les mains et qu'il paraît recommander à l'exclusion de
toute autre.
— 138 —
«En SOI, la chose est, au fond, parfaitement indifférente •
mais voulant faire, pour l'administration facile des sels de cui-
vre, un peu ce qui avait été fait pour celle de l'opium par les
auteurs des deux laudanum, j'ai adopté une solution à l/5«
parce que, à ce degi'é de concentration, chaque goutte pesant
5 centigr. contient tout juste 1 centigr. de principe actif
comme le laudanum de Sydenham : autant de gouttes versées
dans une tasse de tisane ou dans un lavement, autant de cen-
tigrammes de sel de cuivre, le dosage se fait facilement et
notre système de numération y trouve parfaitement son compte
La solution à l/20« présente-t-elle les mêmes avantages? A
poids égal de sel, le remède tient déjà plus de place dans la
poche du médecin qui veut en faire usage, elle oblige à comp-
ter par quart de centigramme, ce qui est en opposition for-
melle avec le système décimal. Lorsqu'il s'agira de doses un peu
élevées, elle manquera précisément son but en obligeant à
recourir aux balances, car, si l'on peut encore compter 10 ou
20 gouttes ide suite d'une main sûre, le dosage est plus que
diflicile lorsqu'il s'agit de 60-80 gouttes qui ne font encore que
15 ou 20 centigr., et plus haut il devient à peu près impos-
sible. Il n'y a qu'un seul cas qui pourrait légitimer les préfé-
rences de M. Lisle, celui où quelque médecin, effrayé à son
tour par les doses qu'il avoue lui-même, voudrait donner
moins de 1 centigr. de sel; mais ici nous touchons aux doses
infinitésimales, et sur ce point je récuse toute compétence.
« Donc, en fait de solution préparée à l'avance, pour servir
plus promptement et à moins de frais aux besoins extempo-
ranes de la médication, c'est la solution à l/5« qui doit avoir la
préférence.
« Occupons-nous maintenant des doses.
« Ici deux questions se présentent qui demandent chacune
une réponse : à quelle dose peut-on porter le médicament
sans danger pour le malade?
'( A quelle dose doit-on le donner pour obtenir la guérison?
« Je répondrai d'abord à la première.
« Action des sels de cuivre dans l'état PHrsiOLOGinuE. — Les
recherches, qui ont été dites plus haut, de M. le docteur
Pietra-Sunta sur les jeunes détenus, fabricants de serrures en
— 139 —
cuivre, de MM. les professeurs Pecholier et Saint-Pierre à Mont-
pellier sur les ouvrières en verdet, celles que j'ai faites moi-
même dans la fabrique des bronzes, tendent à établir que
cette si fameuse colique de cuivre est tout au moins aussi
rare qu'on la croyait commune au temps de Corrigan. En
effet, les prisonniers des Madelonnettes n'en ont pas offert
d'exemple en un espace de plusieurs années ; les ouvrières en
verdet, bien que vivant toute l'année dans une sorte d'atmo-
sphère' de vert de gris, jouissent, paraît-il, d'une santé floris-
sante, elles sont même exemples de la chlorose, nous disent nos
savants confrères de Montpellier, et quant aux ouvriers de la
fabrique des bronzes de Paris, ils sont eux-mêmes si peu sujets
à la colique de cuivre, que c'est tout au plus si je l'ai trouvé
véritablement mentionnée une ou deux fois pour une période de
quarante années, sur les registres de la Société du Bon accord.
Cependant je dois à la vérité de dire que, lors de mon en-
quête à Marseille, dans les grands ateliers de Mempendy, j'ai
recueilli quelques plaintes au sujet de malaises intestinaux,
mais toujours sans gravité, et parmi les ouvriers chaudron-
niers seulement.
« Donc, dans l'état physiologique, les chaudronniers, les tour-
neurs, les ciseleurs, les monteurs, les fondeurs, etc. etc., à
quelque dose qu'ils s'imprègnent de cuivre par le travail ^de
l'atelier, ce poison n'a jamais déterminé chez eux, que l'on
sache, aucun accident sérieux : on peut objecter sans doute que
ces ouvriers s'y habituent peu à peu, mais, parmi les ouvriers
en plomb, les cérusiers, par exemple, sont, à peu de chose
près, au point de vue du genre de travail, dans les mêmes con-
ditions que les ouvrières en verdet : chez eux l'accoutumance
s'établit-elle jamais ?..
« D'un autre côté, si nous consultons l'expérience directe,
ma propre observation est là pour apprendre , qu'à l'état de
santé, un individu peut absorber impunément, huit et quinze
jours' de suite, jusqu'à 30 ccntig. et même plus de sel cupri-
que ; de la constipation, et peut-être aussi un peu d'inappé-
tence, c'est là tout ce que j'en ai éprouvé (1) .
(I) Pilules d'oxyde (le cuivre et lav(imeiits au sulfate de cuivic sont tou-
jours passés comme inaperçus. Mais ayant essayé une fois de prendre iQ
— l/iO —
« Voyons maintenant comment les choses se passent dans l'élut
pathologique.
« Plusieurs auteurs ont recommandé les sels de cuivre dans
le traitement de diverses maladies. Nous remarquons parmi
eux, Swediaur, Biet et surtout Urban; voici la formule de ce
dernier. (Bonchardat.)
Sulfate de cuivre 3 déci^r.
Mie de pain 1 ^ram.
Sirop Q. S. • b •
pour 12 pilules à prendre, 3 le matin et le soir, en augmentant
de une tous les deux jours, c'est-à-dire que, dès le premier jour
le malade prenait 15 centigr. de sel de cuivre, juste la dose là
plus élevée qu^ait recommandée M. le docteur Lisle et qu'au
bout de vingt jours de traitement seulement, déjà Urban ne
lui en administrait pas moins de 40 centigr. !
« Les auteurs sont muets sur le chapitre des accidents
« Depuis tantôt douze ou treize années, je soutiens que
les métaux en général, et surtout le cuivre et le zinc, sont au
même titre que le fer des antinévropathiques, des moyens cu-
ratifs de la chlorose, et que le degré de fréquence dé leur action
n est moindre que parce .que ces métaux sont, moins souvent
que le fer, appropriés à Vidiosyncrasie des malades pour exer-
cer les actions dynamiques, en vertu desquelles seulement se mo-
difie utilement l'état de l'organisme chez les névropalhiques ou
les chiorotiques. Cette efficacité du cuivre, en particulier déjà
mise hors de doute par les succès des auteurs cités plus 'haut
à unfe époque où l'on confondait encore si souvent, sous le
même nom, l'hystérie et l'épilepsie, prouvée par Mm! Pecho-
her et Saint-Pierre qui ont témoigné de la rareté de la chlo-
rose chez les ouvrières en verdet, je l'ai, moi, souvent
mise à profit, en me servant des précieux procédés de la
niétallothérapie pour la désignation préalable du métal appro-
prié dans chaque cas particulier. M. le docteur Bosias, entre
préservatif :\ la seulo dose de 5 centig. dans des biscuits préparés par M. Ga-
gneres, pharmacien, j'en ai été assez vivement incommodé. Du reste d'assez
fréquents accidents culinaires ont démontré que, si les sels de cuivre pri,
seuls sont inoilensifs dans une certaine lin.ite, il ne saurait eu ûtre de même
lorsqu'ils sont mêlés aux aliments.
autres, a rapporté dans la Gazelle des Hôpilaux de 1860 un
remarquable exemple de ce traitement, recueilli à l'Hôtcl-Dieu
dans le service de M. Robert. Eh bien, les sels de cuivre,
continués un et plusieurs mois de suite, n'ont jamais amené
d'accident regrettable. Il est vrai de dire qu'ici , n'étant point
obligé d'aller vite, jamais je n'ai dépassé la dose de 15 centig.
« Dans le choléra de 1854, les sels de cuivre ont été admi-
•nistrés, je l'ai dit, jusqu'à la dose de 80 centigr.,! gr. par jour;
en aucun cas je n'ai eu à me repentir de la médication.
« Ce n'est point que, tout au début, je fusse moi-même
tout à fait tranquille à l'endroit des hautes doses. Mais com-
ment hésiter? Comment, l'arme une fois reconnue bonne, en
face d'un si terrible ennemi , refuser d'en faire usage par peur
d'atteindre la victime même... ou, comment, nous borner à
donner quoi? 5, 10 ou 15 centigr., dans toute une polion, ne
laissant ainsi au malade, qui n'a plus que quelques heures
devant lui , que la chance d'absorber seulement un grain ou
deux du sel spécifique, si spécifique il y a!... Je me rassurais
d'ailleurs en pensant que les moyens les plus héroïques en
.médecine, alors qu'ils sont dangereux, cessent précisément de
l'être au même degré, lorsque le mal à combattre est apte à
leur opposer une grande force de résistance. Témoin, par
exemple, les doses considérables d'opium que l'on peut admi-
nistrer impunément dans un cas de tétanos, et jusque dans
certaines névralgies rebelles.
« Concluons donc que, pas plus à l'état pathologiçiue que dans
l'état physiologique, rien ne saurait justifier les craintes que
l'on a généralement et que professe en particulier M. Lisle
contre les sels de cuivre, que ces craintes sont tout au moins
exagérées, et que, sans prétendre qu'il faille se départir dans
leur administration des règles de la prudence la plus commune,
il n'y a rien à redouter dans le choléra de doses comme 50, 60
et môme 80 centigr, réparties sur toute une journée.
« Et maintenant à quelles doses doit-on donner les sels de
cuivre pour qu'ils soient efficaces? Est-ce aux doses faibles ex-
clusivement indiquées par M. Lisle, ou bien i\ celles que j'ai
conseillées le premier, doses faibles dans les cas légers, et
fortes dans les cas graves ?.. J'ai répondu.
— m —
« A celte lettre déjà longue je n'ajoute plus que ceci •
«Les sels de cuivre sont-ils, oui ou non, un spécifique
contre la maladie asiatique ?
« Si oui, le meilleur moyen de s'en convaincre c'est de s'at-
taquer avec ces sels à la cholérine à ses divers degrés
«Ici l'expérience est facile, elle offre toute sécurité, car d'un
coté l'absorption est certaine et, de l'autre, foute idée de
danger est éloignée, puisqu'il s'agit seulement de doses faibles/
« Ici non plus, pas de doute possible! Si, dans la cholérine
bien accentuée, soit avec un quart de lavement contenant 10
20, 30, 50 centigrammes de sulfate de cuivre, répété au be-
soin, soit avec quelques gouttes de notre solution à l/ô* 2 3
5 ou 10 au plus, données en plusieurs fois dans les vingt-quatre
heures, sans addition aucune de laudanum puisqu'il s'agit de
juger la valeur du médicament, soit enfin avec 2 à 5 centi-
grammes d'oxide noir en pilules ou en potion, lorsque l'on
craint que le sulfate de cuivre non additionné d'opium soit
mal toléré, ou que, d'ailleurs, sa saveur en rend l'administra-
tion difficile; si, dis-je, on obtient des résultats certains, ra-
pides; SI, comme nous l'avons vu maintes fois, la cholérine la
plus forte cède en quelques heures sous l'influence de ce seul
médicament, comment ne pas reconnaître la spécificité des sels
de cuivre, et faudra-l-il attendre, pour la proclamer, que ces
sels aient ressuscité des cadavres?...
« Dans le choléra confirmé au contraire les sels de cuivre
sont, il faut le dire, difficiles à juger, parce que, en présence
d un insuccès, les esprits impartiaux se trouveront toujours en
face de cette double question :
« L'absorption s'est-elle faite? La dose a-L-elle été suffisante?
Et les observations négatives n'auront réellement de valeur,
que lorsque l'analyse pourra du moins répondre en toute assu-
rance à la première de ces questions.
« Dans les expériences que nous devions faire à Toulon, l'au-
topsie toujours et la recherche des sels de cuivre dans le foie
avaient été une des conditions essentielles de notre pro-ramme,
et quiconque tient à la vérité devra, en semblable occasion'
faire les mêmes réserves.
« Veuillez agréer. Monsieur le rédacteur, etc. »
\
RÉSUMÉ GÉNÉRAL
Sur tous les faits aujourd'hui connus, nous nous résumons et
nous disons :
En Italie (enquête de MM. les docteurs Gallarini à Florence et
de Rogatis à Naples), dans les deux épidémies de choléra qui y
ont régné en 1835 et 1854, fous les ouvriers en cuivre de Flo-
rence, Naples, Palerme et de diverses autres villes des provmces
méridionales n'ont eu ensemble que 2 décès.
En France, dans toutes les épidémies antérieures, préserva-
tion constante de ces mêmes ouvriers à Toulon et à Marseille,
comme à Paris.
, Dans l'épidémie de 1865, 3 décès pour les 3 villes réunies de
Toulon, La Seyne et Marseille, dont 2 tourneurs dans la grosse
mécanique, et presque 0 malade.
Pour Paris 8 décès, sur lesquels 3 seulement étaient à peu
près dans les conditions voulues de préservation, et en toute la
ville 14 malades retrouvés, tandis que les ouvriers des industries
similaires sur métaux et autres matières, ainsi que ceux des
industries prétendues respectées par le vulgaire fournissaient un
nombre de décès toujours au-dessus de la moyenne, et 75 cho-
lérines plus ou moins graves dans les seuls ouvriers à gaz.
Voilà les faits. Sont-ils assez concluants? Et si à cela nous joi-
gnons toutes les autres preuves de préservation spontanée qui
sont venues de l'Angleterre, de la Suède, de la Russie et d'ail-
leurs, comme, par exemple, la communication faite par M. le
professeur Velpeau au nom de M. Casiano de Prado (Acad. des
sciences, octobre 1865,) si surtout nous y ajoutons les cas de
guérison déjà si nombreux qu'ont oblenus, après nous-mêmc
et sur nos indicalions, avec les sels de cuivre, d'abord M. le
docteur Lisle (25 guérisons sur 32 cas, alors que 12 malades
sur U, traités par les moyens ordinaires, avaient déjà suc-
combé) puis MM. les docteurs Pellarin, Biandet, Arnal, Berger
- m - •
et tant d'autres, qui malheureusement ne se sont point fait
connaître; cas qui eussent été bien^ autrement nombreux si
tenant compte de nos protestations, les médecins eussent ac^
cepté nos doses franchement, au lieu de s'en tenir seulement
à ce lés conseillées par M. Lisle..., sera-t-il téméraire de venir
proclamer que la science est bien près d'entrer, si elle n'y est
déjà, en possession du remède du fléau contre lequel elle se
montra toujours si complètement impuissante... ; et l'auteur
mconnu qui débutait en cette matière d'une façon aussi heu-
reuse qu'mespérée déjà dès le choléra de 18/,9 (d'éminents
témoignages sont là pour le démontrer), le volontaire qui, une
première fois en 1853, se rendait spontanément en Angleterre
pour y poursuivre ses recherches et y faire des expériences de
sa méthode, et qui, naguère encore, s'en allait dans le même
but jusqu'à Toulon, arrivé enfin au but principal de son en-
treprise, a-t-il bien le droit, pendant qu'il reprend haleine, de
regarder avec quelque satisfaction le chemin qu'il a déjà par-
couru?... Encore quelques mots et nous avons fini. r
La préservation que nous soutenons, et sur laquelle repose
surtout le traitement nouveau, est ou n'est point une vérité.
Si elle n'est qu'une erreur, il importe que cette erreur, qui
gagne déjà au loin, ne fasse point de nouvelles dupes, et à cette
fin nous supplions les médecins qui ont l'avantage de vivre
dans les grands centres d'industrie, d'imiter un peu la conduite
des honorables confrères qui, en Italie, se sont faits les conti-
nuateurs zélés de nos recherches, et de venir dire ensuite, dans
une de ces grandes assises de la science, où les plus humbles
comme les plus illustres ont droit à se faire entendre, ce que
l'expérience leur aura appris à ce sujet. Pourquoi même le
bureau du futur congrès international, par exemple, ne pose-
rait-il pas déjà en son programme la question de la préserva-
tion du choléra chez les ouvriers en cuivre? Cette initiative
serait digne de la libéralité de son illustre président; et s'il ne
fallait qu'un précédent pour justifier cet honneur, nous rap-
pellerions à M. le professeur Bouillaud, qu'en l'année 1853,
l'Académie royale de Belgique, n'avait point jugé indigne
d'elle d'inscrire la métallothérapie au programme de ses con-
cours.
APPENDICE
NOUVEAUX FAITS QUI SE SONT PRODUITS EN 1 866.
EXPÉRIENCES SUR LES CHOLÉRIQUES DE L'HÔTEL-DIEU.
L'impression de cette brochure, commencée en juillet, se
poursuivait activement, lorsque sont survenus, en août, de nou-
veaux événements cholériques qui nous ont obligé à l'inter-
rompre, et rendent aujourd'hui indispensable cet appendice.
Parmi les nécessités nouvelles qui nous incombent, il en est une
à laquelle nous devons, avant tout, donner satisfaction.
L'éminent confrère dont nous avons pu personnellement
avoir à nous plaindre, mais qui possédait tant de titres aux
éloges unanimes qui lui ont été décernés, M. le docteur Mêlier
n'est plus !... Il est mort, au mois d'octobre, au retour d'une
mission qu'il venait d'accomplir en Corse !
En présence d'une tombe le souvenir de toute dissidence doit
s'éteindre, et nous n'avons aucune peine à exprimer tout haut
le regret que, notre travail étant aux trois quarts imprimé au
moment où nous est arrivée la triste nouvelle, il n'ait plus
été en notre pouvoir de rien changer ou ajouter à notre pré-
face. Notre but, en l'écrivant, était avant toute chose d'être en-
tendu de notre très-regretté contradicteur. Une réponse étant
hélas 1 devenue imjDOssible, dans notre pensée il ne doit rester
de ce débat que notre lettre qui a paru, d'abord en s.eplembre
i865, et qui par conséquent, au moment de sa réimpression,
était déjà un document irrévocablement acquis, depuis plus
d'un an, à l'historique de la question.
10
— 146 —
Reprenons maintenant notre sujet.
Continuant à suivre ici l'ordre déjà adopté, nous commen-
cerons par la préservation !...
PRÉSERVATION SPONTANÉE.
Avant de parler des faits relatifs à l'épidémie de 1866, reve-
nons un instant sur celle de 1865. La thèse soutenue par M. le
docteur Stoufflet, le succès que ses dires ont obtenus en cer-
taines régions nous y oblige.
Plus haut, chapitre IV, p. 127 et suiv., nous avons montré
comment M. le docteur Stoufflet procède en ses attaques contre
* notre traitement. Affirmations purement gratuites, quant aux
faits ou paroles nous concernant personnellement, inexacti-
tude des plus grandes dans le relevé des doses qui ont été ad-
ministrées, rien ne lui coûle. Dans la question de la préserva-
tion, c'est pis encore. Voici les arguments décisifs avec lesquels
notre antagoniste prétend achever, sans nul doute, la petite
œuvre de démolition si heureusement commencée par nos con-
frères de l'hôpital Saint-Antoine.
IMMUNITÉ DES OUVRIERS EN CUIVRE. — ConclusiOllS.
« Aucune profession n'est épargnée par le fléau, et les ou-
vrier? en cuivre ont subi ses atteintes comme les autres, saiu
que la mortalité ait été moindre, »
D"" Stoufflet.
Sur quoi l'auteur se base-t-il donc pour s'exprimer d'une
façon aussi catégorique?... Quels sont les ftiits qui lui donnent
le droit de venir rayer, d'un trait de plume, tout ce qui a été
écrit en France, en Italie, en Suède et ailleurs, par nombre de
ses confrères, sur l'immunité cholérique des ouvriers en
cuivre?.,.
Nous allons essayer de le dire avec calme.
Premier argument. — « Deux ouvriers travaillant le cuivre
sont entres à l'hôpital Lariboisière : l'un chaudronnier, âgé de
57 ans, l'autre tourneur en cuivre, âgé de 22 ans... Le premier
— 147 -
ne travaillait pas toujours le cuivre exclusivement, il s'est
guéri ; le second ne tournait que le cuivre, il est mort...»
Deux ouvriers en cuivre sur 52k malades!...
Ces ouvriers sont, nous l'avons dit, au nombre d'en-
viron 30,000 ; ils comptent dans la clientèle mâle des hôpitaux
en général, pour environ un dixième, et pour au moins un
huitième dans celle des hôpitaux Saint-Louis, Lariboisière,
Saint-Antoine et de l'Hôtel-Dieu qui desservent plus particu-
lièrement les quartiers affectés à l'industrie parisienne. Or
donc, pour que notre contradicteur eût une apparence de raison,
c'est au moins une quinzaine de malades qu'il aurait dû relever
et non point deux seulement. Ensuite, comment M. Stoufflet
n'a-t-il pas été lui-même frappé de ce contraste que présente sa
statistique? d'une part deux ouvriers en cuivre, et d'autre part
six malades pour les seuls ouvriers forgerons avec leurs frap-
peurs qui ensemble atteignent à peine au chiffre de 1,500
à 1,600? L'argument n'est par conséquent que. puéril? Mais
est-il vrai?... De moitié seulement.
Que faisait donc l'ouvrier chaudronnier lorsqu'il ne travail-
lait pas le cuivre?... Le travaillait-il même jamais, dans les der-
niers mois qui ont précédé son entrée à l'hôpital ? Depuis plus
d'un an, au moins, cet homme, qui s'appellait Farcy et de-
meurait en garni dans une sorte de bouge, rue Lagouhat, nu-
méro 15, à La Chapelle, avait quitté son état; tombé dans une
misère profonde, il s'était fait chiffonnier. M. Stoufflet devait le
savoir, mais s'il fût venu nous le dire, cela aurait un peu nui
à l'effet auquel il visait, en nous montrant ici un ouvrier qui
ne travaillait plus le cuivre guéri, et là un autre qui vivait au
contraire au milieu des poussières de ce métal mort.
Quant au second, c'était bien un ouvrier en cuivre. Il s'ap-
pelait Julien. Nous l'avons signalé dans notre enquête, en notant
cette circonstance particulière, qu'il travaillait près d'une fenêtre
toujours ouverte (v. p. 55).
Dans le Journal des connaissances médicales, numéro du
10 juillet, parlant aussi de ce malade et du ciseleur Preyer de
chez M. Barbedienne, que nous affirmons encore avoir été les
seuls ouvriers en cuivre véritables morts en 1865 dans les hô-
pitaux Lariboisière et Saint-Louis, nous disions :
— 148 —
« Un tourneur qui travaillait toujours presque en plein vent,
et un ciseleur valétudinaire qui s'était purgé quatre ou cinq fois
dans la dernière quinzaine qui a précédé sa mort, restent seuls
pour accuser le système de préservation que nous soutenons,
de s'être trouvé en défaut dans tout le dixième arrondissement
et partie des arrondissements circon voisins où siègent tant
d'industries sur le cuivre!... C'est là, en effet, quese trouvent
les importantes maisons de MM. Thiébaut, Detourbet, Barbe-
dienne, Christofle, Lacarrière, Debain, etc., etc. C'est là aussi
que la chaudronnerie, la robinetterie et beaucoup d'autres in-
dustries sur le cuivre semblent avoir élu domicile.
«Sont morts, au contraire, dans les mêmes hôpitaux ou à do-
micile, sur un total de 321 décédés hommes (au-dessus de
15 ans), 7 forgerons, 6 mécaniciens, k chaudronniers en fer
ou tôliers, 2 serruriers, 2 polisseurs en acier, 1 ferblantier et
1 poêlier; total, 23 ouvriers en fer. Si les ouvriers en cuivre
n'étaient point respectés, c'est au moins à un pareil chiffre que
devrait atteindre leur mortalité. »
Deuxième argument. — « M. le docteur Decori (M. Stoufflet
oublie de signaler M. le docteur Mesnet) nous apprend en
outra qu'à l'hôpital Saint-Antoine il est entré 6 ouvriers en
cuivre (2 fondeurs, 1 polisseur, 3 tourneurs) et deux ou-
vrières...» Ah çà, notre jeune confrère ne lit donc pas les jour-
naux de médecine ! Les travaux insérés par ses aînés dans les
annales de la science, sont donc pour lui lettre morte !... Qu'est-
il resté, nous le demandons, après sérieuse enquête à domicile,
de ces 11 malades (3 de plus que ne le dit M. Stoufflet), signalés
par nos confrères de l'hôpital Saint-Antoine?... 1 tourneur et 1
polisseur, surtout au gras... ivrognes tous deux, le lecteur s'en
souvient, de la pire espèce, deux exceptions, si l'on veut, sur
429 malades !...
Troisième argument. — « En visitant nos malades, lorsque
j'ai recontré une fonderie, je suis entré pour demander des
renseignements. Dans la première maison où je suis entré,
chez MM. Leverbe père et fils, rue Pierre-Levée, numéro 10,
un ouvrier était mort du choléra, et celui qui me répondait avait
été dangereusement malade. Or, ces deux hommes étaient
dans la fonderie depuis leur adolescence! » Puis M. Stoufflet
continue, s'efforçant de dissimuler en des termes ironiques
ses mésaventures dans d'autres maisons, où la préservation lui
avait été au contraire affirmée, d'une façon si particulière :
nous avons parlé plus haut, p. 76, de démêlés bouffons.
Nous connaissions surtout M. Leverbe p^re pour être l'un des
croyants les plus fervents de la préservation cuprique. Très-
surpris de le voir cité en témoignage, dès le lendemain du jour
où nous avions lu la thèse de M. Stoufflet, nous retournions
dans la fonderie indiquée. En présence de diverses personnes,
et notamment de l'ouvrier qui avait répondu qu'il avait été lui-
même dangereusement malade (nous allons voir quel était en
réalité cet ouvrier), nous y donnions lecture du passage con-
cernant la maison. Aussitôt une explosion de sentiments plus
que difficiles à dire à cette place partait du groupe des assis-
tants qui, tous croyant fermement à la préservation des ou-
vriers en cuivre, se regardaient comme directement atteints par
des affirmations contraires, et nous recueillions alors des ren-
seignements de telle nature, qu'il nous suffira de rapporter la
lettre qui suit pour avoir le droit de clore ici toute discussion
avec M, Stoufflet.
A monsieur le docteur Burq.
a Nous venons, monsieur, attester, comme nous avons eu l'honneur
de vous le dire, que la déclaration faite à l'égard de notre maison
est inexacte. D'abord le nommé Magloire (décédé) n'était dans la
fonderie que depuis trois ans, et non depuis son enfance. (Simple
homme de peine, il faisait surtout les courses;) il n'était pas sobre.
Lorsqu'il a été enlevé par le choléra, il venait d'avoir la jaunisse. C'est
aussi un fait bien certain que ma femme, qui a donné elle-même
ces renseignements j n'a jamais été malade du choléra^ et à ma
connaissance, depuis 1832, W n'y a eu qu'un seul ouvrier en cuivre
(MM. Leverbe occupent en moyenne 100 à 120 hommes) mort de
cette terrible maladie, et nous sommes prêts à le répéter.
Recevez, monsieur le Docteur, etc.
. Leverbe, père et fils. »
Paris, 1 4 août.
La puérilité des arguments passe encore, l'auteur a le droit
de Venir arguer ici de son inexpérience; l'inexactitude dans le
relevé des doses passe également, si l'on veut, pour les mêmes
— 150 —
"aisons : mais au lendemain de la visite faite à la fonderie de
la rue Pierre-Levée, avoir écrit le passage que nous avons
rapporté... transformer Madame Leverbe en ouvrier en cuivre
ayant èlé lui-même dangereusement malade, etc., cette fois c'en
est trop, et nous serions sans excuse d'avoir pris la peine de
répondre si longuement, n'était le parti que nos adversaires
se sont empressés de tirer de telles affirmations.
Sur la préservation spontanée nous passons maintenant aux
observations de 1866.
Nous aurions voulu renouveler nos recherches de l'an der-
nier, et faire pour l'épidémie de 1866 ce que nous avions fait
pour celle de 1865, mais manquant de temps et surtout du
stimulant nécessaire pour affronter les mêmes fatigues, le
DOUTE, nous nous sommes borné aux relevés et à la petite en-
quête que nous allons faire connaître.
DES OUVRIERS EN MÉTAUX'
TRAITÉS EN '1 866 A l'hOTEL-DIEU, A SAINT-ANTOINE, A SAINT-LOUIS
ET A LARIBOISIÈRE.
HoTEL-DiEU. — En 1865, cet hôpital, sur 672 cholériques,
n'a point offert un seul ouvrier en cuivre véritable. On avait
bien noté sur le registre des entrées 1 chaudronnier, 1 fondeur
en cuivre, 2 estampeurs, 1 planeur, 1 plaqueur et 1 tourneur;
mais, renseignements pris à domicile, il s'est trouvé que ce
dernier seul, du nom de Guillaud, et qui a guéri, méritait un
peu la qualification d'ouvrier en cuivre. Il était tourneur, ta-
raudeur de petites vis qu'il faisait parfois avec du fil de laiton,
mais dans l'atelier où il travaillait — chez M. Passy, rue Au-
maire, n" 1 — se trouvaient tout à côté de lui d'autres ouvriers
qui ne tournaient que le fer. C'est à ce même atelier qu'ap-
partenait l'ouvrier Timaioz, dont il est question page 56.
En 1866, ont été traités à l'Hôtel-Dieu 58k cholériques: '
Un seul, Peters (n° 1, Saint-Julien), travaillait dans le cuivre;
il était monteur en bronzes, tandis que, à peine arrivés, à la
cinquième semaine de la nouvelle épidémie, l'on comptait
déjà h doreurs ou doreuses. Ce malade a guéri.
— 151 —
HOPITAL Saint-Antoine. - Ont été traités en 1866 : hommes,
212; femmes, 1%; en tout, 336 cholériques.
Nous avons relevé à l'Hôpital même,
1" Parmi les morts :
Un monteur en bronzes: Matry, 10, rue Saint-Loms-en-
l'Ile. _ En chômage depuis 10 jours, et mort le 6« jour seu-
lement par accidents cérébraux.
Deux fondeurs sans autre désignation : Rousse, passage Le-
vert, 2; Divey, faubourg Saint-Antoine, 98. - Us étaient fon-
deurs en fer l'un et l'autre.
Un bijoutier : Boivin, rue Sainte-Marguerite, 29. — Spécia-
lité de la profession inconnue.
2° Parmi ceux qui ont guéri :
Un chaudronnier : Offret, place de la Rotonde du Temple, 22.
_ Fausse indication. Cet homme est ferblantier et pomt du tout
chaudronnier ; il travaille dans les ateliers du chemin de fer
du Nord. .
Un tourneur en cuivre : Sorg, rue du Ghemin-Vert, fib. —
Travaille rue Turenne, 80, chez M. Mercier; inscrit par erreur
comme cholérique, entré pour des accidents d'ivresse.
Un tourneur en cuivre : Lansard, rue Maubuée, 7. — Rue
du Chemin-Vert, Zi5 , où Lansard a demeuré le plus long-
temps, il nous a été afhrmé que cet ouvrier, presque constam-
ment valétudinaire, passait la majeure partie de son temps à
l'hôpital. Aujourd'hui domicile inconnu.
Un tourneur, sans autre désignation, Gicquel, cité des Lilas,
no 7 _ Pas de renseignement ; changement de domicde. Une
de ses anciennes voisines croit que cet ouvrier est tourneur en
cuivre. „.
Un fondeur en cuivre : Slevart, rue Sainte-Marguerite, 36.
- Pas de renseignements, si ce n'est que cet homme, âgé de
60 ans, jouit de la plus mauvaise santé.
Un mouleur : Delor, rue Louis-Philippe, 31. — Fausse in-
dication; homme de peine chez un marchand ferrailleur.
Un orfèvre : John, rue Saint-Maur, 21, —sur argent.
Un bijoutier : Shrader, rue du Harlay, 10, — sur or.
Les professions similaires sur d'autres métaux que le cuivre
ont eu, tant morts que guéris :
— 152 —
li mécaniciens, 1 serrurier, 1 plombier, 1 tôlier, 1 maréchal
ferrant et 1 doreur, auxquels il convient d'ajouter les 2 fon-
deurs en fer ci-dessus, le prétendu chaudronnier Offret. l'orfèvre
John et le bijoutier Shrader ; total 1/,.
Donc, du côté du cuivre, 1 monteur en chômage décédé, et
1 ou 2 malades, tandis que, du côté des autres métaux U
morts ou malades !
A Saint-Antoine, comme à l'Hôtel-Dieu, l'épidémie de 1866
pas plus que celle de 1865, n'est, on le voit, guère venue en
aide aux adversaires de l'immunité des ouvriers en cuivre
Voyons maintenant si les hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière
ont, eux aussi, continué à nous donner raison.
Hôpital Saint-Louis. — Nous ne possédons pour cet hôpital
que le chiffre des morts, dans les professions sur métaux et
les renseignements qui s'y rapportent. Ce chiffre est de 10,
dont un seul ouvrier en cuivre, savoir :
Un fondeur mouleur en cuivre : Gallet, passage des En-
vierges, ^i. — Conditions d'hygiène mauvaises, pris un lundi
après plusieurs jours de chômage et de libations.
Un fondeur en fer : Haist, rue des Écluses-Saint-Martin, 19.
Un ouvrier en faux bronze ou composition (zinc) • Saltet
rue Oberkampf, 73. — Attaché à la maison Brichon rue
Vieille-du-Temple.
Puis 3 mécaniciens, 2 ferblantiers, 1 serrurier et 1 plom-
bier. ^
Nota. — Une femme BoufRol, portée comme polisseuse, in-
connue au domicile indiqué, rue des Jardins-Saint-Paul, 16.
Hôpital Lariboisière.— Ont été traités en 1856, 239 hommes
et 224 femmes; ensemble 463 cholériques.
Dans ce nombre se trouvaient :
1" Un jeune homme de 16 ans, entré depuis un mois seule-
ment dans la maison Thiébault, en qualité d'apprenti tourneur
à la machine, pour la fabrication de gros écrous en cuivre. II
ne se servait jamais ni de la lime, ni du papier de verre. Il
n avait pour voisin d'atelier qu'un seul ouvrier en cuivre
tourneur à la machine comme lui. Dans son atmosphère se
— 153 —
trouvaient, au contraire, de fines poussières de fer, grâce au
voisinage de 8 à 10 autres ouvriers qui travaillaient exclusive-
ment la fonte, surtout à la lime. ^
Ces détails, nous les avons recueillis sur les lieux mêmes.
2° Dupony, rue du Vertbois, 69, tourneur alternativement i
sur toute sorte de métaux. Le métal qu'il travaille le plus
souvent c'est le fer ou l'acier, et lorsqu'il tourne le cuivre, sont
toujours dans le même atelier d'autres ouvriers qui travaillent
le fer. Dupony nous a raconté les choses lès plus édifiantes sur
de nombreux interrogatoires et examens qu'on lui aurait fait
subir à l'hôpital, à l'effet d'arriver à ceci et de lui prouver à
lui-même qu'il est bien un ouvrier en cuivre, et pas du tout
un ouvrier en fer. Déjà, au sujet du jeune apprenti ci-dessus ,
avaient eu lieu certains faits de même nature. Ne nous y arrê-
tons pas, et montrons-nous indulgent pour nos contradicteurs,
à raison des difficultés qu'ils ont eues plus particulièrement
encore cette année à faire leurs preuves à Lariboisière : ces deux
ouvriers, qui du reste ont guéri l'un et l'autre, sont en effet
les seuls pouvant leur offrir apparence d'arguments, qui soient
enlvés dans cet hôpital avec te choléra. Cette dernière restriction,
entrés avec le choléra, est nécessaire, car, chose tout au moins
bien étrange si elle n'est point significative au plus haut degré,
5 ouvriers en cuivre, 1 tourneur, -1 estampeur, 1 fondeur et
2 plaqueurs que le hasard avait réunis à Lariboisière, l'un pour
une tumeur de l'aine, l'autre pour une fracture de côte, etc.,
et qui s'y trouvaient depuis assez de jours pour avoir eu le
temps de perdre tout ou partie de leur immunité relative, ont
tous contracté la maladie dans les salles : un seul sur les cinq
a succombé.
Pour les professions similaires sur d'autres métaux, nous
avons relevé 5 serruriers, 3 forgerons, 2 frappeurs, 1 chaudron-
nier en fer, 1 mécanicien, 1 ferblantier, 1 coutelier, 1 étameur,
1 plombier, 1 doreuse, 1 horloger et 1 bijoutier en fin (or et
argent); total 19 malades, dont 13 de morts, tandis que 1 dé-
cès seulement sur les cinq ouvriers en cuivre pris dans l'hô-
pital!....
Dans ce dernier cas, la faiblesse de la mortalité a-t-elle dé-
pendu de la résistance opposée par l'organisme encore impré-
— 15/( —
gné à certain degré du préservatif? Nous sommes d'autant plus
autorisé à le dire, que, dans nos recherches antérieures, nous
avons obtenu toujours les mêmes résultats négatifs, quant à la
mortalité, sur les rares malades rencontrés dans le cuivre, et
que cette année encore, en faisant le total de tous les ouvriers
en cuivre plus ou moins authentiques qui ont été notés à l'Hô-
tel-Dieu, à Saint-Antoine et à Lariboisière, nous trouvons quoi?
1 mort pour 6 ou 7 malades, et 13 décès sur 19 à Lariboisière,
dans les professions similaires!...
Faisons encore remarquer, avant dépasser outre, que la pro-
fession qui occupe dans l'industrie parisienne le sommet de
l'échelle de préservation, la chaudronnerie en cuivre, a joui
d'une préservation absolue, aussi bien en 1866 qu'en 1865, à
en juger du moins d'après ce qui s'est passé dans les hôpitaux
susmentionnés.
En résumé, 1,000 cholériques hommes environ ont été frai-
tés en 1866 tant à l'Hôtel-Dieu qu'à Saint-Antoine, Saint-Louis
et Lariboisière.
Le chiffre des décès ne nous est point connu, mais suppo-
sons qu'il ait été seulement de moitié. Les ouvriers en cuivre
comptant pour le dixième, sinon pour le huitième, dans la
clientèle mâle de ces hôpitaux, c'est donc au moins 50 morts
que nous aurions dû retrouver, s'ils sifi)issaient la loi com-
mune: or ils n'en ont que deux en tout : 1 monteur, préser-
vation du 2« degré, et 1 mouleur-fondeur, préservation du
degré, pendant que les ouvriers sur les autres métaux, qui ne
forment guère que le dixième de cette même clientèle, avaient
U mortsà Saint-Antoine, 9 à Saint-Louis, 13 à Lariboisière (nous
n'avons que le chiffre brut des cholériques de l'HôteUDieu) ; to-
tal 36, c'est-à-dire plus du dixième des décès dans ces trois
hôpitaux !...
Nous possédons encore d'autres faits et renseignements,
mais pour les produire utilement, il faudrait nous être mis en
mesure de pouvoir répondre, comme nous l'avons fait pour
l'épidémie de 1865.
Un mot seulement sur cette Société du bon Accord dont il a
— 155 —
été si souvent question, et sur sa jeune émule, la Société de
l'Espérance, fondée en faveur des ouvriers en bronze qui, pour
des raisons d'âge, ne peuvent point être admis dans la pre-
mière.
Le chiffre total des associés pour les deux sociétés est d'envi-
ron 500.
En 1866 : 0 décès comme en 1865, \S5h, 1849 et 1832.
Journées de maladie pour cholérine, 22, réparties sur deux
ciseleurs!
Sur la préservation des 'ouvriers en cuivre nous devons en
avoir dit assez ; nous nous arrêtons.
Que celui que les faits, venus aujourd'hui de toutes parts,
n'ont pas encore pu convaincre, s'arme de patience et fasse
comme nous. Si le seul, amour du bien et de la vérité le guide,
il devra, après avoir relevé les décès qui incombent à la classe
des préservés, se rendre à domicile pour s'informer de toutes
les circonstances professionnelles et autres qui ont précédé
ou accompagné l'invasion de la maladie.
A quelle catégorie de préservés appartenait le décédé...
Était-il en activité de travail le jour où la maladie est venue le
surprendre ? Ne venait-il point d'interrompre, pour un temps
notable, sa profession?... Travaillait-il depuis assez longtemps
pour que l'imprégnation cuprique eût eule temps de se faire?..
Cette imprégnation n'avait-elle point été empêchée ou retar-
dée par le mélange des poussières de cuivre avec des pous-
sières de fer, par exemple, réductrices de ce métal?... De mau-
vaises conditions d'hygiène et d'alimentation, ou une médica-
tion intempestive, comme des purgations répétées, une impru-
dence capitale, n'étaient-elles point venues en amoindrir ou
même annuler les bénéfices?... Ce n'est qu'à la condition
d'avoir réponse à ces différentes questions que les résultats
négatifs de nouvelles constatations pourront compter, et être
admis comme preuves contre la préservation cuprique qui fait
aujourd'hui la foi de tant d'intéressés.
Quant à nous, la démonstration de l'immunité des ouvriers
en cuivre nous paraît aujourd'hui devenue si complète, que,
redisons-le, n'étant plus même stimulé par l'aiguillon du
— 156 — -
doute, nous nous sentons incapable de rien entreprendre
désormais pour y ajouter, et fermons ici, pour ne plus y reve-
nir, ce long chapitre de la préservation spontanée,
PRÉSERVATION PROVOQUÉE.
En 1866, nous avons fait adopter nos armatures par un bon
nombre de personnes, quelques-unes se sont même décidées à
faire usage, dans le même but, des sels de cuivre en lavement :
toutes ont été préservées, mais cette fois encore, nous n'avons
aucune peine à le reconnaître, les résultats se traduisent en de
trop petits chiffres pour que nous ayons le droit à autre chose
que d'être un peu plus afiîrmatif qu'après 1865. Peut-être en
serait-il autrement, si nous pouvions y ajouter tous les faits de
préservation provoquée qui se sont produits en dehors de
notre intervention. Le hasard en a porté quelques-uns à notre
connaissance. Ainsi, par exemple, un certain personnage parti
de Russie, devant séjourner en diverses villes où régnait l'épi-
démie, s'est appliqué sur la poitrine une large plaque de
cuivre qu'il n'a plus quittée, et dans la conviction de M. X...,
cette application a suffi pour le mettre à l'abri de toute infec-
tion cholérique. Trois fois il nous est arrivé de rencontrer dans
le monde des porteurs de plaques préservatrices, qui se plai-
saient à témoigner tout haut de leur immunité...
Vers le 15 du mois de juillet, nous reprenions sur nous-
même nos expériences de préservation mixte. Renonçant
cette fois aux frictions, qui ont en elles-mêmes trop d'inconvé-
nients pour être jamais adoptées, nous nous sommes borné à
l'application externe du cuivre et à son administration inté-
rieure. Six semaines durant, nous avons jDris en lavement, soit
le matin à notre lever, soit le soir à notre coucher, depuis
12 jusqu'à 20 centigrames de sulfate de cuivre dissous dans la
valeur de 100 à 120 grammes d'eau, et pendant tout ce temps,
dont nous avons passé une grande partie au milieu des cholé-
riques de r Hôtel-Dieu, recueillant les observations, procédant
souvent nous-même aux applications d'armatures et prati-
quant de nombreuses autopsies, il ne s'est jamais rien passé en
notre organisme qui offrit une trace quelconque de l'influence
—, 157 —
épidémique... D'un autre côté, ce si terrible poison n'a point
eu d'autre effet sur nous que de déterminer, comme précé-
demment à Toulon, une notable conslipation, et de donner aux
matières fécales une coloration vert foncé caractéristique. Dans
nos divers essais de préservation mixte sur autrui, toujours
aussi la muqueuse de l'intestin a paru comme asséchée...
Que nos confrères essayent, le cas échéant, sur eux-mêmes
de nos applications et de notre lavement préservatif, en com-
mençant par une très-innocente dose de 6 ou b centigrammes,
et bientôt, nous le croyons fermement, les preuves ne man-
queront point pour une démonstration définitive de l'efficacité
du système de préservation par le cuivre intus et extra.
TRAITEMENT.
La question du traitement a fait de nouveaux progrès en 1866.
A peine l'épidémie commencée, M. le docteur Groussin, de
Bellevue, obtenait avec les sels de cuivre un nouveau succès
qu'il a fait connaître dans les termes suivants :
Le vendredi 27 juillet 1866, à dix heures du matin, j'arrive auprès
de G..., trente-neuf ans, épicier, demeurant au bas Meudon : appré-
hension constante, depuis quelques semaines, d'être pris par le cho-
léra -, selles diarrhéiques (3 à 5 par jour, depuis quatre jours).
A ma visite, pouls à 103, coliques et selles liquides — six depuis
deux heures, — lassitude, prostration des forces, figure fatiguée,
crampes, envies de vomir, voix affaiblie. Potion à l'extrait de rata-
nhia, additionnée d'alcoolat de mélisse et de laudanum de Sydenham;
frictions, bouteilles d'eau chaude, etc..
A quatre heures du soir, je suis mandé en toute hâte : pouls à 140,
yeux enfoncés dans les orbites, 15 selles environ depuis dix heures et
demie et cette fois rizoïdes, S à 6 vomissements, crampes plus fré-
quentes et plus douloureuses, traits plus altérés; pas d'urine depuis
le matin; voix éteinte; température des téguments inférieure à celle
de l'état normal; en un mot choléra confirmé : continuation des
mêmes moyens, plus bain alcalino-térébenthiné (60 grammes d'es-
sence de térébenthine).
Samedi, sept heures du matin. Les accidents se sont accrus depuis
une heure; miction nulle, pulsations d'une extrême faiblesse et rapi-
— 158 —
dité; selles plus fréquentes; yeux plus ternes. Je ne perds pas cou-
rage. Je supprime la potion au ratanhia et j'ordonne :
Sulfate de cuivre. . . . 4 0 centigrammes.
Laudanum de Sydenham. . 6 gouttes.
Alcoolat de mélisse. ... 4 grammes.
Potion gommeuse . . . . 410 grammes.
A prendre par cuillerées à café toutes les vingt minutes, concurrem-
ment avec de la glace, du vin vieux chaud, sucré, additionné de clous
de girofle, de cannelle et de jus de citron. Je reste deux heures de suite
auprès de G.. .; je jette dans son lit et j'étends sur toute la surface
du corps de la calamine (')), je roule autour des deux membres gau-
ches des bandes de cuivre très-minces, et je redouble d'attention
pour que la chaleur artificielle soit entretenue.
Samedi à midi. Un peu de mieux; les deux premières cuillerées
de la potion seules ont été vomies ; moins de crampes ; le pouls se
laisse deviner; la réaction s'annonce.
Même potion que la précédente, sauf que le sulfate de cuivre est
porté de 10 à 12 centigrammes.
Samedi, à cinq heures du soir. Le mieux continue; la peau laisse à
la main une impression meilleure; j'envoie chercher une troisième
potion contenant cette fois 15 centigrammes de sulfate de cuivre, au
lieu de 12, et toujours aussi glace, vin chaud, un peu de rhum.
Dimanche à huit heures du matin. Le mieux a continué; faciès
meilleur ; mais pas d'urine. Un quart de lavement avec 8 gouttes de
laudanum et 15 centigrammes de sulfate de cuivre.
Dimanche, à quatre heures du soir. Le mieux se maintient; le lave-
ment n'a pas été rendu.
Lundi à neuf heures du matin. Pas de selles depuis hier soir à
quatre heures; pas de vomissements^ pouls à 95 et solide; 200 gram-
mes d'urine environ : outre les moyens sus-indiqués, on a donné
quelques cuillerées de panade, et de gelée de viande, qui ont été
supportées. Depuis une heure environ, la potion répugne au malade;
quelques nausées; éructations fréquentes.
Je juge que l'action médicale du sel cuprique est terminée, et que
son action toxique pourrait bien commencer. Je le supprime, je dé-
gage mon malade de ses bandes de cuivre, je fais retirer les draps,
disparaître toute trace de calamine, et plonger G... dans un bain al-
(i) La calamine (oxyde rouge dé cuivre), dont M. Groussin a fait usage, lui
avait él& fournie avec empressement par M. le directeur de la capsulerie de
Meudon. Plus de cent ouvriers y travaillent, et jamais ni mort ni même de
malade du choléra. (Témoignage de IVL le docteur Groussin).
— 159 —
calino-térébentbiné, à double effet de le nettoyer de toute cette farine
cuprique, et d'opérer une révulsion vers la peau.
Lundi, à quatre heures du soir. Le mieux continue; toujoxirs Voix
cassée; yeux meilleurs; mais encore des nausées et des éructations.
Mardi et mercredi. Le mieux continue; potion au quinquina.
Jeudi matin, à dis heures. Depuis dimanche soir, le malade, chose
assez curieuse, n'a pas encore eu une seule selle. A partir d'aujour-
d'hui, je le considère comme tout à fait hors de danger; la faiblesse
est encore grande, sa voix est encore altérée, mais la figure est bonne
et le pouls normal.
Ainsi, mon malade a pris en potions 30 centigrammes de sulfate
de cuivre, et -15 centigrammes en lavement, plus le cuivre absorbé
par la peau et dont la quantité ne peut ôlre évaluée. Les potions se
donnaient jour et nuit, par cuillerées à café, toutes les vingt minutes ;
la poussière et les bandes métalliques sont restées en contact avec le
malade pendant vingt-quatre heures. En agissant ainsi, je n'ai fait qtfe
me conformer à la règle tracée en ces termes, dans la GazeltfS des
Hôpitaux du 29 juillet 1 866 : « en un mot dans les cas graves, faire pé-
nétrer le cuivre par toutes les voies et le plus promptement possible... »
« L'année dernière, à pareille époque, j'ai eu trois cholériques
dans la même localité {bas Memlon); je n'ai employé le sulfate
de cuivre que sur un ; il a succombé ; mais mon confrère de
Meudon, M. Droux,et moi, nous nous souvenons très-bien que,
pendant deux ou trois heures, nous avons obtenu un commen-
cement de réaction et d'amélioration fort remarquable. J'ai
réfléchi depuis que dans ce cas nous avions trop attendu, car
la période algide était déjà arrivée depuis un certain temps. »
D' Groussin, (Extrait de la Gazelle des Hôpitaux.)
Notre pratique personnelle en ville n'a point enrichi non
plus beaucoup cette année la question du traitement. Ginq faits
seulement méritent d'être cités; les voici en peu de mots :
Obs. L — Madame A., rue Rochechouart, M. Choléra léger, le
28 juin. Guérison en deux jours, par une potion à 0,1^0 centig. et
3 lavements à 0,25 centig. de sulfate de cuivre.
0ns. IL - X., concierge, cité Tréviso, 2. Choléra un peu plus
grave, te 23 juillet. Guérison en trois jours, par 2 potions à 0,15 centig.
et 6 lavements à 0,30 centig., sans plus.
Quelques jours après, le 6 août, la femme était prise à son tour.
— 160 —
mais plus légèrement. Guérison par une seule potion à 0,10 centig. et
3 lavements à 0,25 centig.
Obs. III. — X., capitaine dans l'infanterie de la garde, demeurant
rue Montyon, H . Choléra moyen, ayant résisté trois jours aux moyens
usuels appliqués avec autant de soin que de dévouement par le major
du régiment, M. le D-- Germain. Appelé en consultation par cet hono-
rable confrère, le 22 juillet, dès le 25 la guérison se trouvait assurée
au prix d'une seule potion à 0,15 centigr. et de 6 lavements à
30 centigr.
Obs. IV. — X., employé à la manufacture des labacs, domicilié
rueJoubert, 14. Choléra grave, le 15 août (suppression des urines
et cyanose, mais pouls conservé). Traitement : 1 gram. de sulfate de
cuivre par le haut, en deux jours, 3 gram. 1/2 par le bas, en quatre
jours ; retour des urines le troisième jour, convalescence rapide à
partir du 20 août. Ce malade a fait grand bruit dans le quartier.
Obs. V. — X., rue Richer, 1, boucher, dix-sept ans. Choléra des
plus graves. Ni pouls, ni chaleur, ni urines : cyanose complète. Trai-
tement sans résultat; mort au bout de quatre heures.
Ici s'arrêtent nos observations en ville. On s'étonnera peut-
être que, jouissant d'une certaine notoriété dans la ques-
tion du choléra, nous n'ayons, en ce qui nous concerne per-
sonnellement, qu'un si petit nombre de faits à citer; mais cet
étonnement cessera lorsque nous aurons dit que le traitement,
ainsi que nous le pratiquons, demandant beaucoup de temps,
nous avons dû refuser presque toujours les malades qui ne
faisaient point partie de notre clientèle, afin de pouvoir nous
consacrer, le plus possible, aux expériences dont nous allons
parler.
LES SELS DE CUIVRE A L'HOTEL-DIEU EN 1866.
EXPÉRIENCES DE M. LE D'' HORTELOUP.
Vers la fin dejuillet, ayant appris que M. leD-" Horteloup avait
fait sans succès des essais avec les sels de cuivre sur les cholé-
riques de son service, mais que l'écho de nos protestations
au sujet des doses qui seules avaient trouvé crédit à Paris,
était parvenu jusqu'à ce praticien émincnt, le 21 ou le 22
de ce même mois nous nous rendions à l'Hôtel-Dieu pour y
— 161 —
exposer, en toute confiance et sincérilén, nos espérances, rien
de plus, et dire à quelles conditions ces espérances, très-
grandes, redisons-le, dans la première période, même grave, du
choléra confirmé, nulles ou à peu près dans la période algide,
nous paraissaient seulement devoir se réaliser.
M. le D"" Horteloup voulut bien être avec nous de cet avis que,
dans les expériences de cette nature , la première condition
pour réussir, c'est de se conformer aux errements tracés par
l'auteur et que, pour juger une méthode, on ne saurait mieux
faire que de la mettre à exécution sous les yeux mêmes de l'in-
venteur. En conséquence, notre très-honoré confrère et maître,
.dont une expérience personnelle nous avait déjà permis d'ap-
précier toute la bienveillance et l'esprit d'initiative, consentit
à ce qu'il fût fait de nouveaux essais avec notre assistance.
Promettre ou affirmer quoi que ce soit touchant les résultats
futurs du traitement, c'eût été sortir complètement de notre
réserve habituelle, et M. Horteloup nous rendra, nous l'espé-
rons, cette justice que, fidèle ici à tout notre passé, nous
n'avons jamais parlé et agi qu'en médecin qui tient par-dessus
tout à rester digne de son art, comme de lui-même.
Et d'abord les cholériques absorbent-ils encore dans la pé-
riode ultime ?
Ppremière expérience. — Les 26 et 27 juillet, deux malades
pris dans les cas les plus graves, les 5 et 20 salle Saint-Julien,
plus un troisième, n° h, non moins sérieusement atteint, bien
qu'il eût encore un peu de pouls, sont soumis à l'action des
sels de cuivre à haute dose, dans le seul but, la mort nous pa-
raissant à nous imminente pour tous les trois, de soumettre
plus tard leur foie à l'analyse. Le n° k algide , cyanosé, sans
urines, aphone, guérit au prix de 4 grammes de sel cuprique
en potion et de 5 grammes 1/2 en lavement, et le n° 20 froid,
visqueux, sans pouls et sans urines, succombe, mais après avoir
offert des signes de lutte pendant cinquante-quatre heures.
Quant au troisième (le n° 5) , qui n'a pu garder ni potion ni
lavement, sa mort arrive à la vingt-sixième heure sans aucune
trace de réaction.
Devions-nous , après ce premier essai , nous abstenir de
prendre notre part d'une lutte aussi désespérée, et demander
11
— 162 —
qu'à l'avenir on réservât le remède pour les cas seulement
de moyenne intensité ou même graves, mais non encore arrivés
à cette terrible période de l'algidité et de la cyanose ?
La vulgaire prudence voulait sans doute qu'il en fût ainsi, et
un habile aurait à coup sûr bien pris garde d'être d'un avis
contraire, mais il nous fallait à nous savoir enfin jusqu'où
l'on pouvait aller, et voilà pourquoi, encouragé d'ailleurs par
la guérison inattendue du n" 4, nous souscrivîmes au programme
qui va suivre :
Deuxième série d'expériences. — Il est convenu de ne prendre
que les cas de moyenne intensité et tous les cas graves, moins,
bien entendu, les mourants. Les malades n'ayant que des cho-
léras légers, ou déjà entrés en réaction à leur arrivée, seront
traités par les moyens ordinaires, aussi bien que ceux venus
d''autres services avec des complications. La pharmacie de
l'hôpital préparera d'une part une série de potions de 120
grammes, contenant 30 centigrammes de sulfate de cuivre plus
30 grammes de sirop diacode, comme dans la potion stibiée, et
d'autre part une solution pour lavement, titrée de façon à ad-
ministrer chaque fois de /jO à 50 centigrammes du même sel.
Dans les cas légers, potion de deux heures en deux heures,
par cuillerée à soupe, et deux à trois lavements dans la journée.
Dans les cas de moyenne intensité, 1 cuillerée de la potion
d'heure en heure et trois à quatre lavements.
Dans les cas graves, potion de demi-heure en demi-heure
et un lavement toutes les deux ou trois heures.
En outre armatures, toutes les fois que faire se pourra, et
comme boisson habituelle, glace, eau de Seltz ou eau vineuse
sans plus.
Ce programme n'a pas toujours été exactement suivi, nombre
de cas in extremis ont été traités, aussi bien que quelques cas
légers {h ou 5) par méprise des sœurs, à qui seules incombait
le choix des malades en dehors des heures de visite. Ne nous
y arrêtons pas : historien fidèle, et rien de plus, bornons-nous
en ce moment à l'exposition scrupuleuse des faits. Pour que le
lecteur ne garde aucun doute sur leur parfaite autlienlicité,
nous dirons que la copie des pages qui vont suivre a été tout
d'abord soumise à l'approbation de M. Horleloup, et que ce
— 163 —
maître vénéré, pour lequel nous ne saurions exprimer trop haut
notre reconnaissance, n'y a point trouvé une seule ligne qui ne
fût exactement conforme à la vérité.
Du 7 août au 28 inclusivement, ont été soumis aux sels de
cuivre, nous disons soumis et non point traités, car, ce nous
semble, on ne sam'ait appliquer ce mot à tous les malades in-
distinctement, quelques-uns n'ayant en quelque sorte fait que
passer devant le médicament... soixante-neuf cholériques, qui,
réunis aux trois premiers, forment un total de soixante-douze ;
DIX-NEUF ONT' GUÉRI ET CINQUANTE -TROIS SONT MORTS !
Certes si l'on ne considérait que le résultat final, cinquante-
trois décès sur soixante-douze malades, s'il n'avait point existé
un programme n'admettant que des cas graves ou de moyenne
intensité, il serait inutile d'aller plus loin et il ne resterait à
l'auteur désabusé qu'à se retrancher désormais derrière la ques-
tion de la préservation qui, pour lui, n'a pas une importance
moindre que celle du traitement. Elle en diffère d'ailleurs essen-
tiellement, et pas plus que la vaccine n'a eu à souffrir des ten-
tatives avortées de ceux qui avaient espéré faire du cow-pox
un moyen curatif de la variole, en aucun cas la préservation
par le cuivre intus et extra -nd saurait être responsable, ce
nous semble, d'expériences faites en vue de la guérison du
choléra par ce même moyen.
Mais entrons dans les détails, examinons les faits et voyons
ce qu'ils signifient.
OBSERVATIONS.
Nous avions commencé par faire un classement des obser-
vations recueillies d'après la gravité que nous croyions devoir
attribuer personnellement à chaque cas en particulier, mais
ayant réfléchi que ces qualificatifs ié^yers, moyens et graves, ap-
pliqués à des faits cliniques, ne disent rien que l'appréciation
particulière de celui qui les emploie, et connTietels sont sujets
à discussion, nous nous sommes décidé pour la classification
suivante :
1° Cholériques du premier degré, c'est-à-dire tous ceux plus
ou moins atteints de choléra confirmé, mais tous encore en
— m —
bonne puissance d'absorption, ou qui du moins peuvent être
jugés tels d'après l'état de la circulation, de la calorificalion et
de la sécrétion urinaire, et n'ayant eu au plus que Tune de ces
trois importantes fonctions gravement atteinte ou même sup-
primée.
2° Cholériques du deuxième degré, tous les cas ayant offert
une suppression complète de deux de ces fonctions, et par con-
séquent une atténuation déjà grande des facultés d'absorption.
3" Cholériques du troisième degré, ceux tout à la fois sans
pouls, sans urines et algides.
Les cas de chaque degré ou catégorie seront rangés ensuite
par ordre de leur gravité relative ; le n° en chiffres romains
de l'observation exprimera lui-même cette gravité.
1° Cholériques du premier degré (18),
16 GUÉRisoNS, (14 hommes et 2 femmes) ; et 2 décès.
GUÉRISONS.
Obs. I. — Saint-Julien, n" 5. Delphin, trente et un ans, fabricant de
peignes, entré le '10 août. Pris le matin mème, cas léger; le soir à
huit heures réaction vive. Exeat le 4 2.
Traitement : 1 potion, 2 lavements.
Obs. II. — Sainte-Anne, n» 27. Femme Martin, vingt-six ans,
repasseuse, entrée le 2'1. Malade depuis le 19, cas léger. Exeat le 27.
Traitement : 1 potion et 2 lavements.
Obs. 111. Décès. (V. plus loin.)
Obs. IV. — Saint-Julien, n° 6. Chabert, dix-huit ans, garçon de
magasin, entré le '18. Diarrhée le 16, vomissements, selles et crampes
toute la nuit du '17 au '18. A son arrivée 408 pulsations, froid aux
extrémités, teinte cyanique des mains et du visage, crampes très-
fortes, agitation, peur de mourir. Exeat le 2'!.
Traitement : 1 potion et 3 lavements.
Obs. V. — Saint-Julien, n° '18. Provost, vingt-cinq ans, garçon
limonadier, ontré le 10. Diarrhée depuis huit jours. 9 selles, pou
de vomissements et de crampes. Sa maladie se compliqué plus tard
do diphlhérie et d'accidents typhiques. Exeat le 28.
Traitement : 2 potions '1/2 et 6 lavements.
- 165 —
Obs. VI. — Sainf-Julien, n» 22. Pécheux, vingt et un ans, garçon
maçon, entré le iO. Diarrhée depuis deux jours. Le-IQ vomissements,
puis crampes. A son arrivée, pouls à 110, froid. Exeat le 24.
Traitement : 1 potion 1/2 et 4 lavements.
Obs. VII. Décès. (V. plus loin.)
Obs. VIII. — Saint-Julien, n» 11. Michon, vingt-six ans, maçon,
entré le 20. Malade depuis le 16, soigné à domicile. Le 21, encore
quelques selles caractéristiques. Potion et lavements jusqu'au 22.
Exeat le 27. Traitement : 3 potions et 5 lavements.
Obs. IX. — Sainte-Anne, n" 26. Femme Suzanne, vingt-quatre ans,
couturière, entrée le 21. Malade de la veille; froide, beaucoup de
dévoiement, beaucoup de vomissements et de crampes, yeux excavés,
voix très-affaiblie, pas d'urines.
22. La malade a pris 3 potions et 4 lavements, pas de selles depuis
la veille, mais vomissements abondants; la potion n'y paraissant pas
étrangère, on la supprime et l'on se borne a prescrire 2 lavements.
23 et 24. Les selles ne se renouvellent pas, mais les vomissements
persistent malgré divers moyens; ils n'ont rien de caractéristique et
semblent être de nature spasmodique. On finit par en avoir raison,
et exeat le 4 septembre. Traitement : 3 potions et 3 lavements.
Obs. X. — Saint-Julien, n" 2. Mostack, quarante-neuf ans, terrassier,
entré le 9. Malade depuis trois jours; la veille 14 selles; vomisse-
ments le soir, crampes toute la nuit. A l'arrivée, demi-algidité, voix
cassée, anurie, mais pouls. Le 10, le malade passe aux convalescents.
Exeat le 12. Traitement : 3 potions, 6 lavements.
Obs. XI. — Saint-Julien, n° 13. Gonet, vingt-deux ans, garçon
de magasin, entré le 21. Malade depuis le 20; vomissements, selles
et crampes toute une partie de la nuit. A son arrivée, froid et cyanose
commençante, pouls très-faible.
23. La médication est déjà devenue inutile.
24 et 25. Quelques phénomènes congestifs, saignée. Exeat le 28.
Traitement : 4 potions et six lavements.
Obs. XII. — Saint-Julien, n" 1. Dubois, vingt-cinq ans, marbrier,
entré le 9. Diarrhée depuis deux jours. Le 8, selles fréquentes, vomis-
sements et crampes le .soir. A l'entrée, pouls faible à 84, peau froide,
légère altération do la voix, pas d'urines depuis la veille au matin,
crampes féroces.
41. Retour des urines; on suspend la potion, 2 lavements seule-
ment. Accidents cérébraux consécutifs graves qui nécessitent 2 appli-
cations de sangsues et 2 saignées. Exeat le 17.
Traitement : 4 potions et 7 lavements.
— 166 —
Obs. XIII. — Saint-Julien, n" 2. Colomès, vingt-six ans, boulanger,
entré le 11. Malade depuis trois jours, vomissements et crampes depuis
la veille, pouls petit à 120, froid, yeux excavés, urines supprimées.
Accidents consécutifs graves, vésicatoire, sangsues, saignée; retour
des urines le 16 seulement. Exeat le 24.
Traitement : 4 potions et 9 lavements.
Obs. XIV. — Saint-Julien, n" 4. Milon, seize ans, cuisinier, entré
le 17. Diarrhée depuis le 14. Le malade étant encore chaud et ayant
du pouls reçoit ipéca à son entrée. Dans la journée, les accidents
continuent à se montrer. Le soir, refroidissement, suppression d'uri-
nes, menace de l'algidilé. On prend alors le traitement par le cuivre.
18. Le malade urine, mais pouls à 120.
19. Ni selles ni vomissements depuis la veille; on arrête le trai-
tement.
20. 72 pulsations; un peu de somnolence. Les jours suivants, acci-
dents consécutifs menaçants du côté du cerveau. Exeat le 28.
Traitement : 3 potions et 6 lavements.
Obs. XV. — Saint-Julien, n" lO. Bureau, trente-deux ans, tailleur
de pierres, entré le 9, venant de la salle Sainte-Jeanne, oii traité
sans aucun succès depuis le 6. Selles et vomissements continuent,
112 pulsations, un peu de froid et de cyanose, constriction très-vive
à la base de la poitrine, abattement extrême.
Le 4 2 au matin déjà il urine; on suspend le traitement.
13. Signes congestifs, sangsues et saignée. Exeat le 15.
Traitement : 3 potions et 7 lavements.
Obs. XVI. — Saint-Julien, n» 21. Briau, trente-deux ans, con-
cierge, entré le 8. Malade depuis trois jours. Pouls petit à 110, froid,
cyanose des extrémités, un peu de viscosité, voix cassée, yeux caves,
bourdonnements d'oreilles, crampes Irès-fortes, très-peu d'urines.
Potion de demi-heure en demi-heure.
Le 9, mieux très-marqué, pouls à 96, réaction franche.
40. Mieux encore, une seule garde-robe depuis la veille. On le fait
passer au n" 13 des convalescents, et l'on arrête le traitement. Dans
la nuit, retour des accidents : 6 garde-robes, 2 vomissements.
Le 11 au matin, pouls petit, voix altérée de nouveau, froid, bour-
donnements d'oreilles. On reprend le traitement, potion d'heure en
heure, 4 lavements dans la journée. Le soir, le malade est déjà mieux,
il urine (depuis le retour des accidents cela ne lui était point encore
arrivé), réaction franche, 80 pulsations.
12. L'amélioration continue.
13. Deux selles seulement depuis la veille, dont la dernière déjà
molle; suppression de la potion, 2 lavements, potage. Exeat le 16.
— 167 —
traitement : 8 potions et 14 lavements.
Briau ne vomissait pas après la potion; il n'ajamais accusé aucune
sensation qui pût être rapportée au remède, cependant il a pps ? gr.
40 cenlig. de sulfate de cuivre.
Obs. XVII. — Saint-Julien, n« 24. Martinoli, vingt-neuf ans, vilner,
entré le 46. Malade depuis le 14. Selles continuelles dans la nuit du
15 au '16- les vomissements existent depuis le matin seulement, les
crampes étaient venues la veille. Le soir, à l'entrée, vomissements
très-abondants, selles fréquentes caractéristiques, pouls très-peu sen-
sible à 120, froid, un peu de cyanose et de viscosité, suppression des
urines, voix éteinte, crampes.
Dès le lendemain 17, réaction bonne, la voix revient.
18. Deux selles et un seul vomissement depuis la veille. Bouillon,
plus de potion , lavement seulement.
19. Pouls à 72, bon.
20. La convalescence se prononce, reste du hoquet.
21. Bien; passe au n° 17 des convalescents. Exeat le 22.
Traitement : 4 potions et une dizaine de lavements.
Obs. XVIII. — Saint-Julien, n" 22. Meriglier, trente ans, sergent
de ville, entré le 9. Diarrhée depuis trois jours, cyanose des extré-
mités, froid, algidité commençante, anurie complète depuis la veille,
pouls oscillant à 120, vomissements abondants, crampes très-fortes.
12. Retour des urines, plus de vomissements, trois selles seule-
ment depuis la veille, voix revenue, mais un peu de somnolence :
saignée préventive, suspension de la potion, continuation des lave-
ments, deux par jour. Exeat le 18.
Traitement : 5 potions et 11 lavements.
Nota. — Ces cinq derniers malades étaient tout à fait sur les
limites du deuxième degré.
DÉCÈS.
Obs. m. — Saintr-Julien, n" 4. Hue, vingt-sept ans, cartonnier,
entré le 13. Malade depuis quatre jours, venu par la Préfecture de
police, qui l'avait trouvé sans asile. La veille de son entrée, 6 garde-
robes seulement.
60 pulsations, chaleur bonne, urines conservées, quelques crampes,
peu de vomissements. La misère semble avoir fait tout le mal.
On lui donne la potion de 2 en 2 heures seulement, et 2 lavements
14. Les phénomènes cholériques proprement dits ont fait place à
un hoquet persistant; 76 pulsations, hébétude, signes de congestion.
On se borne à donner 2 lavements.
— 168 —
15. Ni selles ni vomissements, mais les phénomènes conges^s
augmentent, la respiration s'embarrasse. Mort le 46 dans la journée.
Traitement : i\ polion 1/2 et 4 lavements.
Obs. vu. - Saint-Julien, n" 19. Houdebert, trente-cinq ans,
journalier, entré le .18. Diarrhée depuis le 15. Dans la nuit du V6
au 16, presqu'eii même temps, vomissements et crampes. A son entrée
un peu de froid sec, 80 pulsations petites, abattement, mais urines
conservées, très-peu de crampes, état somme toute peu inquiétant. En
conséquence, potion d'heure en heure d'abord , puis, après quelques
cueillerées, de deux heures en deux heures seulement et 2 lavements.
19. Pouls bon, peau chaude; trois selles depuis la veille. On le passe
au n" 15 des convalescents. 1 lavement conditionnel seulement.
20. Bien, un peu de somnolence, pas même de lavement, bouillon
et potage.
21. Bien continue, mai.s toujours somnolence, abattement. On con-
tinue l'alimentation.
22. Pouls fréquent, rougeur de la face, respiration suspirieuse.
23. L'état cérébral s'aggrave; mort dans la journée.
Traitement: 2 potions et 5 lavements.
En outre de ces 18 cas, il en est un 19" qu'on a mis au
compte de la médication, mais qui, comme on va le voir, mé-
rite une place tout à fait à part. Il s'agit d'un certain Brottin,
ouvrier tuliste, âgé de 27 ans, entré le 13 août au n° 7 de
Saint-Julien, pour un choléra presque léger. Il n'avait suppres-
sion d'aucune grande fonction. — Traité à son arrivée par la
potion et les lavements, 2k heures après, le 1/,, déjà pres-
que plus ni vomissements, ni selles (la dernière avait eu lieu
à minuit) et pouls à 80. Aussi potion de deux heures en
deux heures seulement, et deux lavements pour toute la
journée du Vers le soir, Brottin, bien qu'il n'ait encore
pris que trois potions, est saisi d'un invincible dégoût pour le
remède ; il le vomit chaque fois, et les lavements eux-mêmes
sont si mal tolérés, que le lendemain 15, on supprime tout le
traitement qui, du reste, semble devenu à ce moment inutile,
car point d'autres symptômes, depuis la veille, que les vomis-
sements, à l'occasion de la potion, et une garde-robe après
chaque lavement, et l'on se borne à prescrire bouillon et eau
vineuse.
La journée du 15 se passe bien, mais dans la nuit les selles
— 169 —
reparaissent : du 1 6 au 17 au matin, il y en a plus de 20 et déjà
aussi les vomissements reviennent.
Alors, traitement par bismuth et ratanhia,
18, le malade est mieux : 19, l'amélioration continue, le
20, 2 selles demi-consistantes; depuis la veille plus de symp-
tômes cholériques proprement dits, mais de la difficulté dans
la respiration ; 21, respiration anxieuse, un peu de délire et
dans la journée, mort rapide.
A l'autopsie l'on trouve une pneumonie double de la base,
suppurée en divers points : quant à la muqueuse stomacale,
elle n'offre rien de particulier, pas plus que celle du rectum
qui s'était montrée non moins rebelle au remède.
Cette observation ne montre, ce nous semble, en ce qui nous
concerne, qu'une chose et une chose très-précieuse... C'est
que, dans les premiers moments, les phénomènes cholériques
se sont arrêtés ici, comme dans tous les autres cas, devant le
cuivre, pour reparaître ensuite aussitôt que, par une idio-
syncrasie particulière du malade , le remède a cessé d'être
toléré... Quant au résultat final, en bonne justice, qui oserait
en rendre responsable le traitement ?
Total donc, à notre compte, 16 hommes et 2 femmes, sur les-
quels sont morts seulement 2 des moins frappés, et morts de
quoi et comment? l'un n° vu, de phénomènes congestifs, arri-
vés alors que le malade était déjà passé dans la salle des con-
valescents et qu'il commençait à manger, et l'autre, le n° ni,
encore moins atteint que le précédent, mort beaucoup de mi-
sère et un peu de semblables phénomènes consécutifs, arrivés
en dehors de tout phénomène cholérique proprement dit et au
moment où, lui aussi, allait passer à la convalescence.
Pour ce qui est des 16 autres malades, tous, aussi bien ceux
qui avaient perdu leurs urifies que ceux qui les avaient con-
servées, tous ont guéri sans hésitation. Chez tous, sans excep-^
lion, les phénomènes cholériques ont été enrayés, aussitôt
ou peu après la prise du remède, et qu'il y eût eu vomisse-
ment ou non lors des premières doses, pas un ne s'est avancé
d'un degré de plus vers la période algide. Entre temps, l'on a
vu, au contraire, des cas jugés légers à l'entrée des malades,
— 170 —
et traités en conséquence par l'ipéca et les autres moyens,
continuer à suivre une marciie fatale. Ainsi est-il arrivé pour
un n° 26 de la salle Saint- Anne, et ainsi aurait fini peut-être
le n» 4, Saint-Julien (obs. xiv), qui, repris en sous-œuvre par
les sels de cuivre, au moment où il entrait dans l'algidité, a
guéri, grâce à Dieu.
Notons maintenant ceci, comme assurément très-digne d'at-
tention, que le ri» 21 (obs. xvi), chez lequel on avait suspendu
un peu trop tôt la médication, repris assez sérieusement, pen-
dant la nuit du 10 au 11, a vu les accidents s'arrêter de nou-
veau devant l'emploi des mêmes moyens, potion toutes les
heures et lavement toutes les 3 ou 4 heures. Notons que le
n° 7, chez lequel les accidents avaient été conjurés en un jour ^
par les sels de cuivre, n'ayant pu conserver ensuite ni potion
ni lavement, moins de 24 heures après il y avait déjà 5 selles,
et le surlendemain plus de 20.
Ces deux faits de la réapparition des symptômes peu après
la suspension prématurée du médicament, ne sont pas malheu-
reusement les seuls. Il en est un troisième plus douloureux
encore, car il s'agit d'une malade n» 10, Sainte-Anne, qui est
morte après avoir été guérie une première fois. 11 en sera
question un peu plus loin.
Notons enfin que, chez aucun des malades de cette série,
jamais le traitement n'a donné lieu à d'autre accident que
celui résultant de l'action physiologique du remède. Plusieurs
ont vomi, c'est vrai, malgré l'addition de l'opium : il ne
pouvait guère en être autrement, puisque les sels de cuivre
sont un des vomitifs les plus sûrs que nous possédions, mais
les choses se sont passées encore ici, généralement comme avec
la potion stibiée dans le traitement de la pneumonie : après
avoir vomi la potion au début, ces malades ont fini par s'y ha-
bituer parfaitement.
2" Cholériques du deuxième degiié, 9.
2 GOÉRISONS ET 7 DÉCÈS.
GUÉnisoNS (2 hommes).
Obs. XXIIl. — Saint-Julien, n"]. Riabotlo, vingt-sept ans, maçon.
— 171 —
entré le 16. Diarrhée depuis quinze jours, mais malade surtout depuis
huit. Il accuse 10 garde-robes en moyenne par jour. Le 14, crampes
et vomissenjents : ceux-ci ont persisté toute la nuit. A l'entrée du
malade, pas de pouls, 120 à l'arlère crurale, algidité, cyanose géné-
rale, aphonie complète, viscosité ; le visage perle comme un alcarraza.
Riabotle dit cependant avoir encore uriné. Le traitement est immédia-
tement commencé. Potion de demi-heure en demi-heure, lavements.
Le soir le malade n'en est encore qu'^ la 2* potion, et il s'est déjà ré-
chauffé, le pouls a reparu.
17. Réaction des meilleures, chaleur modérée, disparition de la
cyanose, assèchement de la peau. Pouls bon, à 88. Le malade a uriné
abondamment, et la matière des garde-robes commence à s'épaissir :
3 potions e*t 4 lavements depuis le 16.
18. Le bien continue, pouls à 84, un peu de ténesme rectal. Le ma-
lade a vomi depuis hier la valeur d'une demi-cuvette; il accuse en-
core un peu de soif. Potion seulement de deux heures en deux heures,
2 lavements.
19. Suppression de la potion. Riabotte s'agite, sangsues le soir.
"20. 80 pulsations, peau chaude, plus rien de cholérique d'aucun
côté, hoquet seulement.
21. Un peu de délire maniaque. Le malade troublant le repos de la
salle est dirigé sur Bicètre.
Traitement : 6 potions et 10 lavements.
Obs. XXIV. — Saint-Julien, n°4. Richard, trente-neuf ans, chapelier,
entré le 27 juillet. Pris subitement le matin vers six heures (cinq heures
seulement avant son entrée) : à cinq heures du soir, déjà 40 selles au
moins, tandis que vomissements rares, crampes très-fortes, exca-
vation des yeux, surdité, aphonie, refroidissement, cyanose des
jambes, des bras et du visage, pouls encore sensible mais petit et
fréquent (il n'a pas été compté), la peau a perdu son ressort. Traite-
ment par le cuivre intus et exlra, mais nous n'y portons pas grande
attention, car le cas nous paraît à nous désespéré, et nous nous occu-
pons surtout de lui calmer ses crampes.
28. Le malade existe encore!.. Il a pris 3 potions et 5 lavements; il
est resté avec ses anneaux de cuivre qui lui ont fait grand bien, dit-il.
Nous attendons.
29. 3 nouvelles potions et 5 lavements, en tout plus de 3 grammes
de sel de cuivre en 24 heures. Les selles ont commencé à prendre de
la consistance. Pouls à 80 presque plein, moins de surdité, la peau
recouvre son élasticité, la voix est un peu revenue, mais yeux encore
excavés et toujours pas d'urine.
30. 2 potions 1 /2, 3 lavements depuis la veille. 60 pulsations, tem-
— 172 —
pérature normale, soif très-diminuée, },'!irde-robes de plus, en plus
consistantes, mais pas encore d'urines. Dans la journée menace de
congestion : le soir injection des yeux, sangsues derrière les oreilles.
1" août. 2 potions et 2 lavements depuis hier. Le matin le malade
urine abondamment, voix normale, selles brunes, demi-consistantes.
2. Par précaution encore 1 potion et 1 lavement. Le malade est en
pleine convalescence. Exeat le 4.
Richard a pris en tout 12 potions 1/2 et 16 lavements. Jamais il n'a
accusé quoi que ce fût du côté de l'eslomac, et cependant, à l'inverse
de beaucoup d'autres malades, il a toujours gardé le remède.
DÉCÈS (6 hommes et 1 femme).
Obs. XIX. — Saint-Julien, n» 11. Chavagnac, 22 ans,. cuisinier,
entré le 16. Début brusque, à six heures du malin : diarrhée et vomis-
sements d'abord, puis crampes. Quatre heures après le début, à 10 h.,
pouls petit à 120, les yeux commencent à s'excaver, mais le froid
a fait peu de progrès, il y a même une certaine chaleur accompagnée
de sueur abondante qui perle au visage, voix peu altérée, le malade a
encore uriné. En raison de cet étal, la mère de la salle est engagée à
ne donner la potion que de deux heures en deux heures. Le soir, à
la visite, plus de pouls, plus d'urines, la peau est sans ressort, cva-
nose. Les sueurs continuent visqueuses, tièdes sur un point, froides
sur un autre. La voix a baissé, mais sans grande altération, forme
inaccoutumée. Potion de demi-heure en demi-heure, 3 lavements.
• 17. Le pouls a reparu, la réaction commence à se faire. 4 selles
jusqu'au matin : depuis la veille un ou deux vomissements. Ce malin,
diminution notable des crampes. Potion d'heure en heure, 4 lave-
ments.
1 8. Pouls à 1 00. Plus de cyanose, plus de viscosité ; coloration, tem-
pérature et tonicité presque normales; la voix a repris tout son timbre.
Potion de deux heures en deux heures. Le soir, à la visite, 3 selles
en tout, depuis le matin et presque plus de vomissements, pouls à 88.
19. Température bonne, pouls à 84, bien du côté des selles et vo-
missements, mais pas encore d'urinos. Bouillon, plus do potion, 1
lavement seulement.
20. Retour des urines, faciès et pouls bons, 2 selles semi-liquides,
1 lavement conditionnel, potages.
21. Affaissement depuis la veille, 72 pulsations, respiration suspi-
rieuse. Vésicatoire à la nuque.
22. Un peu de délire, agitation (mais plus rien du côté du ventre
ou de l'estomac), sangsues. Dans la journée, l'état cérébral s'aggrave
de plus en plus. Mort le 23 à 5 heures du malin.
— 173 —
Traitement : 5 potions et 9 lavements,
A l'autopsie nous trouvons l'estomac encore plein de café et de vin
qu'on avait donnés pour réveiller le malade; le gros intestin contient
des matières en purée épaisse de couleur presque normale.
Rien à noter du côté dés muqueuses qu'un peu d'arborisation,
comme toujours.
Obs. XX. Saint-Julien, n" 22. Buccas, placier, entré le 16. Malade
delà veille au soir, plus de 30 selles avant son entrée : à 8 heures du
soir, froid, cyanose des extrémités, plus de pouls, suppression des
urines, aphonie, beaucoup de crampes, 1 vomissement sous nos
yeux, c'est le seul. Un degré de plus de froid et de cyanose, et ce
malade aurait dû prendre place dans les cas du troisième degré.
Potion de demi-heure en demi-heure.
17. Le malade a pris 2 potions et 3 lavements. Réaction bonne, 80
pulsations, encore quelques crampes, et 7 à 8 selles. Potion d'heure
en heure d'abord, puis de deux heures en deux heures, lavements.
18. Bien, pouls bon à 64, mais un peu fort. 3 selles depuis la veille,
la dernière déjà un peu consistante. Suppression de la potion, 2 la-
vements seulement.
19. Passe dans la salle des convalescents, au n" 14. Le soir, cha-
leur, rougeur de la face, accélération du pouls, un peu de somno-
lence, 1 saignée. Dans la nuit le malade urine pour la première fois
depuis le 15 au soir.
20. Pouls tombé à 64, mais un peu de sub-délirium, le malade
s'agite, respiration suspirieuse : sangsues derrière les oreilles. Mort
dans la nuit.
Traitement: 4 potions et 9 lavements.
A l'autopsie, pneumonie double de la base, suppurée en divers
points. Rien, même vers les derniers moments, n'avait fait soupçon-
ner l'existence de cette lésion.
Devons-nous prendre à la charge de notre traitement la môrt de
Buccas, survenue par pneumonie dans la convalescence du choléra, et
perdre le bénéfice du succès si remarquable des trois premiers jours?
Obs. XXL Saint-Julien, n" 10. Simon, 21 ans, horloger, entré le
48, venant d'une autre salle (Sainte-Madeleine), où il avait été traité
inutilement depuis lo 15.
Vomissements fréquents, selles caractéristiques, pas de pouls, al-
gidilé, cyanose aux extrémités, aphonie, narines pulvérulentes, mais
encore un peu d'urines. Potion de demi-heure en demi-heure, et
lavements.
19. Amélioration considérable. Pouls à 96, réaction bonne, 2 ou 3
selles et vomissements seulement depuis la veille, urines normales.
— 17/j —
Potion d'heure en heure d'abord et plus tard de deux heures en deux
heures, 3 lavements.
20. Le mieux se maintient, 6 selles depuis la veille, 2 ou 3 vomis-
sements après la potion.
,21. 88 pulsations, plus de selles ni de vomissements. Le malade
dit se trouver bien, mais il est endormi. Suppression de la potion.
22. 84 pulsations, respiration lente, œil atone, somnolence. Mort
dans la soirée.
Traitement: 6 potions et 11 lavements.
Obs. XXII. Saint-Julien, n» 23. Martin, vingt-quatre ans, menui-
sier, entré le 7 août à 4 heures, malade depuis la veille. Selles carac-
téristiques très-fréquentes, vomissements depuis le malin, crampes
très-fortes, extrémités froides, cyanosées, sueur visqqeuse sur le
cou et au visage, pas d'urines, presque plus de pouls, yeux profondé-
ment excavés, voix cassée, grande prostration.
8. A pris 3 potions et 3 lavements : pouls à 116, filant et petit. Les
vomissements ont cessé, il y a eu diminution des crampes, mais les
selles persistent (12 depuis la veille) ainsi que le froid, la viscosité et
l'absence d'urines : en outre assoupissement, anxiété péricordiale
très-vive. Le soir, nous n'espérons plus retrouver le malade ; il est en
bonne réaction, et la mère lui a déjà fait prendre un potage!... à
S heures la réaction devient menaçante, .saignée, on éloigne la potion.
9. Pouls et chaleur bons, plus de vomissements, quelques selles seu-
lement. Le soir chaleur à la face, un peu de somnolence : sangsues
aux apophyses mastoïdes, suppression du traitement.
10. L'agitation persiste : ventouse Junod, vésicatoire à la nuque,
le soir plus calme.
^|\. Bien, 80 pulsations. La dernière garde-robe était de bonne cou-
leur et consistante. Le malade demande à manger. Le soir nouveaux
signes congestifs, nouvelle saignée.
k l'heure de la visite, Martin paraît bien, il est réveillé, il ré-
pond pertinemment et avfc une certaine vivacité. Il mange sa soupe.
Peu après plaintes, agitation, difficulté de respirer, et à 6 heures du
soir la mort arrive.
Traitement: 7 potions et 12 lavements.
Autopsie, le 14: Pneumonie suppurée du lobe supérieur droit. La
vessie renferme presque 1 litre d'urine. La muqueuse stomacale et
rectale sont en bon état. Celle-ci contient des excréments en bouillie
épaisse et brune.
Obs. XXV. — Saint-Julien, n° 19. Mauregard, vingt-six ans, élève
en pharmacie, entré le 8. Malade depuis le 6, traité en ville chez son pa-
tron par beaucoup d'opium et de bismuth. A son arrivée^ le malin, il a
— 175 —
encore pouls et chaleur, ce que voyant, on se borne à prescrire la
potion d'heure en heure, mais quelques heures après signes les plus
complets du troisième degré : on hâte alors les prises du remède et
l'on répète les lavements.
9. On sent le pouls, le malade se dit mieux, mais encore froid.
Réaction incomplète.
10. Somnolence, phénomènes cérébraux, pas d'urines, viscosité.
11. Mort dans le coma. Traitement: 9 potions et 13 lavements.
Obs. XXVI. — Saint-Julien, n" 9. Laborde, vingt-neuf ans, tapis-
sier, entré le 18, vers 3 heures du soir.
Renseignements impossibles à obtenir : Laborde est sourd-muet.
A 8 heures du soir, 108 pulsations faibles, cyanose, mais sans froid
très-marqué, suppression d'urines, prostration profonde, très-peu de
vomissements, de temps en temps seulement crampes, selles assez fré-
quentes mais d'aspect typhique, poisseuses, noirâtres : le malade pa-
raît très-épuisé.
19, au matin. Le pouls a disparu, l'abattement est plus grand en-
core, selles toujours les mêmes. Mort à la 21 « heure, à la 2" potion.
Obs. XXVIl. — Sainte-Anne, n' 10. Ancelot, piqueuse de bottines,
entrée le 20, à 11 heures du matin. Malade depuis 4 jours; le 19,
toute la journée vomissements, selles et crampes. La mère nous dit
qu'à son entrée elle n'était point froide et avait encore du pouls.
21. 88 pulsations, algidité complète, cyanose, anurie , aphonie, 3
selles depuis la veille.
22. La malade est parfaitement réchauffée, pouls bon à 92, la voix
est à moitié revenue, faciès bien meilleur, 2 selles seulement depuis
la veille, dont la dernière déjà un peu consistante ; elle a pris 5 la-
vements dtepuis hier, et elle en est à sa 6<= potion. On suspend la
potion et l'on se borne à prescrire 2 lavements. Au bout de quelques
heures l'amélioration a cessé; plus tard, vers la fin du jour, les acci-
dents du début reparaissent.
23. A la visite, algidité, cyanose, aphonie, anurie. Il est trop tard
pour reprendre le traitement. Mort à 1 0 heures, après 6 potions et
9 lavements.
Si nous ne considérons ici que le résultat final, nous trou-
vons 2 guérisons seulement sur 9 cholériques du deuxième
degré, mais de combien s'en cst-il fallu que ce ciiifl're 2 fût
tout au moins doublé?... Doit-on regarder absolument comme
des insuccès ces deux hommes qui font le sujet des oiiser-
vations xx et xxu, morts de pneumonie l'un et l'autre dans la
— 176 —
convalescence, ainsi que la femme de l'obs. xxvii qui, après avoir
guéri une première fois, est morte d'une rechute non traitée?,.
Nous ne sommes point assez désintéressé, pour avoir le droit
de trancher à nous seul la question; toutefois nous ne croyons
pas trop nous avancer en disant que ces trois cas, aussi bien
que les deux autres xix et xxi, malgré leur triste fin, seront
très-certainement jugés des plus encourageants par tous les
esprits impartiaux.
Tous les malades dont il est ici question étaient tout près du
troisième degré, et cependant il n'y en a qu'un seul, le n" 9
(obs. xxvi) qui avait ce choléra anomal à fond lyphique, sur
lequel les sels de cuivre n'aient eu aucun effet. Chez les 8 autres,
grâce à la porte qui était restée plus ou moins ouverte du côté
de l'absorption, le remède a pji encore pénétrer. Dans un cas,
où il a eu à lutter tout à la fois contre la maladie et contre des
doses trop fortes d'opium, il n'a pu manifester sa puissance
que par les résultats d'une réaction incomplète ; mais dans les
7 autres il a toujours enrayé les accidents, et encore ici pas
un malade qui ait fait un pas de plus vers la période algide.'
Tous, à l'exception du n» 23, Saint-Julien, qui y a mis plus de
temps, s'étaient réchauffés au bout de quelques heures ; ceux
qui avaient perdu le pouls, l'avaient retrouvé au plus tard le
lendemain; les anuriques avaient uriné, 2, le 3^ jour; 1, le
h^; et 1 autre, le 5^ et chez les 2 malades dont la sécrétion
urinaire n'était que diminuée, au bout de 1 jour celte fonc-
tion ne laissait plus rien à désirer. IN'avaient plus ni selles ni
vomissements caractéristiques 5 malades le 4^ jour, et 1 autre
le 5^; chez le 7^, n° 8, Sainte-Anne, 2 selles seulement depuis
la veille, dès le 3^ jour.
Faisons remarquer ensuite que des deux malades qui ont
survécu, l'un a pris 6 potions et 10 lavements, et l'aulre
12 potions 1/2 et 16 lavements en 5 jours, que ni l'un ni
l'autre ne vomissaient, et que cependant ces malades, pas plus
qu'aucun autre soit de celte série soit de la première, n'ont
rien accusé de fâcheux de par la médication. Que deviennent
en face de ces faits les terreurs et les clameurs plus ou moins
perfides — l'on a été jusqu'à prononcer le mot (ï empokonncmenl
— de ceux qu'effrayait tant le remède?
> —
177.—
^ . 3" CHOLÉRIQUES DU 3"^ DEGRÉ,
1 guérison et 43 décès.
Tous ces malades étaient absolument froids, sans pouls et
sans urines ; plusieurs n'ont fait que passer dans les salles ; 27
avaient déjà succombé avant la vingtième heure; tous étaient
des cas désespérés : le grand nombre des décès n'a donc ici rien
qui puisse beaucoup surprendre par lui-même, il n'était que
trop justifié par la gravité -du mal. Mais alors comment se faiL-il
que M. Horteloup ait persisté dans le traitement de tels ma-
lades? Pourquoi tant d'obstination de sa part?... Nous-même
avions-nous de bonnes raisons pour nous associer, dans ce
3= degré de la maladie, à une lutte que les événements sem-
blent aujourd'hui proclamer impossible?
Les faits vont eux-mêmes se charger de répondre.
Au lendemain de la guérison si inattendue du n° k, salle Saint-
Julien (obs. XXII), et au moment même où le n° 23 (obs. XXIV),
qui fut notre quatrième malade, revenait de tout aussi loin, à
notre non moins grande surprise, pour succomber ensuite ^
une pneumonie, au n° 8 de la salle des femmes, les sels de
cuivre triomphaient encore, voici dans quelles conditions :
Obs. XXVIII. Salle Sainte-Anne, n" 8. Durand, 28 ans, arrivée au
derniei; terme de la phthisle, est apportée le 7 août de la salle Sainte-
Martine, oiî on l'avait déjà traitée 3 jours pour le choléra. Algidité
complète, cyanose, plus de pouls, plus de voix, plus d'urines, plus de
ressort dans la peau, yeux profondément excavés, crampes féroces.
Cependant la mère du service, non encore parfaitement édifiée sur
les conditions du programme à suivre (c'était le 'I" jour de la 2'- sé-
rie d'expériences), donne potion et lavements à cette pauvre femme. '
8. Nous déplorons l'erreur commise la veille; mais enfin, le traite-
ment ayant été commencé, nous y ajoutons une armature, sans autre
espoir que celui d'un soulagement. Presque aussitôt après J'applica-
tion du métal, les crampes cessent. Un peu plus tard, dans la journée
il paraît y avoir amélioration, puis, vers 5 heures, le pouls redevient
sensible, le froid diminue et la réaction commence, si bien que la
potion n'est plus donnée que toutes les heures.
9. Réaction franche, 88 pulsations, chaleur, le pli de la peau s'ef-
12
— ^78-,
face, 2 selles depuis la veille seulement. Traitement : potion de 2
heures en 2 heures et 3 lavements dans la journée/ • .
40. Bien : plus de selles, retour des urines. Suppression de la po-
tion^ ] lavement conditionnel.
M . Le bien continue.
12. Sensation de chaleur vive à l'épigastre.
13, 44 et 45. La malade continue à se plaindre de brûieraents, puis
tout rentre dansl'ordre, et le 18 elleest reportée dans une autre salle,
oîi elle succombe quelques jours après à sa phthisie.
Cette nialade n'avait plus que le souffle, et cependant elle a pu
prendre impunément 6 potions et 11 lavQments en 3 jours.
A l'autopsie, l'estomac examiné avec som, ainsi que le rectum,
n'a point offert autre chose qu'un peu d'arborisation, comme souvent,
vers le grand cul-de-sac : des arborisations bien plus nombreuses et
plus étendues siégeaient dans l'intestin grêle, à 23 centimètres envi-
ron de la valvule, c'est-à-dire' là où le médicament n'avait pu agir
directement; au-dessus et au-dessous la muqueuse était intacte dans
une grande étendue.
Après un pareil succès pouvait-on hésiter à essayer encore ?
M. Horleloup, qui a bien quelques droits d'avoir une opinion
en fait de choléra (l'épidémie de 1832 le trouvait déjà sur la
Èrèche), estimant que ce ne serait point peu de chose que de
-pouvoir guérir un dixième seulement de cas aussi désespérés,
ordonne de continuer l'expérience, et, sur 5 autres malades,
disons mieux, sur 5 autres moribonds, voici ce que l'on obtient
ensuite successivement :
Obs. XXIX. Salle Saint-Julien, n<'3. X..., vingt-deux ans, maçon,
entré le 13, malade depuis la veille. Type d'algidité et de cyanose. Il
nous est impossible d'espérer ici quoi que ce soit, et c'est avec regret,
comme chez le n" 8 de Sainte-Anne, que nous voyons la religieuse, ■
qui a commencé par requérir le prêtre, prendre sur elle de lui admi-
nistrer la potion... Cependant, à la visite du soir, on [constate déjà que
a chaleur et le pouls commencent à revenir.
Le lendemain, 44, à la visite, la température est bonne partout,
plus de cyanose, 100 pulsations, les crampes ont cessé, très-peu de
selles: dans la nuit à peine 1 ou 2 vomissements. Le soir, un peu de
chaleur vers la tôle : sangsues derrière les oreilles.
15. Bien : retour des urines. A la visite du soir, saignée préventive,
plus de potion ni de lavement.
16. Chaleur modérée, pouls bon à 100, 2 garde-robes en 24 heures.
Jlalheureusement la saignée de la veille s'est enflammée : contre un
peu de somnolence 8 ventouses scarifiées.
17. Phlegmon gangréneux du bras. Mort dans la journée.
Traitement : 5 potions et 9 lavements.
Obs, XXX. Salle Saint-Julien, n°%'\. — Lefort, dix-neuf ans, gar-
çon maçon, entré le 17. Début brusque, la veille.
'18. Il s'est réchautFé, le pouls est devenu très-sensible : quelques
heures après la visite, le mieux se prononce encore plus, pouls aux
environs de iOO. Le soir retour des urines.
19. Pouls bon, extrémités fraîcties seulement, plus de garde-robes.
Le malade dit se sentir bien, mais il est un peu endormi. La potion,
éloignée déjà dès hier, est supprimée : lavement conditionnel.
20. Pouls à \ \%. Signes congestifs vers la tète, sangsues le soir.
21. Agitation. Mort dans la journée.
Traitement : 5 potions et 9 lavemenls.
Obs. XXX], salle Saint-Julien, n" 21. — Beau, soixante-trois ans,
galvaniseur, entré le 10 3 7 heures du soir. Malade depuis 4 jours:
ni pouls, jii urines, ni voix, algidité, cyanose, crampes abominable?.
Type de cas désespérés.
11. Amélioration, un peu de chaleur, pouls à 96, un peu de voix :
il ne vomit presque plus, mais cyanose persistante. Le soir, 4 selles de- •
puis le matin, pouls petit, la langue et le nez restent froids, un peu
de somnolence.
12. 108 pulsations, fort peu de cyanose, la voix revient, 5 garde-
robes, les deux dernières en purée. Beau se sent faim.
I. 3. 88 pulsations faibles, température bonne, la voix est presque
revenue, l'œil s'anime, les selles s'épaississent de plus en plus, mais
pas encore d'urines.
14. La nuit a été très-agilée. A la visite, pouls à 92, œil atone,
visage pâle, respiration suspirieuse, assoupissement. Cet état s'ag-
grave rapidement. Mort à midi, sans avoir uriné.
Le traitement a élé continué jusqu'à la fin : 7 potions et 1 1 lavements.
Obs. XXXII, salle Saint-Julien, n" 11. — Cithère, maçon, entré le
9 à 9 heures du matin. Début brusque.
10. Réaction bonne, 80 pulsations, très-peu de vomissements, •
encore de fréquentes et impérieuses selles : la voix reste altérée et tou-
jours pas d'urines. Dans la journée un peu d'agitation : sangsues : le
soir à 8 heures le malade urine. La potion est bien conservée.
II. L'agitation augmente. Mort dans la journée, à la 50" heure,
après 7 potions et 10 lavements.
Obs. XXXIII, salle Sainte-Anne, n" 7. — Ribollel, vingt-quatre
ans, domestique, entrée le 14 au matin. Malade depuis 9 jours. Cya
nose complète, imminence 4'aspliyxie, v"iscosi(é.
Le soir, à (5 iieures, le pouls et laclialeur commencent à reparaître,
la malade n'a plus vomi à partir de 10 heures, depuis cette heure
non plus ni selles ni cra,mpes.
15. Réaction franche, modérés, pouls à 100. Ci cyanose s'est aux
trois quarts effacée. Potion d'heure en heure seulement. Déjà bouil-
lon dans la journée. Le soir saignée préventive.
16. 1 seule garde-robe depjiis la veille. Plus de vomissements ni de
crampes, 96 pulsations bonnes. On suspend la potion, lavement con-
ditionnel. Dans la journée retour des urines.
17. Respiration profonde, pouls à 84, fuliginosités sur les dents et
sur la langue, état typhique, somnolence. Mort dans la soirée.
Taitenient: 6 potions et 9 lavements.
Gomment ne pas être frappé, dans les observations que nous
venons de rapporter, de ce réchaulfement, de ce retour du
pouls et de cette disparition des autres symptômes. choléri-
ques qui ont suivi de si près l'administration des sels de
cuivre I Ayant guéri une première fois, et étant arrivés ensuite
cinq fois si près du but, y avait-il grande témérité à essayer
encore de l'atteindre ? Entre temps, six autres malades présen-
taient les signes d'une lutte évidente. Ainsi que le n» 20 Saint-
Julien, dans la première série d'expériences, tous se réchauf-
faient à un certain degré, quelques-uns recouvraient le pouls,
puis, après ce suprême effort, les uns et les autres finissaient
de même dans l'algidité.
Tous ces faits expliquent pourquoi M. Horteloup, encouragé
d'ailleurs par les résultats obtenus sur les cholériques des pre-
mier et deuxième degrés, et aussi complètement rassuré sur
les effets toxiques du remède, a persisté dans le traitement
des malades du troisième degré, et pourquoi nous avons nous-
même continué à l'assister dans cette lutte désespérée, sans
souci des conséquences que l'on devait tirer plus tard des
insuccès, mais aussi, disons-le à notre décharge, sans penser
que les expériences pussent jamais être poussées ici au point
de dépasser en nombre toutes les autres. Nous avions compté
sans la rapidité et la gravité des entrées, et surtout sans le
zèle des personnes chargées de suppléer M. Horleloup hors
— 181 —
des heures des visitefs. Les moribonds ont passe par la médica-
tion tout comme îes autres : c'est ainsi que bientôt, et presque
sans nous en douter, compte fait tant des malades cuivrés
par les ordres de M. Horteloup, que de ceux qui n'avaient
été vus que par son interne, ou même seulement par les reli-
gieuses du service, les sels-de cuivre sont arrivés à avoir à leur
charge hk cholériques du troisième degré contre 27 des deux
premiers degrés, où surtout devait être cherchée la démons-
tration ! . . .
^N6tls n'avons- point l'honneur d'avoir reçu les confidences
. de M. Horteloup, mais nous ne croyons pas trop nous avancer
en disant que notre éminent confrère a été surpris lui-même
par les événements. Lui aussi ne voulait, sans doute, que faire
quelques essais dans cette période de la maladie, où neuf fois sur
dix la mort est à peu près certaine, et si l'expérimentation s'est
^ ici prolongée, ce n'est pour ainsi dire qu'à son insu, et sans
qu'il en ait eu conscience plus que nous-même, tant les choses
ont marché vite. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait ad-
mettre chez M. Horteloup ou un bien grand aveuglement, ou
la volonté bien arrêtée de ruiner du coup la méthode, c'est-
à-dire un démenti formel au sens le plus droit et à une bien-
veillance à toute épreuve.
Autopsies. — Vingt-deux ouvertures de morts, tant du
. deuxième que du troisième degré, ont été faites. Jamais de
lésion .qui pût être rapportée à l'action directe du remède.
Quelquefois seulement un peu d'injection , des arborisations
isolées sur la muqueuse stomacale et rectale. Mais les mêmes
altérations ont été rencontrées, lorsque nous les avons cher-
chées, à diverses hauteurs de l'intestin, tout à fait hors de la
portée des lavements, et des sujets qui n'avaient point pris
de cuivre les ont offertes à un bien plus haut degré. Chez un
n° 12 Saint-Julien, notamment, que l'on avait traité par les
moyens ordinaires, l'injection était presque générale. On sait,
du reste, combien sont fréquentes les arborisations du tube
digestif dans les autopsies de cholériques.
Rien donc, pas plus après la mort que pendant la vie, qui
puisse être mis au compte de la médication.
Ajoutons que, lorsque les malades avaient succombé rapide-
— 182 —
ment saps aucune trace de réaction, la' solution cuivreuse
semblait, en gcnénal, être restée intacte dans l'estomac.
Analyses. — Dix-sept fois nous avons conservé une portion
du foie. M. le professeur Chatin a bien voulu se charger, sur
la demande de M. Horteloup, do ^ire les analyses. Malheu-
reusement, quand est venu le moment d'y procéder nous
étions déjà en décembre, et il s'est trouvé que sept bocaux
dont le contenu était le plus précieux à connaître, les ma-
lades étant morts sans sortir de l'algidité, devaient être rejelés
par la raison que, quatre mois durant, avec le foie avait ma-
céré l'estomac.
Ne sont restés à examiner que les foies conservés séparé-
ment des malades qui suivent :
1" 'W' 10, 11, 19, 20, 22 et 23 Saint-Julien, 7 et 10 Sainte-
Anne ;
2° 5 Saint-Julien et 8 Sainte-Anne.
Les huit premiers malades ayant tous vécu plusieurs jours
sous le traitement, il ne pouvait guère y avoir de doute sur
leur imprégnation cuprique, et, en effet, les foies de cette série
que M. Chatin a incinérés contenaient tous du cuivre. Quant
aux deux derniers morts, le n° 5 Saint-Julien, à la vingt-sixième
heure sans trace de réaction, et le n° 8 Sainte-Anne, dix jours
environ après avoir pris la dernière cuillerée de potion, et qui,
par conséquent, ofliraient un intérêt tout particulier au double
point de vue de l'absorption et de l'élimination des sels de
cuivre, le foie de l'un comme de l'autre malade a aussi fourni
des réactions cupriques à l'analyse. D'où cette conclusion en
ce qui concerne le n° 5, s'il était permis de conclure d'un fait
isolé, que, malgré un état des plus graves, malgré des vomisse-
ments répétés, l'absorption peut encore se faire vingt à vingt-
six heures avant la mort.
Les résultats fournis dans ce dernier cas par l'analyse nous
font vivement regretter que M. le professeur Chatin n'ait pas pu
les contrôler sur d'autres sujets. Certains des bocaux rejetés
contenant le foie de malades qui avaient encore survécu moins
de temps au traitement, il y avait là une occasion unique pour
résoudre le problème de l'absorption à toutes les phases do la
période algide du choléra.
_ 183 —
RÉSUMÉ GÉNÉRAL,
1» Cholériques du premier degré : Dix-huit, dont huit avec
sappression complète d'urines.
Pas un de ces malades, tous très-certainement en parfaite
puissance d'absorption, qu'il ait vomi ou non les premières
prises du remède, pas im ne s'est avance d\m degré de plus
vers la période algide, pas un qui ait offert la moindre trace
d'intoxication. Chez tous, les phénomènes cholériques propre-
ment dits ont été enrayés, et, sauf dans deux cas où les résul-
tats du traitement se sont fait un peu plus attendre, une fois,
les sels de cuivre administrés par haut et par bas, la maladie
n'a jamais été plus d'un jour ou deux à revenir en arrière.
Ont guéri seize nialades comprenant tous les cas les plus
graves de cette série, et deux des moins atteints (obs. III et VII)
sont morts, contre toute attente, au moment de la convales-
cence, l'un de phénomènes congestifs du côté du cerveau, et
l'autre un peu de semblables accidents consécutifs, mais sur-
tout d'épuisement causé par la misère.
2° Cholériques du deuxièjie degré : Neuf. Tous ces malades
touchaient au troisième degré de la maladie; ils n'avaient,
pour s'en différencier : un, qu'un reste de chaleur; deux, un
peu d'urines, et six,*un restant de pouls. L'un d'eux (obs. XXI)
venait en outre d'une autre salle où il avait été traité inutile-
ment durant trois jours.
Dans un cas (choléra à fond typhique), le remède n'a rien
produit; le malade s'est éteint à la vingt et unième heure.
Sur un deuxième malade, saturé d'opium avant son entrée
à l'hôpital, il y a eu lutte seulement, mais lutte qui n'a pas
duré moins de quatre 'jours.
Chez les sept autres malades, les choses se sont passées
absolument de même que dans les cas ci-dessus du premier
degré. Ici encore les phénomènes cholériques ont été enrayés
parle traitement; ici non plus pas le moindre accident du
côté du remède. Tous, à l'exception d'un seul qui y a mis un
peu plus de temps, s'étaient réchauffés au bout do quelques
— 18/| —
heures, ceux qui avaient perdu Je pouls l'avaient récupéré, au
plus tard dès le lendemain, les anuriques avaient tous uriné,
sauf un, selles et vomissements caractéristiques avaient cessé',
et tous étaient arrivés à la convalescence ou v touchaient!
lorsque la mort est survenue, deux fois par une pneumonie,'
deuxjois par des accidents cérébraux, et une fois par une
rechute non traitée.
^ Sont restés guéris deux malades seulement qui avaient pris,
l'un six potions et dix lavements et l'autre douze potions et
demie et seize lavements, c'est-à-dire près de k grammes de
sulfate de cuivre par la bouche seule (ces deux malades ne
vomissaient point); mais que fallait-il pour plus que doubler ce
chiffre, et ne serait-il point juste de laisser tout au moins à
l'actif de la méthode les deux cas qui ont fini par une pneu-
monie survenue dans la convalescence ?... ^
3" Cholériques du troisième degré, kk, tous absolument sans
pouls, sans urines et froids, tous arrivés à celte période de la
maladie où, de l'aveu général, l'absorption ne saurait plus
s'exercer que par exception, et dans laquelle l'organfsme a déjà
subi une atteinte si profonde que les plus grands dangers atten-
dent le malade à la sortie. \
Ici, résultats définitifs nuls ou à peu près : une seule gué-
rison-, et cette guérison unique où se rencontre-t-elle?... préci-
sément chez une malheureuse arrivée à ce degré de la phthi-
sie, où la lutte finale semble si souvent doubler l'énergie des
forces vitales. iN'est-ce point à la faveur de cette lutte même,
que le remède a pu pénétrer et forcer la porte de l'organisme
qui, dans presque tous les autres cas, se serait au contraire
trouvée fermée ou peu s'en faut? En dehors de cette malade
qui a guéri, nous trouvons ensuite, pour justifier les tentatives
qui ont été faites sur ces cas désespérés, d'une part cinq réac-
tions franches, complètes, interrompues une fois par un phleg-
mon gangreneux, trois fois par des accidents cérébraux et une
fois par une complication typliique, nous dirions presque cinq
guérisons avortées, et d'autre part sept cas (réactions incom-
plètes) où s'est manifestée, pendant un certain temps et à cer-
tain degré, la lutte entre le mal et le remède. Quant aux autres
— 185 —
malades, au nombre de trente, ils sont tous morts; huit entre
une et six heures, douze entre six et douze heures, cinq entre
douze et dix-huit heures, deux en vingt heures, un en vingt-
six heures, et deux en trente heures. La rapidité du dénoû-
ment montre quelle était ici la gravité de la maladie, en même
temps qu'elle doit rassurer ceux qui, sur certaines insinuations,
pourraient être tentés d'accuser la médication d'avoir été désas-
treuse, aucun malade n'ayant eu le temps de prendre plus de
trois ou quatre potions. Que si, malgré ce que nous avons déjà
dit, il pouvait rester un doute sur l'innocuité du remède, aux
doses et dans les circonstances où il a été employé, nous di-
rions que des accidents ayant dû se produire, nous les aurions
surtout rencontrés chez les cholériques du premier dei^ré où la
faculté d'absorption avait conservé toute son activité, ou bien
encore chez ceux du deuxième degré : or ici, aussi bien
que dans le troisième degré, pas plus pendant la vie qu'après
la mort, où il est si facile de retrouver les lésions qui sont pro-
pres à Ja classe des poisons irritants à laquelle appartiennent les .
sels de cuivre, nous n'avons jamais rien observé de fâcheux du
côté de la médication (une fois seulement, chez le n° 8 Sainte-
Anne, sentiment de brûlure à l'estomac, ardeur à la goi'ge et
ensuite rien à l'autopsie) ; et enfin, ce qui est péremptoire,
au nombre des malades qui ont guéri, se trouvent précisément
ceux qui ont pris les plus fortes doses du remède et qui ne le
vomissaient point.
DES ARMATURES CONTRE LES CRAMPES.
INDICATI.ONS PRÉCIEUSES A TIRER DE LEUR ACTION.
Un mot maintenant sur le traitement des crampes de ces di-
vers malades par les armatures, et sur certaines indications qui
nous ont semblé résulter, cette fois, de leur action.
Les phénomènes nerveux ont été, dans cette épidémie, d'une
fréquence et d'une intensité sans pareille. Rien de semblable
ne s'était encore offert à notre observation, pas même en 1865,
à Toulon. Très-peu de malades en ont été exempts. Notre arse-
nal métallo-thérapique étant limité, on a réservé les armatures
pour les cas les plus graves.
Le plus ordinairement, lorsque l'application en a été faite
avec soin, que les plaques et anneaux ont été convenablement
mouillés, un soulagement immédiat s'en est suivi et n'a cessé
que lorsque le métal s'est ensuite trouvé déplacé par les mou-
vements des malades, ou que la peau est venue à perdre l'hu-
midité salée qui en faisait un bon conducteur. Mais nous devons
à la vérité de dire que, lorsque les crampes étaient comme
subintrantes, lorsque surtout, se succédant avec rapidité, elles
se passaient en des contractions comme fibrillaires, les arma-
tures se sont montrées souvent insuffisantes, ainsi que nous
l'avions déjà observé et noté, 'en 1849, dans cette même forme
d'accidents. (V. in Gaz. mécl. de 1851, Mémoire sur les accidents
consécutifs au choléra.) En ces cas nous aurions voulu pouvoir
plonger dans un bain d'eau salée le malade tout bardé de cui-
vre, mais le moyen de recourir à une telle pratique dans un
• service où en six semaines ont été reçus quatre cents malades!...
Un fait nous a frappé cette fois, il est important de le noter.
Dans diverses circonstances nous avons cru remarquer que plus
tard ceux-là se trouvaient bien de notre traitement, qui avaient
été mieux et plus vite soulagés par l'application externe du
cuivre. Ainsi est-il arrivé pour le n" 8 de Sainte-Anne, la phthi-
sique aux crampes si fortes ; pour le n» Zt, cas grave qui a guéri ;
et pour les n"' 21, 22, etc., guéris également. Le n° 21 Saint-Ju-
lien, qui entré dans un état des plus graves semblait revenu à
la vie dès le lendemain , s'en était lui-même trouve si bien,
qu'alors que ses crampes avaient cessé, il avait voulu conserver
ses anneaux. Le n" 8 Saint-Julien, pour citer un exemple con-
traire, chez lequel le cuivre n'a point empêché la mort arrivée
en 8 heures, n'avait presque rien ressenti de nos applidîitions.
Si cette observation venait à se confirmer, on aurait donc
dans le métal même, ainsi que pour le traitement de la chlo-
rose et de diverses maladies nerveuses par les préparations de
fer, zinc, etc., comme une pierre de touche pour s'assurer
d'avance des effets du médicament, et nous rentrerions encore
ici dans ce riche domaine de la rcvclalion des idiosyncrasics par
les applications métalliques.
— 187 —
CONCLUSIONS.
Nous venons d'exposer les faits avec toute la sincérité que
nous avons mise à les recueillir. Nous avons dit, en commen-
çant, les précautions prises pour leur donner toute l'authenti-
cité désirable. Qu'on nous permette quelques réflexions pré-
liminaires avant de conclure.
Pour juger sainement ces faits, il faut avoir bien en mémoire
Jes conditions particulières dans lesquelles se sont faites les
"expériences... Nous avons opéré à l'hôpital! L'épidémie de
1866 a été, on le sait, exceptionnellement grave. Tous les cas
légers ou déjà entrés en réaction ont dû être éloignés du trai-
tement, et comme il s'agissait d'une démonstration, l'on s'est
borné à faire prendre, avec le sel de cuivre, un peu d'opium
pour en établir la tolérance. -Toutes les fois que l'on a pu se
passer du narcotique, nous l'avons, nous, considéré comme
une bonne fortune, car nous sommes de l'avis de ceux qui
regardent l'opium comme funeste dans le choléra confirmé.
Et maintenant si le cuivre est réellement un spécifique, en-
core ici nous n'affirmons rien, ne faut-il point de toute néces-
sité, pour réussir, qu'il soit donné en temps opportun, c'est-à-
dire non-seulement alors que la vie encore active peut porter
le contre-poison partout où l'agent cholérique vient de péné-
trer, mais aussi avant que cet agent ait eu le temps de produire
* dans l'organisme les désordres qui lui sont propres, et contre
lesquels le remède ne saurait plus avoir aucun effet?... Con-
clure à sa nullité, parce que administré cent fois, si l'on veut,
dans la période ultime, le spécifique n'aurait eu aucune action,
ou n'en aurait eu qu'une incomplète, le malade ayant plus tard
succombé à des accidents consécutifs , ne serait-ce point
comme si l'on venait dire -que le sulfate de quinine est sans
action contre le miasme "paludéen, parce qu'il n'a point arrêté
nombre d'accès pernicieux arrivésîà leur dernier période;...
que la compresse chloro-vinaigrée est de nuLeflet contre le
gaz des fosses d'aisances, parce que, employée trop tard,
l'asphyxié est mort, ou qu'après l'avoir rappelé à la vie, elle
ne l'a point empêché de succomber plus tard aux conséquences
des troubles produits dans l'organisme avant qu'il en fût fait
— 188 —
usage?... Et pour achever de répondre à certain ordre d'objec-
tions que nous avons particulièrement en vue en ce moment,
nous ajouterons qu'autant vaudrait diré-encore que la mhgné-
sie et toutes les bases alcalines ne sont rien dans l'empoison-
nement par le vitriol, parce que, administrées- trop loin de
l'ingestion du poison, elles n'ont pu que saturer la partie de
l'acide qui n'avait point encore agi, et , n'ont rien fait sur les
lésions qui plus tard ont entraîné la mort.
Ceci dit, que chacun juge et prononce ; pour nous, voici .
quelles sont nos conclusions :
A. Dans le choléra au troisième degré, lorsque les malades ..
absolument froids, cyanosés, sans pouls et sans urines, n'ont
plus que quelques heures devant eux pour passer définitivement
à l'état de cadavre, il nous paraît désormais évident à nous,
comme à tout le monde, que pas plus avec les sels de cuivre
qu'avec tout autre traitement employé jusqu'ici, il n'y a rien
à espérer, au moins dans la pratique nosocomiale. Chez ces ma-
lades l'absorption est, en effet, fout ce qu'il y a de plus pro-
blématique, et si le remède vient à pénétrer et à neutraliser
la partie du poison qui n'a point encore agi, on se trouve en-
suite avoir à lutter contre les désordres déjà produits, désor-
dres si graves en leurs conséquences que la plupart des sujets
qui ont échappé à l'algidité succombent dans la réaction.
Mais dans cette même période, quand la vie n'est point près
de s'éteindre, qu'arrivés tout au début de l'algidité, l'on a en-
core devant soi 24 heures et plus pour combattre la maladie,
faut-il aussi désespérer d'en triompher? Nous le voudrions,
qu'il nous serait impossible d'oublier que dans les 16 cas très-
graves du troisième degré, où la vie s'est prolongée au delà
d'un jour : 1 a guéri, 7 ont lutté et 5 ont été retirés du plus
profond de l'abîme, pour succomber ensuite à des accidents
consécutifs;... que dans les cas du deuxième degré, qui se rap-
prochaient le plus de ceux du troisième degré, nous avons
atteint le but deux fois, et les autres fois nous ne l'avons man-
qué que parce qu'il est survenu de semblables complications,
et l'esprit tout troublé par le souvenir de ces faits, ainsi que
par les observations de MM. les docteurs Lisic, de Rogatis,
DulVaignc, etc., concernant des cholériques du même degré.
— 189 —
nous confesserons que, surtout dans la pratique privée où les
soins dévoués de la famille sont si puissants pour aider les
efforts du médecin, nous oserions espérer encore en la médi-
cation cuprique. Que si nous nous trompons, eh bien, l'erreur
sera pour nous seul, car nous ne prétendons imposer notre
manière de voir à personne.
B. Dans le choléra au deuxième degré (période algide des
ailleurs le plus souvent), les espérances renaissent avec la con-
servation à certain degré soit du pouls, soit de la chaleur, soit
des urines, et pour nous point de doute qu'ici la porte restant
plus ou moins ouverte à l'absorption, les sels de cuivre ne
puissent y passer et sauver bon nombre de malades, peut-être
la moitié, sinon davantage.
C. Dans le choléra du premier degré, les résultats obtenus
à toutes les phases de gravité sont conformes à l'expérience
du passé, ils justifient pleinement les succès annoncés par les
divers auteurs qui avaient fait usage des sels de cuivre, dans
des conditions autrement favorables que celles où ont été
obtenus les nôtres ; ils donnent raison à toutes les espérances
que nous avons pu concevoir, quand il s'agit de malades qui
peuvent absorber facilement, et doivent engager, ce npus
semble, nos confrères à s'y associer et à fonder avec nous le
traitement de la première période qui,' grâce à Dieu, alors
même que les prodromes ont fait défaut, précède toujours au
moins de quelques heures les deux autres.
Les succès seront d'autant plus probables entre leurs mains,
qu'ils opéreront sur un meilleur terrain, qu'ils agiront en toute
sécurité , les expériences de l'Hôtel-Dieu ayant démontré que
les craintes qu'inspiraient à quelques-uns les sels de cuivre ne
sont pas fondées, et que n'ayant pas, comme nous, à faire une
démonstration, ils pourront s'ingénier à associer le remède
avec des agents qui puissent en rendre l'administration plus
facile, le faire mieux accepter et tolérer, le faire mieux agir et
même, à l'occasion peut-être, lui venir en aide pour forcer
l'entrée de l'organisme.
Déjà un honorable confrère, M. le docteur Dufraigne, qui a
obtenu, à Meaux, des résultats remarquables que le lecteur
trouvera un peu plus loin, est parvenu à enlever aux sels de
— 190 —
cuivre ce qu'ils ont de désagréable au goût, en les associant à
une certaine quantité de sirop de canelle.
Ici, nous devrions avoir fini ; mais de par cette même jus-
tice distributive dont nous avons eu l'occasion de fournir
maint exemple dans le cours de cet ouvrage, il nous reste
une dernière étape à franchir. Ce n'est" ni la moins doulou-
reuse, ni la plus facile; mais n'importe, nous avons résolu
d'aller jusqu'au bout.
On sait que la Société médicale des hôpitaux publie un bul-
letin mensuel des maladies régnantes, sur les documents qui
lui sont envoyés à cet effet par les différents chefs de service.
Les expériences de l'Hôtel-Dieu terminées, M. Horteloup en
avait adressé à cette Société le relevé, fait par son interne,
M. Mouchet. Ce relevé était en la forme d'une simple note :
de détails, point c'était inutile puisqu'il s'agissait seulement
de statistique; d'ailleurs nous seul, qui avions recueilli jour
par jour ces détails, pouvions les fournir, et seulement les
faits sommaires avec toute leur brutalité, 33 décès sur IScina-
lades. L'occasion était belle, il faut en convenir, pour raff'er-
mir en leurs dédains ceux de messieurs nos confrères qui, ne
jugeant pas sans doute les sels de cuivre d'assez bonne mai-
son, n'avaient jamais consenti à en parler, pour ainsi dire, que
du bout des lèvres, et le secrétaire de la Société, M. Besnier,
qui n'avait point, lui aussi, nous devons le croire, ces sels en
bien haute estime, peut-être pour n'avoir jamais rien lu sur
leur compte dans les plus gros livres de médecine, ne s'est
point fait faute de venir les stigmatiser, voici en quels termes :
AOUT ET SEPTEMBRE 1866;
RAPPORT DE LA COMMISSION -DES MALADIES RÉGNANTES,
à la Société médicale des hôpitaux, dans la séance
du 12 octobre iSGG,
Par M. le docteur Ernest Besnier.
Sulfate de cuivre. — Grâce à des convictions moins heu-
reuses que tenaces, l'occasion nous est fournie de vous parler
— 191 —
encore, pour la dernière fois nous l'espérons, du médicament
et de la médication. En effet, malgré le triste résultat de la
tentative autorisée en 1865 par M. Pidoux, M. Horteloup vou-
lant obtenir une preuve décisive à cet égard, et sollicité d'ail-
leurs instamment à le faire, employa le sel de cuivre chez
72 sujets. Le sulfate de cuivre a été donné en potion à la dose
de 30 centigrammes dans 120 grammes de julep gommeux ou
diacodé, administrés par cuillerées à bouche toutes les vingt
ou trente minutes dans les cas graves, toutes les heures seule-
ment dans les cas de moyenne intensité ; on donnait en même
temps, trois ou quatre fois dans les vingt-quatre heures, un
quart de lavement avec 40 centigrarhmes de sulfate cuprique.
Or, voici ce qui se passait : « Presque toujours, dit M. Mou-
chet, interne de service, la potion faisait vomir violemment
les malades au début, et très-souvent les vomissements per-
sistaient tant que durait cette médication ; quelques-uns cepen-
dant ont conservé plusieurs potions, mais il nous est arrivé
plusieurs fois de les retrouver dans l'estomac après la mort.
Plusieurs de ceux qui ont pris une certaine quantité de sulfate
de cuivre, et qui ont guéri, ont accusé pendant plusieurs
jours une sensation très-pénible de brûlure au pharynx et à
l'estomac; deux ont même eu des coliques très-violentes,
alors que les selles étaient supprimées. » Toutefois, M. Horte-
loup, qui a eu l'obligeance de nous communiquer ces détails,
déclare de la manière la plus formelle qu'aucun des malades
traités par le cuivre n'a éprouvé de. symptômes d'intoxication
cuprique, et il ajoute que les sensations pénibles de brûlure
notées chez quelques-uns de ces sujets n'ont pas été d'une
violence notable, et que d'autres malades traités par d'auti'es
• méthodes n'ont pas été exempts de ces douleurs épigastriques
et pharyngiennes.
Quant au résultat, le voici :
5 cas légers, — 5 guérisons ;
23 cas de moyenne intensilr, — - ik guérisons, — 9 morts ;
lik cas graves, — 43 morts.
Une seule malade, phthisique, a guéri ; encore a-t-elle suc-
combé quinze jours après être re passée dans la salle oij elle
était avant d'avoir été prise du choléra. C'est, on le voit, à peu
— 192 -
de chose- prî^s, le même résultat que dans le service de M. Pi-
doux, où « sur 9 malades soumis au traitement,- il y eut
8 morts, sans amélioration même passagère ; et la seule
malade qui ait guéri avait refusé de continuer l'usage de la
potion qui la faisait vomir, et lui laissait dans la bouche un
arrière-goût insupportable. » {Gaz. des Hôp., 11 août 1866.)
(Extr. de l'Union médicale du 20 octobre.)
Lecteur, qui avez bien voulu nous suivre jusqu'ici, que
dites-vous du rapport, j'ai presque dit du réquisitoire?...
Vous semble-t-il que la coupe soit assez pleine et. son contenu
assez amer, et comprenez-vous maintenant pourquoi nous ' '
parlions, en commençant, d'étape douloureuse?...
L'auteur de ce factura ne se donne même point la peine de
nommer le confrère qui, depuis tant d'années s'est dévoué à -
la solution de l'un des problèmes qui intéressent le plus l'hu-".
manité !...
Plus haut, page 75, nous disions : « sous ce titre : résistances,
il y aurait à faire tout un long et curieux chapitre sur les di-
verses phases d'opposition, sous toutes les formes, que la mé-
tallothérapie (et tout ce qui s'y rapporte) a traversées depuis
dix-huit années qu'elle a pris naissance. » Ne serait-il point
opportun d'écrire en ce moment quelques pages de ce cha-
pitre, et de rechercher enfin pourquoi ces résistances n'ont
point cédé ni devant nos patientes et persévérantes recherches
sur le choléra, ni devant tous ces divers travaux, la plupart sur
des sujets originaux et de notre entière création, qui figurent
aujourd'hui très-honorablement dans les annales de la science,
tels que, par exemple :
La dijnamomètrie associée à VcslMsimè- trie dans le diagnos-
tic, l'etiologie et le traitement des maladies nerveuses ;
La mètallothcrapie qui, dans les névroses, dans l'hystérie el
la chorée entre autres, a déjà rendu tant de services (1).
(1) Admis par l'administration, après le choléra do 18W, h faire des ex-
périences sur les hystériques incurahlcs de la Salpétriére, nous y avons
traité, par nos armatures, 0 malades, pensionnaires depuis plusieurs années
du pavillon Saint-Vincent, et 4 sur les G étaient rendues peu de temps après
— 193 —
Les applications que nous avons faites de ces actions métal-
liques individuelles, si intéressantes et si nouvelles, pour la
détermination de la véritable influence du fer et des autres
métaux dans la chlorose, et surtout pour cette chose inespérée
qui ouvra de si larges horizons h la thérapeutique proprement
dite :
La révélation des idiosyncrasies. ^
Nos recherches sur les bons effets de la gymnastique pulmo-
naire (comprenant le chant, la déclamation et le jeu des in-
struments à vent) dans la phthisie.
Nos laborieuses et très-coûteuses expériences pour l'alimen-
tation des plus grandes villes en eaux salubres, etc., etc.?...
Mais de deux choses l'une; ou bien nous avons manqué à la
vérité dans l'exposition des faits, et le rapport qui nous a été
infligé par M. Besnier n'est que justice, ou bien nous avons
dit vrai, — nous mettons au défi quiconque de venir prouver
une seule fois le contraire, — et alors que dire du médecin
qui, du même coup, où il venait enlever à un confrère le fruit
le plus précieux de tant de peine et de soins, et arracher aux
autres une espérance, frappait la Société médicale des hôpitaux
elle-même dans la personne de l'un de ses membres les plus
vénérés? Comprend-on, en effet, que si les choses se fussent
passées, ainsi que semble l'indiquer le rapport de M. Besnier,
M. Horteloup eût attendu le soixante-douzième malade pour
mettre un terme aux expériences... Une lettre, que nous
avons eu l'honneur d'adresser à ce sujet à qui de droit, com-
plétera notre réponse.
Donnons auparavant la parole à la Gazette des hôpitaux :
REVUE CLINIQUE HEBDOMADAIRE (23 février).
TRAITEMENT DU CHOLÉRA PAR LE SULFATE DE CUIVRE.
Si nous revenons encore sur le traitement du choléra par le
sulfate de cuivre, c'est parce qu'il nous a paru que le dernier
h leur famille. Avant nous, il n'avait pas fallu moins d'une période do dix
années pour produire, dans le mûme service, pareil nombre de sorties.
Pour la cliorée, voir les expériences do M. le docteur Douchut, à l'hôpital
Sainte-Eugénie.
13
— 19/4 —
mot n'avait pas été dit encore sur la valeur réelle de cette médi-
cation, malgré le jugement un peu sommaire qui en a été fait
à la Société médicale des hôpitaux. Voici quelques faits que
nous communique , en manière d'appel, M. le docteur Dufrai-
gne, de Meaux, ancien interne des hôpitaux de Paris, et qui a
saisi l'occasion d'expérimenter cette médication pendant que
l'épidémie sévissait dans cette ville.
Nous laissons la parole à notre confrère :
Premier cas. — Choléra foudroyant. Guérison rapide.
« L'épidémie s'est montrée, à Meaux, sévère en son début,
comme presque partout cette année. Il y avait eu déjà un cer-
tain nombre de malades, et tout autant de victimes, lorsque,
le 30 août, je fus appelé auprès du nommé P..., berger.
Cet homme, âgé de trente-deux ans, très-vigoureux, d'une
excellente santé habituelle, après une seule journée de pro-
dromes caractérisés par un peu de diarrhée, mais surtout par
de grands bruits d'entrailles, avait été pris très-violemment, la
nuit vers cinq heures. A dix heures du matin, je constatais
vomissements et selles caractéristiques incessants, crampes
féroces, angoisse épigastrique des plus vives, yeux excavés,
aphonie, froid général, mais encore un peu de pouls.
Prescriptions : Ipéca, boissons excitantes, bouteilles d'eau
chaude, frictions, lavements laudanisés.
A deux heures, l'état du malade s'est encore aggravé, plus
de pouls, algidité complète, sueur visqueuse, suflbcation ; cho-
léra type.
La mort me paraissant imminente, je me décide à tenter la
médication cuprique, et je prescris la potion suivante :
Eau distillée, 125 grammes.
Sulfate de cuivre, 12 cenligrammes.
Laudanum, 4 0 gouttes.
Alcoolat de mélisse, 4 grammes.
à prendre par cuillerée à café de dix minutes en dix minutes.
Les deux ou trois premières cuillerées sont très-mal suppor-
tées; le malade n'accepte à nouveau le remède qu'avec une
extrême répugnance; cependant à cinq heures il en avait déjà
— 195 —
pi'is et gardé les deux tiers ; à cette heure, rien encore de bien
notable. On continue le traitement : à neuf heures, un peu
d'amélioration ; vomissements, diarrhée et crampes ont un peu
diminué, le froid est moins intense, mais toujours pas de pouls,
pas d'urines, angoisse épigastrique des plus vives, voix abso-
lument éteinte, si bien que la famille se refuse tout d'abord à
faire les frais d'une nouvelle potion : j'oblige l'un de ses mem-
bres à me suivre chez le pharmacien. Une seconde potion,
cette fois à 15 centigrammes, est faite sous mes yeux, j'y fais
ajouter 30 grammes de sirop de cannelle, et supprimer l'al-
coolat de mélisse; cette seule addition suffit pour la rendre
d'un goût presque agréable. Le lendemain, 31, vers sept heures,
je retourne, sans beaucoup d'espoir, auprès du malade, et à
ma très-grande surprise je trouve la chaleur revenue partout,
sauf dans les parties restées à découvert; je sens parfaitement
le pouls; les vomissements et les selles sont devenues rares,
presque plus de crampes, diminution notable de l'angoisse
épigastrique, P... n'a plus vomi une seule fois sa potion, il la
prend maintenant avec plaisir.
Prescription : Troisième potion de 15 centigrammes, dont je
fais éloigner les doses.
Le soir, l'amélioration a fait de nouveaux progrès, plus de
crampes; de temps en temps encore un vomissement, deux
ou trois garde-robes seulement, depuis le matin; pouls et cha-
leur, réaction bonne.
Le 1" septembre, pouls bon , plus de selle caractéristique,
plus de crampes ni d'angoisse épigastrique. Bouillon.
Le 2, le bien continue, retour des urines. Bouillon et soupe.
Le 3, plus aucun symptôme cholérique, convalescence fran-
che; pendant quelques jours encore, je surveille le malade.
Le 10, il était complètement rétabli, et je lui faisais ma der-
nière visite. »
Deuxième cas. — Choléra foudroyant. Guèrisonplus rapide encore.
tt B..., cinquante ans, employé, pris subitement, sans aucune
sorte de prodrome, vers onze heures, dans la nuit du 13 octo-
bre, selles et vomissements caractéristiques au mémo moment.
Sa femme, blanchisseuse de profession, allume son fourneau
— 196 —
et l'entoure de fers chauds. Malgré cela, le froid augmente.
J'arrive à une heure du matin, et je constate l'état suivant :
selles et vomisse iients très-abondants, caractéristiques, crampes
très-violentes, se répétant sans cesse, angoisse ôpigastrique,
froid général, excepté à la poitrine, où encore un peu de cha-
leur, cyanose des cxtrcmilés, voix éteinte, face grippée, pouls
conservé, mais très-fréquent et petit. Avant mon arrivée on
avait administré thé au rhum et un lavement laudanisé. Je
prescris la continuation des mêmes moyens, plus , si les acci-
dents ne diminuent pas, la même potion que dessus, avec 15
centigrammes de sulfate de cuivre ef 30 grammes de sirop de
cannelle h prendre de dix minutes en dix minutes. Une demi-
heure à peine après ma visite, refroidissement complet, voix
tout à fait éteinte, ce que voyant, la femme de B... s'empresse
d'aller frapper à la porte du pharmacien.
Dès la troisième prise du remède, les vomissements cessent;
un peu plus tard, disparition des crampes, diminution consi-
dérable des selles. A huit heures du matin, je constate que le
pouls s'est relevé et que B... s'est complètement réchauffé; en
outre, plus de constriction vers la base de la poitrine.
Je fais éloigner les doses de la potion, me réservant de la
renouveler le soir, s'il y a lieu ; mais à ce moment, pouls et
chaleur bons l'un et l'autre, plus de selle ni de vomissement. "
Le lendemain, 15, retour des urines; le malade demande à
manger.
Le 16, je m'abstiens de le visiter.
Le 17, bien complet.
Dans ce cas, les accidents sont arrivés si brusquement, la
marche en a été si rapide, que le pronostic était des plus
graves, et cependant une seule potion a suffi.
La rapidité de la guérison et la promptitude avec laquelle
s'est établie et confirmée la convalescence, m'ont rempli
d'étonnement. »
Troisième cas. — Choléra à la prcmici'e pcriode. Guérison
en quelques heures.
« Le 17 septembre, à neuf heures et demie du soir, je visi-
tais une femme G,.., lavandière, qui, après une seule journée
•
— 197 —
de prodromes, avait été prise subitement des symptômes sui-
vants : selles riziformes, abondantes et très-fréquentes, crampes
violentes, commencement de froid, pas encore de vomisse-
ments, mais vomituritions fréquentes, pouls et urines conser-
vés... Auprès de la malade était déjà le curé de la paroisse, qui
se montrait d'autant plus préoccupé de son état qu'il venait
d'assister une voisine chez laquelle les accidents avaient débuté
de la même façon, et qui était morte très-rapidement. Je crois
pouvoir rassurer le bon abbé; j'ordonne la potion à 15 centi-
grammes, et la nuit était à peine arrivée à sa fin que tout était
rentré dans l'ordre. A ma troisième et dernière visite, qui eut
lieu le surlendemain, je rencontrais l'abbé B..., il avait suivi le
traitement, il n'en revenait pas de surprise, et comme il me
l'exprimait en termes chaleureux, je l'engageais, le cas échéant,
à faire son profit du fait dont il venait d'être le témoin.
En lui parlant ainsi, je croyais ne lui faire qu'une recomman-
dation banale, mais hélas ! voici ce qui devait lui arriver à lui-
même :
Environ trois semaines après, le 8 octobre, l'abbé B..., quoi-
que souffrant depuis plusieurs jours, se rendait à pied au vil-
lage de Penchard, situé à k kilomètres de Meaux, pour y assister
à une réunion d'ecclésiastiques chez le curé de la localité. On
se met à table : aux premières cuillerées de potage, l'abbé B...
se sent comme foudroyé ; ne pouvant être transporté chez lui,
on le couche au presbytère. Les accidents marchent avec une
effrayante rapidité, et le pauvre abbé, qui se souvient, n'a plus,
qu'une pensée, n'exprime plus qu'un seul désir, celui de me
voir : « Allez chercher M. le docteur Dufraigne, je ne veux que
lui, lui seul, » répète-t-il d'une voix qui, en moins de deux
îieures, s'éteint tout à fait.
J'étais malheureusement absent, et lorsque j'arrivai avec la
potion, malgré les soins dévoués d'un confrère qui avait été
appelé à ma place, il n'était déjà plus temps ; deux heures
après, le malheureux abbé expirait. »
Quatrième cas. — Choléra foudroyant ; guèrison, puis mort
le dixième jour , par accidents consécutifs.
(( Le H octobre, dans une maison du faubourg Saint-Nicolas,
— 198 —
un enfant de quinze mois mourait du choléra. Le jour suivant,
le frère, âgé de huit ans, était pris à son tour, sans aucun pro-
drome, des accidents les plus graves.
A mon arrivée, évacuations caractéristiques par haut et par
bas, incessantes; crampes si fortes, que les voisins s'étaient
sauvés pour ne pas entendre les cris du malade ; plus de pouls;
froid et cyanose.
Prescription. — Potion à 7 centigrammes, à prendre par
cuillerée à café de dix minutes en dix minutes; en outre,
moyens de caléfaction et limonade froide pour boisson. Les
vomissements cessent dès après la première cuillerée, et peu
à peu le malade commence à se réchauffer.
Le 16 au matin (2« visite), je trouve le jeune C... en pleine
réaction, le pouls est revenu, plus de vomissements, seulement
quelques garde-robes, quelques crampes, mais pas encore
d'urine.
Nouvelle potion, avec la recommandation d'éloigner les doses
et au besoin même de la suspendre. Vers la fin du jour, la
mère de l'enfant voyant les accidents ne plus se renouveler,
suit à la lettre ma dernière recommandation, La potion ayant
été mise de côté, quelques heures après, dans la nuit, retour
du froid et des vomissements.On redonne la potion et, comme
la première fois, ces derniers cessent, puis la chaleur revient.
Le lendemain 17 et aussi un peu le 18, les mêmes accidents
se reproduisent sous l'influence de la même cause (suspension
de la potion) et sont tout aussi heureusement conjurés par une
nouvelle dose du médicament.
Le cinquième jour, chaleur normale, retour des urines.
Le 19, pouls un peu lent, deux ou trois- selles de nature bi-
lieuse et somnolence ; suspension définitive de la potion.
Le 20, plus aucun phénomène cholérique proprement dit,
mais la somnolence augmente; quelques cris hydrencépha-
liques se font entendre; fuliginosités à la bouche, langue
sèche, selles de plus en plus bilieuses.
J'institue un traitement en conséquence.
Les 21, 22 et 23, l'état typhique s'aggrave, malgré le quin-
quina, le sulfate de quinine et une alimentation appropriée ;
le 23, l'adynamie est profonde, et le 2h l'enfant succombe,
\
— 199 —
ayant pris en tout 21 centigrammes de sulfate de cuivre en
cinq journées.
Faut-il regarder la fin de ce malade comme un insuccès de
la méthode?... Devons-nous oublier que, pendant cette si
grave lutte des cinq premiers jours, le remède n'a jamais
manqué son effet, qu'il a toujours suffi d'une cuillerée ou deux
de la potion, pour faire cesser les vomissements et amener le
réchauftement, et que le cinquième jour le cours des urines
était rétabli et tous les phénomènes cholériques proprement
dits avaient disparu? Pour moi, malgré le résultat final, je
croirais me manquer à moi-même que de ne pas reconnaître
que, chez l'enfant C..., les heureux effets de la médication ont
été non moins évidents que chez les trois autres malades.
En résumé, j'ai traité par les sels de cuivre k cas de cho-
léra, et sur ces cas, dont 3 d'une extrême gravité, 3 ont guéri
avec une rapidité tout à fait inaccoutumée, et le h", après avoir
été sauvé de même de la maladie première, a succombé en-
suite à des phénomènes consécutifs !... »
Ces observations sont, il est vrai, en bien petit nombre, mais
dans chacune d'elles les résultats ont été si nets et si tranchés,
qu'on ne saurait leur refuser une sérieuse valeur, surtout si
l'on tient compte du caractère très-grave de l'épidémie et des
nombreux cas promptement mortels au milieu desquels elles
ont été recueillies. {Noie du rédacteur en chef.)
M. le docteur Dufraigne avait ajouté :
« Je viens de dire les faits tels qu'ils se sont passés. Je n'avais
point d'abord l'intention de les livrer à la publicité, mais de-
vant les termes du rapport de M. le docteur Besnier, j'ai cru
que je devais à la vérité et à la justice de les faire connaître.
(( Espérons, dirai-je avec l'honorable secrétaire de la Société ■
médicale des hôpitaux, qu'il ne sera plus question du médica-
ment, ni de la médication, oui, espérons-le, car le fléau doit
commencer à se lasser de frapper; mais si, ce qu'à Dieu ne
plaise, il venait à reparaître, dans ma pensée, je le dis en toute
sincérité, les sels de cuivre auraient à jouer un très-grand rôle
dans la médication.
— 200 —
« J'étais interne en deuxième année à l'hôpital Beaujon, lors
de la grande épidémie de 18/,9, j'ai vu l'épidémie de 1853-5^i
j'ai suivi celle de 1865, et dans les nombreux traitements que
j'ai vu appliquer ou que j'ai expérimentés moi-même, je n'en
connais aucun qui m'inspire la même confiance. Le médica-
ment, c'est vrai, n'offre en lui-même rien de bien flatteur pour
le palais, mais convenablement édulcoré et aromatisé il de-
vient très-supportable au goût; associé à une certaine quantité
d'opium la tolérance s'en établit facilement, et quant à ses
prétendus dangers ils sont, à mes yeux, si parfaitement imagi-
naires que, le cas échéant, je ne voudrais point d'autre remède
pour les miens comme pour moi. D"" Dufraigne.
Voici maintenant la lettre annoncée un peu plus haut; c'est
par elle que nous terminerons. Cette lettre fut remise par nous-
même à l'honorable président de la Société médicale des hô-
pitaux. Une note, résumé très-fidèle des expériences de l'Hôtel-
Dieu l'accompagnait, et, dernier trait de toute cette odyssée,
celle-ci, pas plus que la première, n'obtint même la faveur
d'une simple mention au compte rendu des séances de la So-
ciété. M. Besnier étant chargé de la rédaction du procès-verbal,
de par certaine logique il ne pouvait guère en être autrement, et
c'est ainsi que tous ceux qui ont lu son rapport restent à cette
heure bien convaincus que nous avons nous-même passé con-
damnation sur nos convictions pk« tenaces qu'heureuses!
Vit-on jamais une violation plus flagrante du droit de uéponse,
droit inscrit dans la conscience de tous aussi bien que dans la
loi, et qui, dans le cas particulier, toute autre considération à
part, devait être certainement d'autant plus respecté qu'à l'in-
térêt privé se mêlait un intérêt public de premier ordre , les
observations de M. le docteur Dufraigne sont encore venues le
démontrer?... Mais Passons et hâtons-nous dé finir.
A Monsieur le Président de la Société médicale des hôpitaux.
Paris, le 10 novembre 1866.
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous adresser cette lettre et la note qui
l'accompagne, en réponse à la partie me concernant dans le
— 201 —
rapport que M. le secrétaire a lu à la Société médicale des
hôpitaux sur le choléra de 1866.
L'année dernière, presque à pareille époque, s'élevait de l'hô-
pital Saint-Antoine comme un vent tempétueux contre le système
que j'ai préconisé pour combattre le choléra. Depuis cette
époque, qu'il s'agit de la question du traitement, ou seule-
ment de celle de la préservation qui en est si distincte, et ne
saurait, en aucun cas, ce me semble, être plus solidaire de la
première que la vaccination préventive ne l'a jamais été de la
vaccination curative, la métallothérapie a toujours rencontré
sur son chemin le même souffle d'opposition.
Aujourd'hui, Monsieur le Président, la mesure est comble. Des
expériences ont été faites à l'Hôtel-Dieu, qui, loyalement expo-
sées, dans tous leurs détails, et convenablement interprétées,
doublent les espérances que j'avais conçues pour les cas où les
malades sont encore en puissance d'absorption, et voilà que ces
faits en passant par la bouche de M. le secrétaire de la Société
réduisent à néant ces espérances!... Je proteste.
La note ci-jointe, que j'ai pris soin de soumettre à M. Horte-
loup qui n'a point trouvé qu'une seule ligne fût à retrancher
ou à ajouter dans l'exposition des faits, démontre que, dans ces
expériences, les choses se sont passées tout autrement que ne
semble l'indiquer le rapport de M. Besnier.
« Que dans les cas qualifiés simplement de moyens (vingt-
deux au lieu de vingt-trois), huit avaient une anurie complète,
et neuf autres suppression absolue de deux des trois grandes
fonctions — circulation, calorification et sécrétion urinaire, et
lésion plus ou moins grave de la troisième.
« Que dans tous ces cas, aussi bien que dans ceux qualifiés de
légers (vingt-sept en tout), sauf chez un malade mort à la
vingt et unième heure d'un choléra à forme typhique, les sels
de cuivre ont eu une action des plus manifestes.
« Qu'une fois ces sels administrés par haut et par bas, pas un
malade, excepté un élève en pharmacie qui avait été saturé
d'opium avant son entrée, et qui est mort dans le coma après
quatre jours d'une lutte évidente, — pas un ne s'est avancé
d'un degré de plus vers la période algide.
« Que chez tous, et alors même que le remède avait été assez
— 202 —
mal toléré, les phénomènes cholériques ont été enrayés le jour
même ou le surlendemain au plus tard ; que tous avaient repris
complètement (sauf une femme qui n'avait point encore uriné)
pouls, chaleur et urines; que tous étaient déjà arrivés à la
convalescence ou y touchaient et ne prenaient plus le remède,
lorsque la mort est survenue plus ou moins inopinément chez
huit d'entre eux, deux fois par pneumonie, quatre fois par acci-
dents cérébraux, une fois par épuisement (dans un cas léger),
suite de misère, et une fois par une rechute non traitée. »
C'est ainsi que le nombre de guérisons définitives, dans cette
période de la maladie oîi pouvait être jugée seulement la mé-
dication, s'est trouvé très-malheureusement réduit à dix-sept
au lieu de vingt-quatre, qu'il était très-légitime d'espérer, et
qu'on aurait obtenues, c'est probable, sans les complications qui
sont survenues!
Quant aux quarante-quatre cas graves, qui tous étaient
absolument sans pouls, sans urines, et algides, que prouvent-
ils? Tout au plus l'imprudence de l'expérimentation.
Sur les faits de l'hôpital Lariboisière j'ai déjà répondu, et
montré, devant l'Académie et ailleurs, que les malades qui en
•font le sujet, n'ayant jamais reçu que le dixième de la dose de
sel affirmée (7 cent, 1/2 au lieu de 0,75), ces faits ressortissaient
à la médication quasi expectante et point du tout à la nôtre.
Le soin que M. le D'' Besnier a mis à les faire figurer dans son
rapport, bien que déjà vieux depuis près d'une année, prouve
nettement l'esprit qui l'a dirigé dans ses appréciations, et le
but qu'il se proposait : que s'il pouvait encore rester un doute
sur les intentions du rapporteur, il n'y aurait pour s'éclairer
qu'à lire le passage relatif à la malheureuse phthisique qui a
guéri, et « encore a-t-elle succombé, dit M. Besnier, quinze
jours après, » comme si notre traitement était en faute pour ne
point avoir arrêté une phthisie arrivée tout à la fin du troisième
degré.
Le fond du rapport de M. Besnier n'est donc vrai qu'en
apparence.
Contre la forme je proteste non moins énergiquemenl.
Si je suis victime d'une illusion, elle me coûte assez cher.
Monsieur le Président, pour qu'on me la pardonne, pour avoir
— 203 —
droit tout au moins au respect de mes confrères, et qu'il me
soit permis d'exprimer tout haut le regret que, devant une
parole plus que dédaigneuse, il ne se soit point trouvé au sein
de la Société une voix pour rappeler tout au moins à son
secrétaire,.. Que cette question du cuivre dans le choléra est
aujourd'hui l'œuvre de toute une grande partie de ma vie.
Qu'il y aura tantôt comme dix-huit années que j'ai commencé
à m'en occuper. Que dès 1853 elle m'arrachait déjà à mes
atïaires, à la voie qui était ouverte à mon activité pour me
mener en Angleterre, où je merendis sans aucune feuillederoute
ministérielle, dans le seul but d'y poursuivre mes recherches.
Que, malgré de nombreux déboires, depuis ce temps jamais
je ne reculai devant aucun sacrifice ni de temps ni d'argent,
devant aucune fatigue pour faire triompher ce que je crois être
la vérité, et que naguère encore je faillis payer de ma vie,
ainsi que l'infortuné Tourette, l'ardeur de mes convictions...
Et ceci ayant été dit, j'aime à croire. Monsieur le Président,
que notre jeune confrère, M. le D'' Besnier, eût trouvé, dans
l'expression de sa pensée, une forme autre et un peu moins
impersonnelle que celle par laquelle il débute en ces termes :
« Grâce à des convictions moins heureuses que tenaces,
l'occasion nous est fournie de vous parler encore, jjour la der-
nière fois, nous r espérons, du médicament et de la médication. »
J'ai fini, moi aussi, de parler de cette médication.
La métallothérapie n'a jamais eu la prétention. Monsieur le
Président, de forcer toutes les résistances qui se sont produites
à son endroit, presque depuis le premier jour où elle prit
naissance, et qui dans la question du cuivre contre le cho-
léra, notamment, se sont traduites sous tant de formes. Elle
comptait seulement sur la bonne foi, sur la courtoisie de ses
adversaires, et tant qu'il a pu croire à l'une comme à l'autre,
l'auteur a eu le courage de poursuivre sa tâche au mi-
lieu de diflicultés sans nombre. Aujourd'hui, après ce qui
s'est passé au sein de la Société médicale des hôpitaux, après
l'approbation donnée aux termes mêmes du rapport de
M. Besnier, après tant de preuves flagrantes du parti pris le
plus accentué en haut, en bas et partout, comme si un mot
d'ordre avait été donné, il serait insensé de continuer,... je me
— 20/| —
relire de la lutte...; lutte pleine d'amertume et sans autre com-
pensation qu'un peu de bruit fait autour de mon nom, laissant
au temps le soin de me venger des dédains comme des médi-
sances, et de me donner raison sur la préservation irhs-ceriair
nemcnl cl sur le irailemenl plus que jamais aujourd'hui, je
l'espère.
Pour oublier, ou tout au moins pour me faire attendre en
patiencè que la semence ait levé dans le sillon si péniblement
tracé, il me restera toujours bien. Monsieur le Président, le sou-
venir heureux de tous ces faits aujourd'hui incontestables!...
Les cholériques soulagés par centaines par ces applications
du cuivre entrées si avant, maintenant, dans le domaine des
pratiques populaires et desquelles M. le professeur Rostan
disait en 18Zi9 : « Vous avez vu ce moyen employé dans nos
salles, presque toujours avec succès, n
Des milliers d'ouvriers en cuivre, convaincus à tort ou à
raison de leur immunité cholérique, traversant aujourd'hui en
parfaite sécurité toutes les phases de l'épidémie, ainsi que cela
s'est vu l'an dernier à Toulon, et très-certainement aussi, sans
doute, bon nombre d'individus préservés de même par les pro-
cédés qui découlent naturellement de la préservation sponta-
née de ces ouvriers.
Enfin, des guérisons signées Lisie, Blandet, Pellarin, Arnal,
Berger, etc., etc., qui, ajoutées à celles obtenues par l'auteur,
formeront toujours bien, quoi que d'aucuns disent, un total
respectable pour tous les esprits impartiaux.
Veuillez agréer. Monsieur le Président, les salutations em-
pressées
De votre respectueux serviteur et confrère,
D"- V. BURQ.
FJN.
TABLE DES MATIERES.
Pagos.
dédicace a m. le professeur tnousseau 1
Préface ^
— Lettre a M. le D' Mélier 8
Chapitre I". — Historique de la Métallothérapie.
Anneaux constellés de Paracelse 13
Baignoires de Pomme
Armures d'aimant 1*
Perkinisme
Plaquesde M.Raspail. Cataplasmes électriques du professeur Récamier. 14
Pratiques populaires.
Acupuncture
Anneaux de Georget
Serre-malices-médailles, ustensiles de ménage 16
ACTION DU CUIVRE CONTUE LE CHOLÉRA.
Armatures métalliques •
Traitement des crampes des cholériques par les 17
Expériences pendant l'épidémie de 1849;
A l'hôpital Cochin, dans le service de M. Nonat IV
Au Val-de-Gràce, dans le service de M. Michel Lévy. (Observations
recueillies par les chirurgiens de cet hôpital) 19
A l'Hôtel-Dieu, témoignage du professeur Rosian 21
Dans la Haute-Marne. (Observations de MM. les D" Durand et Defau-
21
comherge) .■pV,',",'
Succès des armatures (contre les névroses à la Salpetriure, a 1 Huiel-
Dieu, à la Maison impériale de santé, etc , etc., pendant les années
1850-51 et 52)
Immunité cholérique des ouvriers en cuivre.
23
Première observation en avril 1852
Enquête sur cette immunité
1853. Mémoire aux Académies des sciences et de médecine
.— 206 —
Pdi!<:S.
Exposition publique des faits, appel aux intéressés. — Approbation
unanime 25
Mission confiée par l'autorité à M. Môlier 26
Pourquoi cette mission a été suivie d'un silence de douze aunées 26
1865. Reprise de la question devant l'Académie des sciences 27
Nouveaux faits de préservation spontanée par le cuivre.
Témoignages de MM. les D"Noiret, Vasseur, de Pietra Santa, Pécholier
et Saint-Pierre 28
Préservation provoquée i Paris et en Grimée, au moyen de plaques de
de cuivre, par MM. les D" Clever de Maldini et Raymond 29
Faits de la Nouvelle-Orléaus 29
Guérison authentique par les sels de cuivre, dans un cas de choléra
très-grave en 1854 31
Formules et prescriptions pour la préservation 33
— — pour le traitement 35
Chapitre II. — Préservation spontanée des individus
SOUMIS PAR LEUR PROFESSION A l'aBSORPTION CUPRIQUE. •
Comparaison de la mortalité cbolérique chez les ouvriers en cuivre et
chez les ouvriers d'industries similaires, sur métaux et autres ma-
tières 37
Mortalité dans les prol'essions qui s'exercent sur le cuivre seul, ou allié
en très-forte proportion à un autre métal 40
Mortalité dans les professions sur métaux où le cuivre n'occupe plus
qu'une faible place 4i
Mortalité dans les professions similaires sur fer, zinc, élain, plomb,
mercure, bois, verre et marbre 42
Mortalité cholérique dans les professions prétendues respectées 43
Cholériues dans les professions sur le cuivre 44
Préservation constante des ouvriers en cuivre.
Dans la grande usine électro-métallurgique d'Auteuil. (Témoignage de
M. Oudry, directeur propriétaire) 4C
Dans toute l'Italie méridionale. (Enquête de MM. les D" Gallariui, à
Florence, et de Rogatis, à Naples.) 46
Dans le midi de la France, à Toulon, à La Seyne et à Marseille. (En-
quête faite par l'auteur dans ces villes.) 49
Enquête sur l'épidémie de Paris de 1865 51
Classement des diverses professions sur le cuivre, d'apiès les droits
qu'elles donnent à la préservation 52
Mortalité cholérique chez les diverses catégories d'ouvriers dans les
professions similaires sur métaux, sur bois, sur verre, marbre, etc. 58
Tableau spécial pour la mortalité des chaudronniers 60
— 207 —
Pages .
Rapport de la commission du clioléra de 1832. ei
— de M. Blondel pour les épidémies de 1849 et 1854 64
Relevés de la préfecture de police pour 1853-54 65
Relevés faits par l'auteur en 1856 aux archives de ville 66
Enquête sur les épidémies de 1849 et 1853-54 68
Mortalité cholérique des musiciens dans les instruments de cuivre 70
Préservation à distance. Immunité singulière de la ville d'Auhagne
(près Marseille) 72
De quelques faits qui ont été cités en opposition des nôtres : réponse à
nos contradicteurs ', 75
Enquête sur de prétendus ouvriers en cuivre portés en 1865 comme
cholériques à l'hôpital Saint-Antoine 80
Extraits de la brochure de M. le D"" Rogatis, sur l'action prophylactique
et curative du cuivre dans le choléra 89
Chapitre ill. — Préservation provoquée par l'application
EXTERNE et l'aDMINISTRATION IINTÉRIEURE DU CUIVRE.
Préservation externe 93
— interne 95
— mixte 95
Une épisode de l'épidémie de Toulon. (Observation de l'auteur recueillie
sur lui-même) 90
Chapitre IV. — Traitement par les sels de cuivre.
Relevé des expériences qui ont été faites en 1865 à Paris et à Marseille
(34 guérisons sur 43 cas) 101
Expériences de M. le D'' Lisle, médecin en chef à l'Asile des aliénés de
Marseille. (Note à l'Union médicale sur ces expériences.) 103
Cas gémellaires de choléra consanguin. Guérison immédiate de la cya-
nose algide par le sulfate de cuivre, par M. le D"" Blandet 115
Observations de M. le D"" Pellarin 115
— de M. le D'' Berger 118
— de M. le D"- Arnal 119
— de M. le D"" de Rogatis, à Naplcs 121
— de M. le D"" Bernard, à Marseille 123
Faits de M. le D'' Mesnet, à l'hôpital Saint-Antoine 124
Faits de MM. Hillairet, à Saint-Louis, et Gubler, à Beaujon 125
Expériences de M. le D'PidouXjîiLariboisière, d'après M. leD'StouIflet. 126
Réfutation de ces expériences 127
Réponse à la Note de M. le D-" Lisle 131
Question des doses dans le traitement du choléra par le sulfate de
cuivre !l37
— 208 —
ÉPIDÉMIE DE 18CC. — APPENDICE.
Pages.
Regrets à l'adresse de M. Mêlier U5
Préservation spontanée.
Nouveaux arguments de M. le D"" Stoufllet contre la . . . Uélutalion. . . 147
Réclamation de MM. Lcverbe père et fils, fondeur.";, en faveur ilc la pré-
servation de leurs ouvriers, niée par M. Stoufflet 149
Des ouvriers en métaux traités à l'Hôtel-Dieu 150
— à Saint-Antoine 151
— à Saint-Louis 1 52
— à Lariboisière 152
— dans la Société du Bon Accord 154
Préservation provoquée.
Nouveaux faits de 156
Expériences de l'auteur sur lui-même 156
Traitement par le sulfate de cuivre.
Guérison par M. le D'' Groussin (de BeUevue) 157
Observations de l'auteur 159
Expériences par M. le D"" Horteloup, à l'Hôtel-Dieu 160
Première série ici
Deuxième série 162
Cholériques du premier degré, 18 lG-4
— du deuxième degré, 9 170
— du troisième degré, 44
Autopsies. Analyses du foie par M. le professeur Chatin 181
Résumé général 183
Des armatures contre les crampes; indications précieuses à tirer de leur
action 185
Conclusion 187
Rapport de M. le D'^ Besnier, lu à la Société médicale des hôpitaux, sur
les expériences de l'Hôtel-Dieu 190
Observations de M. le D'' Dufraigne (de Meaux) 193
Choléra foudroyant, guérisun rapide 194
— guérison plus rapide encore 195
Choléra à, la première période, guérison en quelques heures 196
Choléra foudroyant, guérison, puis mort le dixième jour par acci-
dents consécutifs 197
Réflexions 199
Lettre à M. le Président de la Société médicale des hôpitaux, en réponse
au rapport de M. le D"" Besnier. 2C0
PARI.'!.